Le 20, c'est déjà la fin du mois du retraité. Il faudra attendre encore deux jours pour que le porte-monnaie s'oxygène un peu, mais pour moi, ce sera un jour comme les autres: avec la chaleur insupportable et un ennui qui multiplie par dix la longueur des journées. Donc, je me suis réveillé comme tous les jours, malgré moi, interrompant un rêve merveilleux dont je ne garde que les sensations agréables qu'il m'a procurées.
Le manque de perspectives encourage diablement la propension au rêve.
Après une toilette élémentaire, je suis sorti laissant toute la maisonnée dans les bras de Morphée: ils avaient tous veillé jusqu'au s'hour. Moi, je m'étais juré que je ne changerai rien à mes habitudes alimentaires et vestimentaires. Certes, je ferai honneur à la chorba de la maîtresse de maison afin de rester dans ses bonnes grâces, mais je ne franchirai pas le seuil que mes voisins ont franchi.
Déjà, la veille, le marché avait été pris d'assaut par une armada de ménagères qui ont assiégé les marchands d'épices, les étals de fruits et de légumes, les boucheries. Le soir, plus tôt que d'habitude, les marchands de l'informel, vêtus de leurs gandouras aux couleurs incertaines et arborant tous des barbes hirsutes, auraient plié bagage: ils n'avaient plus rien à vendre.
Toute la marchandise était partie dans les sachets plastiques et les chariots qui étaient devenus des accessoires à la mode pour toute ménagère qui se respecte. Donc, ce 20 juillet, le quartier malfamé résonnait d'un silence qui ne lui était point coutumier. Le soleil était déjà haut dans le ciel, mais il n'y avait pas âme qui vive. Des chats attendent patiemment l'heure du ftour devant les poubelles surchargées. Des mendiants, toujours les mêmes, s'étaient installés aux carrefours attendant les âmes charitables qui reviendraient saines et sauves d'un marché dont personne ne pourra prédire le comportement.
Les marchands de lait, eux aussi, attendent l'hypothétique arrivée des camions frigorifiques.
Seuls les bouchers ont ouvert plus tôt que de coutume: leurs vitrines étincelantes affichent déjà des lots de viande soigneusement découpée avec, exception significative, le prix du kilogramme écrit en gros caractères. Des têtes de mouton alignées au-dessous des devantures complètent le sanglant tableau qui inaugure une journée particulière.
Le Tunisien, lui aussi, avait commencé très tôt: ayant agrandi son fonds de commerce, il avait pris soin de tripler le nombre de ses ouvriers pour répondre à la forte demande en sucreries orientales. Les marchands d'herbes aromatiques, eux aussi, ont fait des petits: ils jalonnent tout le long du chemin caillouteux et poussiéreux qui mène au marché, un marché qui ne s'est pas encore tout à fait réveillé, mais devant le parking, une violente dispute avait éclaté entre deux irascibles conducteurs: une place de stationnement vaut bien qu'on égrène un chapelet de noms d'oiseaux à un énergumène qui roule des mécaniques. On ne peut pas se tromper, le Ramadhan vient de commencer.
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Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Selim M'SILI
Source : www.lexpressiondz.com