M'sila

M'SILA SOUSLES EAUX




Les habitants de plusieurs régions de M'sila se sont réveillés, hier, vendredi, dans la boue, au milieu des gravats charriés par les crues.Cinq personnes dont une famille composée de trois individus sont mortes emportées par les crues des oueds dans la wilaya de M'sila à la suite d'intempéries durant la nuit de mercredi à jeudi, selon le wali de M'sila, Abdelkader Djelaoui, qui précise qu'une personne parmi les victimes est toujours disparue. Une cinquantaine de personnes ont été sauvées et secourues par les éléments de la Protection civile.
Les habitants des communes de Slim, Boussaâda, Mohamed-Boudiaf, Aïn El-Melh, Ouled Derradj, Maarif, Aïn Rich, Slim, Ouled Sidi Brahim, M'cif, M'sila et de plusieurs autres régions touchées par ces inondations ont découvert l'horreur, soit les dégâts occasionnés par quelques heures d'intempéries.Les nombreux oueds qui traversent la région sont sortis de leur lit, emportant tout sur le passage.
Une victime âgée de 37 ans a été découverte lors d'une patrouille de repérage de la Protection civile au niveau de la commune de Slim, à 128 kilomètres au sud du chef-lieu de la wilaya de M'sila. Elle a été retrouvée dans sa voiture emportée par la crue de l'oued El-Khenegue. Selon des habitants de la commune, il s'agit d'un taxieur qui rentrait à la maison après une journée de travail. "Nous l'avons averti sur le danger de la route, mais il a insisté pour emprunter le pont, prétextant qu'il en avait l'habitude et qu'il connaît bien la route. Mais une fois sur le pont, le torrent a été plus que son expérience", dira Mohamed, un habitant de Slim.
La deuxième victime est un homme qui s'est noyé dans son véhicule au lieudit El-Akla dans la commune d'Aïn El-Melh, à 115 km au sud de M'sila. Au milieu de la journée, les plongeurs de la Protection civile ont repêché deux corps d'une même famille, une femme et une jeune fille, et ils sont toujours à la recherche du corps du chauffeur, un jeune de 21 ans. Ils étaient à bord d'une voiture lorsqu'ils ont été surpris par les eaux de l'oued Djenane-Roumi dans la commune de Boussaâda. "Une scène totalement apocalyptique et des souvenirs qui me hanteront longtemps", dira ce jeune Boussaâdi qui était sur les lieux au moment de la disparition de la voiture dans l'oued. Les dépouilles ont été transférées à la morgue de l'hôpital de Boussaâda et d'Aïn El-Melh.
Dans la même commune, 8 personnes encerclées dans leur habitation par les eaux de l'oued Laymoune ont été secourues. Dix autres personnes qui étaient à bord d'un bus de transport de voyageurs ont été sauvées in extremis par les agents de la Protection civile qui sont intervenues dans la commune de Maârif, à 45 kilomètres au sud de M'sila. À la commune de Barhoum, à 48 kilomètres à l'est de la wilaya, un camion transportant 30 bêtes a été dégagé des torrents.
Dans la commune d'Ouled Slimane, sise à 136 kilomètres du chef-lieu de la wilaya, les sauveteurs ont réussi à sauver 13 personnes dans deux maisons cernées par les eaux au lieudit Attef Naâma. À Aïn Hadjel, à 67 kilomètres à l'ouest de M'sila, l'effondrement du plafond d'un poulailler au douar Hadjar Zergua a causé la perte d'un nombre important de volailles. Durant cette nuit, 10 personnes encerclées par les eaux dans un bus ont été sauvées.
Dans la commune de Mohamed Boudiaf, sise à 137 kilomètres au sud de M'sila, un enfant, Ahmed H., âgé de 13 ans, accroché à un buisson dans le lit de l'oued Chair, a été sauvé par les éléments de la Protection civile qui n'ont pas hésité une seconde à risquer leur vie pour le sauver. Malgré la force des eaux et après plusieurs tentatives, ils ont réussi à secourir l'enfant et à le dégager du torrent.
Sain et sauf, l'enfant, pour qui le cauchemar se terminait enfin, a été transporté au centre de santé de la commune pour une prise en charge d'usage. "Une écoute psychologique est indispensable", dira un secouriste. "On pensait qu'il n'allait jamais revoir sa famille", dira un des proches de l'enfant. "Mais le courage et la persévérance des agents de la Protection civile ont évité un autre drame", ajoute-t-il.
Protection civile, une mobilisation à toute épreuve
"Les éléments de la Protection civile ont été sur le terrain dès l'annonce du BMS. Nous avons réquisitionné tous nos agents et moyens pour informer, sécuriser et sauver des vies. Vu l'ampleur des crues, nous avons été épaulés par des renforts venus de Bordj Bou-Arréridj, Bouira et Djelfa", nous a déclaré le lieutenant-colonel, Abdellah Benkhelifa, directeur de la Protection civile de wilaya de M'sila, qui ajoute qu'un poste opérationnel avancé est installé à Boussaâda pour chapoter l'opération de recherche de disparus et être tout prêt des zones touchées.
De nombreux internautes victimes des inondations ont publié des vidéos attestant de la situation très problématique dans laquelle ils se trouvent. Cela permet d'estimer le niveau atteint par l'eau comme à Boussaâda. Un petit oued donc qui est sorti ici de son lit et qui a littéralement noyé toute cette région. Les précipitations ont occasionné des perturbations de la circulation routière au niveau des routes nationales et des chemins de wilaya.
Des routes sont aussi coupées au trafic comme la RN70 reliant Batna à M'sila sur le tronçon reliant les communes de Bir Fedha et Aïn El-Melh au lieudit El-Meguetaâ, commune de Bir Fedha à cause des inondations. La RN45, entre Maârif et Aïn Diss, au niveau de Baniou dans la commune de Maârif. Les RN89, 40 et 46 sont aussi touchées par ces inondations. Le CW38 reliant la commune de M'Djedel à Tamsa est fermé au niveau de Bir Madjed dans la commune de M'Djedel. L'autre route bloquée est le CW03, reliant Ben S'rour à M'cif au niveau de l'oued M'cif.
Les riverains et les habitants dénoncent le vol de sable et les constructions dans les lits des oueds. "On s'attendait à ce genre de crues car les lits des oueds sont détournés et le sable et les matériaux alluvionnaires pillés. Les cours d'eau ne sont plus comme avant. Cela est dû à l'homme et surtout l'anarchie qui règne dans le domaine de la construction."
Des visites sur les lieux dénotent l'ampleur de la catastrophe écologique qui frappe tous les oueds de la région tels que l'oued Maïtar à Boussaâda. "Les dégâts sur cet environnement vulnérable ne sont pas faits pour améliorer les conditions de vie dans ces contrées steppiques", dira cet écologiste et membre d'une association locale.
"En dépit de la lutte livrée contre les auteurs de ce phénomène, des bandes se sont constituées dans les communes limitrophes dans le seul but de porter atteinte à l'environnement. Des bandes qui sévissent la nuit et procèdent au pillage du sable en dépit des mesures prises contre ce crime écologique", dira un riverain qui voit sa région changer de forme et devenir dangereuse. "Mes ancêtres sont nés ici, à El-Khenegue, et moi aussi. La région a changé.
À la moindre chute de pluie, on remarque des transformations, l'eau n'est plus absorbée par le sol, mais coule rapidement. Nous n'avons plus de retenues collinaires ou de digues pour stopper et emmagasiner l'eau, comme avant", regrette-t-il. "Maintenant, nous avons la peur au ventre", ajoute-t-il.
"Le sable joue un rôle essentiel dans la protection des sols et l'équilibre des écosystèmes. Les conséquences de cette surexploitation apparaissent peu à peu au grand jour, comme ces inondations. Petit à petit, les appétits économiques ont grignoté au moins 75% des rivières et dévié leur trajet naturel : face aux timides régulations adoptées pour tenter de limiter le pillage, la ruée vers le sable s'est accélérée, sous l'égide d'entreprises de construction et de mafias locales", dénonce cet universitaire et appelle les autorités à respecter l'environnement en appliquant les lois en vigueur.
Le wali de M'sila, M. Djellaoui, qui regrette les pertes humaines, a félicité les éléments de la Protection civile pour leurs efforts et rappelle pour l'occasion le sauvetage de plusieurs individus qui étaient coincés dans les lits d'oued, sur la route ou dans leur demeure.
"Plusieurs ponts, infrastructures routières et maisons ont été emportés ou saccagés par l'eau", ajoute encore le premier responsable qui s'est rendu sur les lieux des inondations en compagnie d'une délégation. "Nous allons prendre en charge la population touchée par ces inondations", a déclaré le wali. Hier, une première aide alimentaire de 60 tonnes a été envoyée dans la région sinistrée, par les services de la wilaya de M'sila.
Une délégation ministérielle sur les lieux
Dans la matinée d'hier, une délégation ministérielle, dirigée par le ministre des Travaux publics, est arrivée à Boussaâda pour évaluer les pertes, étudier de près le problème des inondations auquel est confrontée la région et essayer trouver des solutions rapides et à long terme à cette menace. "Relancer tous les projets de protection des populations des dangers des inondations", a promis le ministre lors de cette visite, qui ajoute qu'une commission locale entamera, au plus vite, le recensement des dégâts matériels occasionnés, afin de programmer des projets et des actions pour réparer les effets de ces intempéries.
Les autres victimes de ces inondations, les paysans de la région, sont aux abois. La situation est jugée catastrophique par les professionnels de la région. Un nombre important d'exploitations, impactées par cet épisode d'inondation, affichent un état des cultures très fortement dégradé. Blé, orge, légumes et fruits, mais aussi d'autres espèces ont été directement touchées par l'eau stagnante. Après une longue sécheresse, et à la suite de ces dernières inondations, les paysans et les éleveurs de la région sont touchés de plein fouet.
Certains agriculteurs doivent repartir de zéro et cela va demander beaucoup de temps et d'argent. "Les inondations ont causé des ravages aux conséquences encore difficiles à évaluer. Après la sécheresse et la grêle du début de semaine, voilà ces inondations. J'ai irrigué mes arbres fruitiers avec des citernes d'eau que j'achète chaque jour, la grêle a tout fait tomber, et maintenant, les inondations ont noyé et déraciné mes arbres", dira âami Salem, un paysan qui cultive les arbres fruitiers à Boussaâda.
"Certains ont tout perdu, non seulement les récoltes mais aussi leurs maisons, hangars et outils de travail. D'autres n'ont même plus de quoi replanter. Comme ils doivent tout recommencer de zéro, ils sont contraints de demander l'aide des autorités", ajoute un autre éleveur de poules qui a perdu son garage et ses poussins à Aïn Hadjel.

Reportage réalisé par : CHABANE BOUARISSA

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