Naama - HISTOIRE

AIN SEFRA ET L'HISTOIRE Histoire ancienne


AIN SEFRA ET L'HISTOIRE Histoire ancienne
Le Ksar d’Aïn-Séfra fût créé vers l’an 987 de l’Hégire – soit vers 1586 et quelques mois de notre ère par les enfants de Mohamed Ben-Chaïb – dit BOU-DEKHIL qui, contrairement aux habitants des autres ksars, ne sont pas d’origine berbère mais sont issus d’éléments divers de race arabe. Tous, cependant, prétendent descendre du Prophète par sa fille Fathma et ils possèdent des sedjira qui confirment ces prétentions. Ses habitants étaient appelés « Açhab El Qsar » ou bien les « Bou-Dekhil ».


Sidi Bou Dekhil était originaire de Zemmorah et habitait chez les Arbaouat –dans le cercle de Géryville, entouré de ses enfants et de ses serviteurs ; il possédait quelques biens et, entre autres, le puits de Hassi el Abiod.

Mohamed ben Sliman – père de Sidi Cheikh – demanda et obtint la main de la jeune Slamet. Sidi Bou Dekhil fit don à sa fille du puits d’Hassi el Abiod. Mais ses quatre frères, lésés dans leurs intérêts par cette donation, revendiquèrent leurs parts dans la possession du puits. Ce fût, dès lors, l’origine de luttes continuelles qui aboutirent à la défaite des enfants de Sidi Bou Dekhil qui furent contraints de prendre la fuite et de chercher refuge dans la région d’Aïn-Séfra.

Pour se mettre à l’abri des attaques continuelles des Zoua et des Oules-Sidi-Chaikh, les Ouled-Sidi-Bou-Dekhil qui vivaient d’abord sous la tente au milieu de leurs troupeaux, construisirent alors des maisons qu’ils entourèrent de murs crénelés. Ils s’adonnèrent à la culture des terrains et achetèrent les terres de l’oued Bridj aux Beni-Amer et aux Ouled en Nehar moyennant 1000 moutons ; ils purent ainsi étendre leurs droits de propriété depuis Sekhouna jusqu’à Ressaf, entre Aïn-Séfra et Tiout. Mais ne purent véritablement vivre en paix qu’avec l’occupation définitive de la région par les troupes françaises.

Les ksouriens d’Aïn-Séfra sont donc d’origine arabe. Une partie d’entre eux y compris les Ouled Daoudi – descendants des Ouled Sidi bou Dekhil – sont Cheurfa ; quant aux autres fractions, elles sont composées d’éléments divers : Laghouat Ksel, Beni Snouss, Hamyan, Doui Menia, Ouled Meddah, Ouled Djerir, Ouled el Hossein ainsi que les serviteurs des Ouled Sidi bou Dekhil qu’ils avaient suivi dans leur exil, mais qui appartiennent à des sectes religieuses différentes.

Au début le ksar était divisé en deux parties : l’une réservée spécialement aux Ouled-Daoudi, l’autre aux trois fractions Ouled-Youcef, Ouled Atta et Ouled-Meddah, avec défense expresse à ces trois fractions de sortir de leur quartier et de pénétrer dans la cité chérifienne sous peine de mort. Cette situation fit naître des dissensions qui se terminaient toujours par des coups de fusil. Le ksar, bâti entre la dune et l’oued – non loin de la source, abritait la population arabe locale. Il est adossé à une grande ligne de dunes d’ environ15 kilomètres de long qui le sépare du Djebel Mekter. Comme tous les autres ksours, il se compose d’une agglomération de maisons grises bâties généralement en pierre, possédant une cour intérieure et un étage : Ces maisons, placées sans alignement les unes à côté des autres, forment des quartiers séparés par des ruelles étroites, tortueuses et obscures. Le ksar qui comptait, en 1849, 260 maisons habitées n’en possède plus en 1950 que 120 ; 60 familles sont parties, avant l’occupation française, à Tlemcen où elles résident encore, 6 familles s’installèrent à Oujda, 70 autres s’étaient installées définitivement à Aïn-Nakhla dans la région de Fèz.

Période française
Le plaisant village des années 1950 n’était, pourtant, à l’origine qu’un pauvre ksar bâti au pied d’une grande dune et entouré de jardins miséreux.

Le poste d’Aïn-Séfra fût créé en 1882, après l’insurrection de Bou-Amama, pour surveiller la région face à Figuig qui était, alors, la citadelle et le refuge des dissidents.
Aïn-Séfra fût rendue célèbre par le Maréchal Lyautey qui commanda la Subdivision d’Aïn-Séfra de 1903 à 1906.

Située à 32° 45’ latitude nord et à 36° 2’ 24 » de longitude ouest de Greenwich, à 440 km d’ Oran par la piste Le Kreider-Colomb Béchar, par voie ferrée à 493 km, à vol d’oiseau à environ 300 km.
Aïn-Séfra, grosse bourgade plantée aux confins des hauts-plateaux, aux portes du Sahara à la bordure Nord de l’Atlas saharien.

Le village, isolé dans une vallée de sable entre l’immensité monotone des hauts plateaux et la fournaise du Sud, est bâti au confluent des oueds Bridj et Mouillah au centre des Monts des Ksours et culmine à 1070 mètres entre le Djebel Mekter (2062 m.) au sud, le Djebel Aïssa (2236 m.) au nord-est, les Djebels Morghad (2135 m) et Hairech (1686 m) au nord-ouest et le Djebel Smir (1800m) au sud-ouest.

Ces jardins, sa végétation exubérante offrent une sensation de douceur extrême et les vents qui soufflent sur ses dunes de sable d’or édifient au caprice de chaque jour de nouveaux paysages éphémères.
De loin, on a l’impression que le village a été construit sur une mer de sable et il semblerait bien que dans des temps anciens il y ait eu mer. Pour preuve l’existence d’impacts de vagues qui venaient s’écraser sur les parois du Djebel Mekter, les nombreux fossiles marins trouvés dans la région.
Sur la route de Pierre Blanche et de Tiout, les « Pierres Ecrites » appelé également le rocher carmillé livrent leur étonnant lot de peintures rupestres attestant de la fertilité de la région au début de l’humanité.

Aïn-Séfra tire son intérêt de sa situation géographique : les monts des Ksours, portion occidentale de l’Atlas saharien qui forment la limite géographique entre les hauts-plateaux et le Sahara ; cette limite se trouve sous une latitude très méridionale ; d’autre part les sommets des montagnes qui atteignent une altitude relativement élevée (souvent plus de 2000 mètres) qui en fait des condensateurs. Le climat d’Aïn-Séfra est sec et caractérisé par de grandes variations de température entre les jours et les nuits. En été (juillet et août) on note + 40° C ; en janvier – 4° C et même – 6° C.

Le vent souffle souvent et plus particulièrement d’Ouest, le village est alors envahi par le sable qui pénètre absolument partout, dans les moindres recoins. Le siroco est rare ; Les chutes de pluie et de neige sont assez fréquentes au printemps et en hiver.

En avril 1927 la neige est tombée et s’est maintenue très longtemps sur le Djebel Aïssa ; l’hiver 1954 vit également le village enveloppé d’une magnifique couche blanche. Par contre de violents orages s’abattent sur Aïn-Séfra en juin et en automne. Ces conditions permettent l’existence et la survivance d’une flore tellienne remarquable pour la région.

Ces djebels furent le théâtre de violents accrochages avec les fellaghas retranchés au Maroc dont la frontière se situait à une cinquantaine de kilomètres d’Aïn-Séfra.

L’oued Mouillah recueille les eaux des pentes sud des Djebels Hairech et Morghad et celles des pentes Nord du Djebel Aïssa. Les talwegs du Djebel Mekter alimentent l’Oued Bridj qui recueille par ailleurs les pluies de la région de Forthassa, à 70 kms à l’ouest d’Aïn-Séfra.
A leur jonction – à Aïn-Séfra – les deux oueds prennent le nom d’Oued Séfra. L’oued Séfra coule par intermittence pendant l’hiver, à la suite des pluies de décembre et de mars ; en juin et en octobre, de violents orages provoquent souvent des crues importantes et des masses d’eau considérables balayent l’oued arrachant tamarins et lauriers-roses qui le bordent.

Une de ces crues détruisit le 20 octobre 1904 la quasi-totalité du village ; lors de cette crue périt Isabelle EBERHARDT âgée de 27 ans. Cette jeune femme poète écrivain décrivit avec passion la région et se convertit à la religion musulmane en 1900.

En dehors des crues, le mince filet d’eau de l’oued Bridj alimente, à 2 kms en amont du centre, des barrages construits par les indigènes avec des pierres et du sable d’où partent des « séguias » qui servent à l’irrigation des jardins.
Ces barrages varient fréquemment d’emplacement soit par destruction, soit suivant les nécessités de l’irrigation. Joncs, lauriers-roses, tamaris, figuiers bordent les flancs de l’oued.

Les ksouriens d’Aïn-Séfra vivent en grande partie des produits de leurs jardins qui s’étendent sur les bords de l’oued et de la source (Aïn-Séfra dite Aïn-el-Ksar) jusqu’à l’oued.
300 jardins cultivés en toutes saisons produisent les fruits et légumes de toutes sortes et sont arrosés par les eaux de l’oued, par la source du kasar Aïn-Séfra et par Aïn-ed-Dzira qui se trouve dans l’oued.

L’oued Séfra coule d’une façon normale sans jamais causer de ravage lorsque les pluies d’hiver augmentent son cours. Toutefois les Beni-Amer avaient autrefois construit un barrage au pied de la butte sablonneuse sur laquelle s’élève la koubba de Sidi-bou-Djemâa en face de l’abreuvoir ; mais cet ouvrage, servant à détourner une partie des eaux de l’oued pour l’irrigation des jardins, composé de pierres sèches retenues par des piquets solidement fixés à terre, a été démoli. L’organisation politique, administrative et judiciaire du Ksar, avant l’arrivée des Français, était administrée par une Djemâa. Les Ksouriens d’Aïn-Séfra étaient – comme les autres ksouriens d’ailleurs – victimes de l’oppression violente des nomades qui força de nombreuses familles à s’expatrier ; l’installation française leur assura une complète sécurité qu’ils ne connaissaient plus depuis qu’ils avaient abandonné leur vie nomade.

Le 1er Caïd investi par les autorités françaises fut El-Arbi-ben-Allal nommé par décision du 12 mars 1861 en remplacement de Mohammed ben Ouiss révoqué à la même date pour abus de pouvoir.
Il fut remplace à sa mort – le 9 octobre 1866 – par Si el Mostefa ben Allal qui fut lui-même révoqué le 18 octobre 1869 pour son attitude équivoque dans l’affaire du Capitaine Morhain de la Légion Etrangère disparu chez les Amour en avril 1868. il fut remplacé par El Arbi ben Ouiss – fils d’un ancien président de la Djemâa. A la révocation de ce dernier le 20 janvier 1871, Mohamed ben Allal entra en fonction. El Hadj Mohamed bel Arbi lui succéda le 31 décembre 1880 ; celui-ci fut obligé de s’enfuir pour échapper à la haine de ses administrés. Il fut remplacé, le 24 janvier 1882, par El Hadj Seddick ben Abdallah, révoqué lui-même pour inaptitude et remplacé par Taïb ben Zerrouk. A la révocation de ce dernier – le 9 mai 1900 – le Caïd Mohamed ben Ouiss prit ses fonctions. Celui-ci, issu des Ouled Daoudi, est un homme jeune, de très bonne famille et animé du désir de bien faire.

Le Ksar qui relève de la 68e circonscription (hors Tell) est divisé au point de vue administratif en trois fractions : les Ouled Daoudi (dont est originaire le Caïd Mohamed ben Ouiss), les Ouled Atta et les Ouled Youcef. Sa population compte 693 personnes : 251 hommes, 212 femmes et 230 enfants ; parmi les hommes on dénombre 97 guerriers : 7 cavaliers et 90 fantassins. Cette population vit dans 120 maisons. Leur cheptel est composé de 7 chevaux, 30 ânes, 35 bœufs, 500 moutons et 450 chèvres. Les femmes tissent les burnous et les haïks nécessaires aux besoins de la population. Les ksouriens sont relativement heureux et doivent uniquement leur bien-être à la sollicitude dont ils sont l’objet de la part de l’autorité et à la proximité d’une forte garnison et d’une agglomération assez importante d’Européens qui les emploient, leur achètent les produits de leurs jardins et avec lesquels, même, ils s’associent pour entreprendre des petits commerces.

De nombreux enfants du ksar suivent assidûment les cours de l’école primaire d’Aïn-Séfra. Quant à l’instruction arabe, elle est donnée par deux derrer : Si-Mostepha-ben-Taïeb l’iman de la mosquée et Si-Mohammed-ben-bou-Bekeur qui n’ont en tout et pour tout qu’une quinzaine d’élève Ces deux indigènes reçoivent, comme partout ailleurs, une kharrouba d’orge et des petites sommes d’argent. Les habitants Musulmans d’Aïn-Séfra sont affiliés à diverses confréries religieuses : les Ouled Daoudi – 35 familles – appartiennent à l’ordre du Marabout de Kenadza ; les Ouled Atta – 27 familles – à celui du Marabout de Kerzaz ; les Ouled Youcef – 25 familles – à Si Abdesselam d’Ouazzan. Quelques familles – 4 à 5 – sont affiliées à la confrérie des Tidjania.
Tous ces ordres sont représentés au Ksar par des Mokaddem qui perçoivent les ziaras : El Hadk Mohamed bel Arbi (ex Caïd révoqué) pour Kenadza ; El Hadj Seddik ex-Caïd également révoqué pour Kerzaz et Si Bou Dekhil ben Sahraoui pour Ouazzan.
Les besoins du culte sont assurés et la mosquée est desservie par un Iman salarié par le budget des cultes. L’immeuble ainsi que les koubba bâties aux environs du ksar sont entretenus par les soins des habitants.
Les principales koubbas d’Aïn-Séfra sont celles élevées à la mémoire de Sidi-bou-Djemaa, de Mouley-Abdelkader et de Sidi-ben-Saheli. Ces koubbas sont visitées régulièrement ; les Musulmans invoquent ces saints à l’image des Chrétiens qui invoquent la Vierge Marie ou bien d’autres Saints de l’Eglise.
De nombreux Musulmans se rendaient sur la Koubba de Sidi-Bou-Djemaa pour y implorer des guérisons ; ils y psalmodiaient alors des sourates du Coran.
Cette adoration des saints qu’on appelle Maraboutisme est très mal perçue de l’orthodoxie musulmane qui accuse ces derniers « d’associateurs » (Mouchrikines ), c’est à dire de gens qui associent Dieu aux êtres qu’il a créés, ce qui est contraire au fondement de l’Islam à savoir Unicité, sans Ascendant ni Descendant ni Égal.

Personnalité
Le nom d’Isabelle Eberhardt, née le 17 février 1877 à Genève, morte le 21 octobre 1904 à Aïn-Sefra, Algérie, est lié à l’Algérie. L’écrivaine suisse d'origine russe et française de par son mariage, née d'une mère anarchiste exilée et d'un père inconnu, s'installe à Bône en 1897. Une fois là, Isabelle Eberhardt fuit les Européens, décide de vivre comme une musulmane et s'habille en homme bédouin. Sa mère morte, elle vivra plusieurs mois en nomade et rencontrera Slimane Ehnni, musulman de nationalité française, suspecté par les autorités françaises d'espionnage. Elle l'épouse en 1901 et obtient ainsi la nationalité française.
Un musée Eberhardt existe en Suisse et un autre en Angleterre.
La petite ville depuis 1882
La petite ville européenne prit naissance en 1882, après que la pacification de la région fût assurée. Les habitants du village étaient appelés par les Musulmans « Açhab El Filège » - adaptation locale du mot français « Village ». Ce fut tout d’abord, à la suite de l’insurrection de Bou-Amama, la création d’un poste militaire destiné à surveiller toute la région des ksours et plus particulièrement les approches de Figuig qui était un repère et un centre de ravitaillement des pillards qui infestaient cette zone Algéro-marocaine. Le Lieutenant de Banière, envoyé pour rechercher l’emplacement d’un nouveau poste, se prononça pour Tiout situé à 18 Kms à l’est d’Aïn-Séfra, mais le Général Delebecque décida de créer le poste à Aïn-Séfra ; les débouchés de la région pouvaient ainsi être surveillés plus facilement. Le premier mur d’enceinte fût élevé sur la rive droite de l’oued à l’emplacement de la redoute, tandis que sur la rive gauche s’édifiait le village au fur et à mesure de l’arrivée des commerçants, fonctionnaires, etc.. Sur cette rive gauche s’élèvent, en même temps que les maisons bourgeoises, les bâtiments administratifs et la gare fortifiée. En 1887, le rail arrivait à Aïn-Séfra et permit le peuplement du village érigé en 1882 ; le village, assis sur la rive gauche de l’oued, est habité par une population de commerçants, d’employés des chemins de fer, quelques fonctionnaires et dignitaires arabes. Cette population hétéroclite est composée d’Espagnols, de Français, de Juifs, de Musulmans étrangers originaires d’autres ksours et villes d’Algérie tels Méchéria, Saïda, Béchar, etc.. et d’une toute petite minorité kabyle qui vivent en parfaite harmonie. Les habitants du village étaient appelés par les Musulmans Açhab El Filège et les habitants du Ksar Açhab El Qsar ou bien les Bou-Dekhil.

Dès 1874, la création d’une voie de chemin de fer fut entreprise, en vue de l’exploitation de l’alfa sur les hauts-plateaux au sud de Saïda, dans la région de Kralfallah, d’où partirent des voies de 0,60 à l’est et à l’ouest. Les parcs de stockages étaient prévus à Kralfallah et à Modzbah. La sécurité, en ces lieux inhospitaliers, exigeait l’établissement d’une vie destinée en priorité aux militaires jusqu’au Kreider au Km 271 ; cette gare et ce village doté d’une piscine olympique donnèrent naissance à l’installation de la Compagnie Disciplinaire de la Coloniale, puis de la Légion Etrangère. La proximité des confins Algéro-Marocains non encore pacifiés obligea le prolongement de la ligne jusqu’à Méchéria, puis Aïn-Séfra au km 492. Elle poursuivit sa route jusqu’à Duveyrier de 1886 à 1890 pour arriver à Colomb-Béchar en 1903. C’est à Aïn-Séfra que le colonel Lyautey – rapidement promu général – fit ses premières armes de 1903 à 1907. C’est à lui que l’on doit la pacification de la région, la construction des pistes et du chemin de fer ; c’est également lui qui créa Colomb-Béchar. La gare est importante et devient un dépôt de chemin de fer et incontournable nœud ferroviaire dès 1914. Elle permit d’acheminer tous les éléments nécessaires à la pacification de la région, de transporter autant les militaires que les civils et donner naissance au village.

Le 26 octobre 1904, l’oued Namous qui descend des Monts des Ksours pour se perdre au sahara entre en crue et dévasta le village ne laissant debout qu’une dizaine de maisons ; une quinzaine de Musulmans et une dizaine d’Européens périrent dont l’écrivain – convertit à l’Islam – Isabelle Eberhardt. L’armée construisit une haute digue de protection, une passerelle et un pont que l’oued contourna en changeant de lit.

En 1912, Aïn-Séfra avait un vrai visage de village. Les rues étaient tracées au cordeau et étaient bordées d’arbres pour la plupart des acacias, des jardins émergèrent, une église fut construite. Sur les pentes, de l’autre côté de l’oued aux pieds des immenses dunes de sable doré fut installé le Bureau arabe pour l’administration de la région, la caserne de la Légion et des Spahis fut également construite aux pieds des dunes, proche du ksar.

Le Collège Lavigerie des Pères-Blancs vit son apparition en 1921; il avait fallu quatre décennies pour qu’il puisse voir le jour, quatre décennies au cours desquelles de multiples péripéties, embûches, jalonnèrent ce parcours.

Les troupes et colonnes qui opéraient dans le Sud-Oranais, en 1880, avaient comme aumônier l’abbé Reynouard – surnommé « le père la burette ». Lorsque les opérations cessèrent et que les troupes furent disloquées, l’aumônier se fixa à Méchéria. Son aumônerie était chargée du service du Kreider situé à 83 km au nord et d’Aïn-Séfra à 103 km au sud.

En 1898, du fait que l’aumônier venait très rarement à Aïn-Séfra et que les cérémonies se faisaient dans de simples baraquements, parce qu’il n’y avait pas d’église, le général de Saint-Germain fit appel aux Pères Blancs. Monseigneur Hacquard, préfet apostolique du Sahara et du Soudant, en résidence à Ségou sur le Niger, y envoya l’abbé Grisey qui venait de quitter la congrégation. Celui-ci résida à Aïn-Séfra jusqu’au mois de mai 1902. il assura en même temps le service des postes militaires de Djenien-Bou-Rezg et de Duveyrier. En janvier 1902 Aïn-Séfra fut rattaché au diocèse d’Oran.

Jusqu’à fin septembre 1920, date à laquelle Monseigneur le Préfet apostolique du Sahara revint prendre possession des territoires du sud, plusieurs aumôniers se succédèrent. L'édification de l‘Institution Lavigerie débuta vers la fin des années 1920 grâce en particulier à un don de la famille du Père de Charrette provenant de la vente d'un de ses châteaux.

La population européenne était en grande partie mobile : militaires de passage, fonctionnaires, cheminots. Toutes les classes sociales se heurtaient ainsi que les nationalités parmi lesquelles les Espagnols dominaient ; On y accueillait aussi bien des chrétiens, des juifs que des musulmans dans le plus grand respect des différentes croyances j'en témoigne et du respect de l’enseignement républicain. Dans le cadre de cet enseignement de la République, L’Institution nous préparait aux épreuves du Certificat d’études primaires et du Brevet Élémentaire du Premier Cycle (le fameux BEPC). Mais tous s’abritaient derrière le drapeau tricolore flottant à la Redoute. Il y avait donc là tous les éléments favorables à la création d’une paroisse chrétienne foncièrement catholique. A Aïn-Séfra et dans ses annexes, l’œuvre militaire devait doubler l’œuvre paroissiale ; aussi, les Pères n’étant pas officiellement aumôniers militaires se virent doter du titre et les soldats s’habituèrent à les reconnaître comme tels. La principale occupation des Pères Blancs consistait à ouvrir et à gérer des écoles autant pour les indigènes que pour les enfants des Européens désireux de bénéficier de l’enseignement « libre ». Dans certains villages, ces écoles restèrent officieuses en opposition aux écoles laïques.

Le 13 novembre 1923, un inspecteur d’Académie d’Oran découvrit l’existence illégale de l’école des Pères Blancs, laquelle était censée avoir été fermée par ordre gouvernemental. L’inspecteur d’Académie menaça d’en aviser le Gouverneur. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre et une pétition organisée par les cheminots qui représentaient la plus importante corporation civile fût déposée au ministère de l’Instruction publique. La pétition était signée par la quasi-totalité de la population civile et comprenait même des signatures de nombreux dignitaires musulmans ; les officiers qui ne pouvaient signer cette pétition firent savoir qu’ils adhéraient à la dite-pétition.

Le gouvernement général, sous cette pression, accorda la continuation de l’école jusqu’à l’amélioration du local de l’école communale. Les lenteurs de l’administration firent oublier l’affaire et les Pères Blancs poursuivirent leur œuvre.

En 1921, les Pères Blancs quittèrent le petit presbytère près de l’église pour une vaste masure en bordure du village. Ces bâtiments allaient permettre de répondre à une nécessité d’internat. En effet cet internat allait permettre aux enfants des cheminots employés tout le long de la ligne de chemin de fer et restant isolés d’accéder à l’instruction et l’éducation. A tous ces enfants, les Pères offrirent quelques chambres et un petit internat qui donna naissance à une grande maison qui deviendra l’Institution Lavigerie dont la renommée dépassa largement les frontières du Sud-Oranais. En plus du primaire et du secondaire premier cycle ( il y eut un deuxième cycle en 1960), les pères avaient monté un centre de formation professionnelle de mécanique, électricité et menuiserie qui préparait aux différents CAP et Brevets de techniciens. Avec l’admission d’externes augmentant, chaque année, l’effectif, il fallut agrandir.


En 1930, le père Cussac réalisait un magnifique ensemble de bâtiments constituant le cœur de la maison, avec chapelle, dortoir et réfectoire, classes, salle de spectacle. Dès 1946, bien que manquant de moyens matériels, les Pères Blancs entreprirent la construction d’un atelier de mécanique et de menuiserie pour la formation de jeunes apprentis européens et Indigènes. En 1950, une section de mécaniciens-motoristes se mit à fonctionner et apporta le couronnement de l’œuvre des Pères Blancs.

L’Institution Lavigerie s’étendait sur un très vaste domaine comprenant petit bois planté de tamaris, terrains de sport et de foot, piscine, jardin potager et quelques arbres fruitiers. Jouxtant les salles de classe, la chapelle surmontait le fameux cinéma où j'ai découvert le non moins fameux "Mines du Roi Salomon" avec Steward Granger et Déborah Kerr peu de temps après sa sortie, les Tarzan avec Jonhny Weissmuller, et ien d’autres chefs d’œuvre de ‘époque. Ce cinéma servait aussi de salle de théâtre pour les multiples pièces qu’élèves et maîtres interprétions au plus grand plaisir des parents invités à venir voir les comédiens en herbe que nous étions…. et nous applaudir.

Jusqu’en 1962 date de l’indépendance et de sa nationalisation, l’Institution fut le Quartier Latin de la région. Il y accueillit comme internes les fils de cheminots dispersés sur la voie de Perrégaux à Colomb-Béchar et Kénadza ainsi que les enfants des sahariens des oasis lointaines. Les certificats d’études et brevet élémentaire étaient quasiment assurés. La réputation de la discipline du collège avait atteint les limites du rail et bien au-delà. Les ateliers créés devinrent un Centre Professionnel.

Des noms illustres resteront gravés à jamais dans les mémoires : le Père Canac qui desservait les postes de l’extrême sud oranais, le Frère Marcel – jardinier – menuisier – chef de musique, Mahomet – menuisier et opérateur de cinéma, le Père Dalleret – le supérieur de l’époque Capitaine des Spahis qui fut tué à la tête de ses cavaliers en 1940, le Père Jolivet qui fut également Supérieur de l’Institution, le Père Chotard – économe qui se plaisait toujours à dire : » Vous il vous manquera toujours 19 sous pour faire 20 sous » quand il manquait parfois un dourou ou deux pour les frais de scolarité, dourous subtilisés en chemin pour acheter des bonbons au camelot de l’Institution ; le Père Diesté apprécié de tous, animateur sportif, le Père Le Lay – appellé plus communément le « père Fifine », le Père Bergantz avec qui nous apprenions à faire des perspectives, c’est également lui qui nous fit écouter les premières chansons de Paul Anka, c’était également lui qui faisait régner la discipline chez les internes dont nombre d’entre eux étaient là car c’étaient des têtes brûlés que seuls le Père Bergantz et le Père LeLay pouvaient ramener à la raison et à la discipline. Enfin le frère Roux, tout vêtu de gris ou de noir qu’on appelait « Awwawa » professeur de musique et de Français en CM2 ; Son nom il le devait sans doute à sa férocité quand il punissait un élève et aussi à son aspect physique plutôt ingrat. Il assénait ses coups de trique en répétant: « Woici, Woilà » pour Voici Voilà; à moins qu’il ne dût le surnom de « Awwawa » à sa manie de vocaliser le V en W. Son origine du département du Doubs n’est sans doute pas non plus étrangère à son WouWou. Des Laïques marquèrent également l’Institution : monsieur Joncourt notre professeur de maths que nous surnommions « Quin-Quin » du fait de sa prononciation : « Si Quin-quin veut bien passer au tableau » ! Monsieur Mataix surveillant Général et capitaine de l’équipe de Foot de l’Institution Messieurs Coudrette et Guidet respectivement professeurs de CE2 et CM1 ainsi que Madame Ravaillé mon professeur de CE1 en 1952 ; C’est avec elle que nous apprîmes que deux mille ans plus tôt «notre pays s’appelait la Gaule et ses habitants les Gaulois » ; monsieur Guidet nous enseignait l’histoire, il avait un sens pédagogique très avancé : il organisait sa classe en groupe de 5 à 6 élèves, chaque groupe symbolisait une espèce animale, ainsi il y avait les lièvres, les tigres, les lions, etc. Les épreuves pour la classification des différentes « tribus » d’animaux étaient individuelles et concernaient toutes les matières. Les points acquis par un élève allait à son équipe. Et chaque matin, on allait regarder le classement des différentes tribus affichées sur un tableau, une tête d’animal représentant chacune des équipes. Cela nous incitait à travailler d’avantage et surtout à nous entraider pour la préparation des épreuves. Je n’ai qu’une chose à dire: Chapeau Mr Guidet…

L’Institution Lavigerie fût nationalisé à l’indépendance, en 1962 ; jusqu’en 1970 date à laquelle elle ferma ses portes, elle continua à jouer son rôle d’enseignement et d’éducation ; elle avait accompli admiralement sa vocation et avait formé plusieurs générations de futurs Ingénieurs, Administrateurs, Enseignants universitaires, Officiers d’une bonne partie des élites actuelles algériennes.

Tous ceux qui y passèrent ont gardé le sens de la fraternité, du partage, de la tolérance.

Alors que les Pères Blancs, avec l’Institution Lavigerie, assuraient la formation et l’éducation des jeunes gens, celles des jeunes filles fût assurée par la création d’un ouvroir gérée par les Sœurs Blanches sur la rive droite de l’oued et sur la route menant au Ksar. L’enseignement général ainsi que des sections d’apprentissage, cours de couture, tapisserie, broderie, hygiène, étaient assurées.

En 1950 l’agglomération d’Aïn-Séfra comporte 4 parties distinctes : sur la rive gauche de l’oued, le village européen qui compte 1300 personnes européennes. Une ceinture verdoyante cerne le village à l’intérieur duquel dominent majestueusement la gare fortifiée et le dépôt du chemin de fer, le groupe scolaire, l’hôpital, l’institution Lavigerie. Les rues sont alignées au cordeau, à angle droit bordées d’eucalyptus, de tamarins, de faux-poivriers, d’acacias. La vue des hauts bâtiments en briques entourés de galeries à arcade, que l’on distingue du village nous apporte réconfort et l’assurance d’une protection face aux évènements auxquels le village est souvent soumis. La redoute, située sur la rive droite de l’oued, c’est ainsi qu’elle est désignée est le fief de la Légion Etrangère dont l’effectif est très variable ; le régiment est composé d’hommes ayant fait campagne en T.O.E. et dont beaucoup, hélas, sont impaludés. Sur la même rive, adossé aux dunes et à environ 400 mètres de la redoute se situe le ksar primitif, et sa muraille, dont les maisons et l’enceinte, construites en toub, sont de la couleur du sol dont il surgit ; village aux petites rues inégales qui grouillent en permanence d’enfants ; sa population composée surtout de Chleuhs et de Berbères compte un millier de personnes et la Commune mixte dans un parc aux arbres immenses, l’ouvroir des Sœurs Blanches situé presque en face de la Redoute sur la route menant au village. En 1958 l’arrondissement d’Aïn-Séfra compte 20.165 habitants dont 916 d’origine européenne.

En 1960, l’arrondissement atteint le nombre de 23.170 habitants ; l’augmentation la plus sensible est celle des ressortissants européens qui de 916 passe à 1.420. Le village seul compte 8570 habitants ( 1400 européens, 7100 citoyens français d’origine musulmane, 20 étrangers d’origine européenne et 50 étrangers d’origine musulmane.

Aïn-Séfra Asla Bouguellaba-Sfissifa Moghrar Maires SOLGADILouis AMMARI Mohamed AZIOUNU Brahim AISSAOUI Mohamed

Citoyens FrançaisD’origine européen 1.400 Citoyens FrançaisD’origine musulm. 7.100 3.800 5.700 5.100 Etrangers d’origineeuropéenne 20 Etrangers d’originemusulmane 50 TOTAL POPULATION 8.570 3.800 5.700 5.100

A l’Est du village européen, derrière l’Institution Lavigerie, se trouve le Village Nègre – la Graba -et sa population presque essentiellement des Gouarrirs d’environ 1000 personnes. Ce quartier est construit sur une zone totalement sablonneuse et les maisons s’y enfoncent. Sa population, d’environ 1000 personnes, est presque entièrement composée de Gouarir – originaires de Gourara cité située aux environs de Timimoun dans le grand sud .

Ce n’était pas, en réalité, de vrais Gouarirs qui, eux, sont de race blanche, mais plutôt des descendants d’esclaves noirs ramenés du Soudan par les caravaniers berbères et arabes du Sahara.

Il y avait également parmi cette population des métissés qu’on appelait « Haratines » ; cependant la majorité des Haratines étaient sédentarisés au village. Les habitants de la Grabal (village nègre) étaient appelés les Ouled Sidna Bibal ou Blal, ou encore Açchab Legraba.

Bibal fut le premier Africain noir musulman aux côtés du prophète Mahomet qui en fit le Premier Muezzin de l’Islam. Toute la lithurgie africaine tourne d’ailleurs autour de Bibal. Au cours de fêtes telles l’Aïd, le village nègre produisait un spectaculaire concert de chants, danses africaines. L’on fêtait également le taureau en mémoire du sacrifice du taureau dont l’origine remonte à Bibal El Habachi ; lors de ce rituel l’on tuait un taureau afin d’en nourrir la population.

Ce rituel du sacrifice du taureau se retrouve en France dans une petite commune du Haut-Var –Barjols- où, tous les ans, le 16 janvier, à la Saint-Marcel l’on célèbre les « Tripettes ». Les « Tripettes » commémorent un double miracle : l’apparition inespérée d’un bœuf qui sauva les habitants de la famine lors de ces terribles disettes moyen-âgeuses, et l’arrivée du corps
Effectivement, toute une époque ... révolue. Vos photos sont les bienvenues, voudriez vous les publier? si vous avez du temps bien sur, ce n'est pas du tout compliqué, via un espace blog que vous pourrez créer (en haut à droite) , il suffit d'en poster une, le reste sera plus facile. Je vous remercie pour ces témoignages précieux pour notre mémoire collective. Bien à vous Hichem.
Hichem - Tlemcen, Algérie

24/03/2024 - 562201

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Réponse à vos interrogations J'ai effectivement vécu à Aïn-Séfra jusqu'en 1959 date à laquelle mon père qui travaillait aux chemins de fer a été muté à Mostaganem. Je garde d'Aïn-Séfra des souvenirs exceptionnels qui ont marqué mon adolescence. J'allais bien évidemment chez les Pères Blancs à l'Institution Lavigerie fréquentée par toutes les populations. Les chapardages dans les jardins de l'oued; les bagarres avec les jeunes de la graba; les camps scouts où les 3 communautés faisaient partie. En 1 mot; malgré les "évènements" les 3 communautés étaient très proches et je garde en souvenir mes amis d'antan; Abderhamane; Guezouli; Chami; azoulay. Si vous souhaitez quelques photos c'est avec plaisir que je vous en enverrais; ne dit-on pas qu'une image vaut 1000 mots. Pour conclure: bravo pour la promptitude de votre réponse...et puisque vous êtes sur Tlemcen: un bonjour aux Ruines de Mansourah où j'allais avec mon oncle faire des méchouis
GUILLEM Régis - Hyères, France

23/03/2024 - 562189

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Mr GUILLEM, je m'excuse pour cette omission, nous ne sommes pas coutumier de ce genre d'erreur. En plus de ça je vous remercie pour votre message plein de tact et de gentillesse. Heureux de voir que ça vous rappelle des souvenirs, pouvons nous en savoir plus sur vous? J'ai visité il y a juste un mois Ain Sefra, avec plein de photos à la clé que je mettrai sur ce site sous peu. Je vous remercie de votre indulgence. Bien à vous, Hichem.
Hichem - Photojournaliste - Tlemcen, Algérie

23/03/2024 - 562181

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J'apprécie beaucoup que vous évoquiez Aïn-Séfra et ses origines; mais par correction pour celui qui est à l'origine de cet article il aurait été honnête de le citer. En l'espèce je suis l'auteur de toute les informations relatives à Aïn-Séfra et j'en ai même fait un livre. D'ailleurs un article intitullé "le bou-you-you" faisait suite à tout ce qui concerne Aïn-Séfra; parmi les annexes il y avait "la conquête d'Aïn-Séfra" et "le combat du Chot Tegri". Cela étant c'est très bien de rappeler ces souvenirs d'antan.
GUILLEM Régis - Retraité - HYERES, France

23/03/2024 - 562180

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