Le phare de Mers-el-Kébir, autrefois situé à l’extrémité de la péninsule où se dresse le fort historique, marquait l’entrée de la grande digue du large dans ce port stratégique algérien. Construit en 1868 sous la direction de l’ingénieur français Monsieur Aucourt, cet édifice joua un rôle essentiel dans la navigation maritime en Méditerranée occidentale jusqu’à sa destruction tragique en juillet 1940.
Une Conception Robuste
Le phare reposait sur une tour octogonale blanche de 23 mètres de hauteur, un design typique des constructions maritimes du XIXe siècle sous l’administration coloniale française. La hauteur focale de sa lumière atteignait 37 mètres au-dessus du niveau de la mer, offrant une lumière blanche fixe visible à une distance de 9 miles marins, soit environ 16,6 kilomètres. Cette portée, bien que modeste par rapport aux phares modernes, suffisait à guider les navires dans la rade de Mers-el-Kébir, un port naturel protégé par le massif du Murdjajo et les fortifications environnantes.
Caractéristiques Techniques
Localisation : Latitude 35°44’N, Longitude 0°41’W.
Référence internationale : ARLHS ALG-025 (Amateur Radio Lighthouse Society).
Structure : Tour octogonale en maçonnerie peinte en blanc, conçue pour résister aux intempéries côtières.
Source lumineuse : Équipé d’une lentille de Fresnel, technologie standard de l’époque, alimentée probablement par une lampe à huile ou à pétrole avant d’éventuelles modernisations.
Un Rôle Stratégique et une Fin Dramatique
Situé à proximité immédiate du Fort Saint-André, le phare servait non seulement de repère pour les marins, mais aussi de point de référence dans le système défensif de la base navale française établie à Mers-el-Kébir. Cependant, son destin fut scellé lors de l’attaque britannique du 3 juillet 1940, connue sous le nom d’Opération Catapult. Après la capitulation de la France face à l’Allemagne, les Britanniques, craignant que la flotte française basée à Mers-el-Kébir ne tombe entre les mains de l’Axe, décidèrent de la neutraliser. Le phare, en raison de sa position dominante, gênait les tirs d’artillerie navale britannique visant les navires français, comme les cuirassés Bretagne et Dunkerque. Il fut donc délibérément détruit durant l’assaut, qui causa également la perte de plus de 1 200 marins français.
Cet événement marqua un tournant dans l’histoire du site, le phare devenant une victime collatérale de ce drame militaire. Après sa destruction, il ne fut jamais reconstruit, laissant la péninsule sans son signal lumineux emblématique.
Les Gardiens du Phare : Visages d’une Époque
Le phare de Mers-el-Kébir fut entretenu par une succession de gardiens, figures discrètes mais essentielles à son fonctionnement. Parmi eux :
Calaoudi : Un nom qui évoque peut-être une origine locale ou méditerranéenne.
Ferrera : Probablement d’ascendance espagnole, reflet de la diversité culturelle d’Oran à l’époque.
Manuel Fernandez : Un nom typiquement ibérique, lié à l’influence espagnole dans la région.
Antoine Ivanes : Possiblement un gardien d’origine française ou corse.
Pierre Antoine Massuchetti : Un nom suggérant des racines italiennes, fréquentes parmi les Européens d’Algérie.
Antoine Palma : Autre figure représentative de la mosaïque ethnique coloniale.
Ces hommes, souvent isolés dans leur tour, assuraient l’entretien de la lampe, le nettoyage des lentilles et la surveillance nocturne, dans des conditions parfois rudes face aux vents marins et à l’éloignement.
Un Héritage Perdu
Construit à une époque où les phares étaient vitaux pour la sécurité maritime, le phare de Mers-el-Kébir symbolisait la maîtrise technologique et stratégique de la France coloniale en Algérie. Sa destruction en 1940, bien que liée à un contexte de guerre, a effacé un repère visuel et historique de la côte oranaises. Aujourd’hui, seuls des vestiges ou des souvenirs documentaires subsistent, tandis que la base navale algérienne, qui occupe désormais le site, perpétue l’importance militaire de Mers-el-Kébir sans son phare emblématique.
Ce monument disparu reste un témoignage poignant des bouleversements historiques qui ont marqué la région, entre ambitions coloniales, conflits mondiaux et transitions postcoloniales.
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Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Hichem BEKHTI