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LES GRANDES FIGURES MOSTAGANEMOISES DE L’ISLAM.... LE MUFTI BENKARA MOSTEFA


LES GRANDES FIGURES MOSTAGANEMOISES DE L’ISLAM.... LE MUFTI BENKARA MOSTEFA



LES GRANDES FIGURES MOSTAGANEMOISES DE L’ISLAM....
LE MUFTI BENKARA MOSTEFA

Abdelkader Ben Mostefa Benouada Ben Hadj Mohamed Ben Kara Elhacini est né à Mostaganem en 1862 d’un père, notable de la ville et d’une mère de la filiation de sidi afif. Très tôt orphelin, il est à la charge de son grand frère Cheikh Benaouda qui était imam à Relizane. Il y reçut les premiers rudiments d’une éducation attentive, préoccupée d’une religion sereine. Il y apprit le coran et posséda sa grammaire grâce à la fameuse poésie Alfiat Banou Malek. Il eut comme maître Cheikh Larbi el Ferdjidji et se familiarisa avec la jurisprudence musulmane, fiqh, sous la direction de plusieurs oulémas réputés. Citons, entre autres, Cheikh Sidi Ahmed El Mokhtar, Cheikh Lakhdar Benmimouni, Cheikh Tahar Benammar.

Sidi kaddour Benslimane pressentant ses immense dispositions l’envoya à la zaouia Sidi Mihamed el Missoum de Ksar el Bokhari chez celui qui a été son maître des années auparavant, Cheik Larbi Belkacem. Il faut préciser que Sidi Kaddour Benslimane appelait familièrement le garçonnet dès l’age de cinq ans « le mufti ». Mi- perspicacité chez ce fin connaisseur des hommes, mi prémonition, le fait est là et il est troublant.

Le jeune homme ne cessait d’écouter et d’emmagasiner le savoir, il avait une faim insatiable et des capacités qui semblaient sans limite. Doué d’une intelligence remarquable et d’un esprit de synthèse exceptionnel, il assimilait vite et trouvait des liens aux données les plus diverses. Il présentait son argumentaire avec des références nombreuses et glanées chez les savants les plus inattendus, il avait une vision maîtrisée des redoutables ensembles qui constituaient les arcanes du fiqh, de la sunna, du taouhid. Au terme de son séjour à ksar el boukhari, c’est avec un bagage intellectuel éminent qu’il retourna à Mostaganem. Sa modestie inégalable le poussa à continuer à écouter et à engranger, ainsi il fut encore disciple de Sidi Ali Benabderrahmane. Celui qui deviendra par la suite mufti à Oran et qui n’a jamais cessé de fréquenter notre ville. Leurs relations furent suivies et soutenues, il entretenait une concertation permanente autour des questions de la spiritualité et de la foi.

Répondant aux vœux unanimes des notables de Mostaganem, alors qu’il n’avait que 24 ans, il commença à enseigner. Il prenait une relève périlleuse en remplaçant au poste d’enseignant le défunt Cheikh Hadj Mohamed Benamar qui occupait auparavant la chaire dans la mosquée suprême située à tobbana. Le nouveau titulaire s’avéra vite à la hauteur de tâche. Il démontra toute l’étendue de son érudition et toute la profondeur de sa proverbiale magnanimité. Il enseigna le fiqh en se referant et en analysant le célèbre traité Moukhtasar Cheikh el Khalil, référence centrale du rite malékite.

Il expliquait la Rissala, les commentaires de Banou Achir, la tariqa Sanoussia, il à également enseigné L’Unicité (Taouhid), la grammaire et les hadiths (Sahih El Bokhari et El Arbaiîne Enaouaouiaya sans oublier les subtilités de la littérature que sont rhétorique, la poétique, la stylistique, etc.

De passage à Mostaganem, un respectable aâlem de Médine, assista par hasard à un de ses premiers cours, il tint à marquer sa satisfaction, et s’adressa ainsi aux présents : « O gens de Mostaganem, Allah vous a enrichi d’une source de savoir et de connaissance, louer Dieu et soyer reconnaissants, écoutez ce Cheikh, vous serez parmi les heureux. »

Un an après avoir commencé à enseigner il est désigné Mufti par les notables. Du coup, il se passa de toute la hiérarchie traditionnelle qui se composait d’étape incontournables à l’ordinaire : hazzeb, mouadenne, imam des 5 temps, imam khatib, sa pédagogie et son savoir en imposaient à tous et, déjà, renommée dépassait la région et le pays. Il eut des relations intellectuelles et épistolaires soutenues avec Cheikh Mohamed Betekouk El Alem. Par admiration, Betekouk rédigeait parfois des éloges rimés de certains écrits du Mufti. Cheikh Bouabdellah de Bethioua fut son ami de toujours et l’Imam Tahar Benchehida son disciple préféré…

Cheikh Ben Kara sera Mufti de Mostaganem durant 55 ans. Guide de tous et de chacun, modérateur des tourouqs et des zaouias multiple qui font la spécificité et la richesse intellectuelle de la ville. Il officiait l’obédience malékite mais sa maîtrise lui permettait parfois de se référer au rite hanéfite. Pour lui la religion est un tout. Les nuances qui rebutaient les autres étaient pour lui autant de possibilités de faire le bien, de conforter les cœurs, de faire retrouver la sérénité aux âmes tourmentées. Le bonheur aux malheureux. La confiance aux aigris. L’Islam qui prônait chassait les affres et installait sinon la joie du moins la tranquillité sereine.

La présence du Mufti Ben Kara transforma la Mosquée de Mostaganem en un lieu de convergence. Un ralliement de gens de toutes horizons et de toutes les régions qui venait demander conseils et orientations. Mostaganem conforta son rôle de pôle religieux régional. Une fois, il reçut une délégation de disciples mozabites venus écouter ses cours, le Mufti commença à analyser le bismillah. Au bout de six jours, il en était encore à l’interprétation et l’analyse de la première lettre de la formule, le « ba ». Ils ne purent le suivrent et abandonnèrent leur projet non sans l’avoir respectueusement remercié.

Après l’indépendance. Cheikh Zoubir, alors Inspecteur Régional Ouest des Habous est venu à Mostaganem pour un colloque. Il saisit l’occasion pour évoquer la mémoire du Mufti. A cette occasion, il lui témoigna une envergure africaine et une renommée dans la totalité du monde musulman. Il lui reconnu être un homme de principe, de courage tranquille et rappela que le gouverneur colonial l’avait suspendu de sa fonction parce qu’il avait refusé de cautionner le crime des colonialistes, de mettre la religion musulmane au service des gouvernants. Indésirables sur place, il reçut une promotion-ordre d’aller à Alger. Il refusa et fut renvoyé. La puissance coloniale pensa qu’en le mettant au rencard, il allait perdre son aura et cesser son activité de mufti. Au contraire, il continua de plus belle en recevant des foules et continuant à jouer pleinement son rôle de mufti auprès d’une population qui lui reconnaissait les plus hautes qualités. Très disponible avec tout le monde, le Mufti recevait, chez lui, à tout heure, n’importe qui, les plus pauvres étaient reçus avec une cordialité et une chaleur qui plaçait la religion dans une sphère d’amour et de charité immense, il se mettait au niveau de chacun.

Le Mufti a écrit plusieurs livres. Citons quelques titres :

« qourrète el aâyane fi adab tilouate el qoraâne » ( Sérénité des âmes dans la lecture du Coran ). « Khatimat el anouar elmohamadia » ( Résumé du bonheur ( apportée par la sirra de) Mohamed (ien). « Moukhatasar el maouahib ella dounia » (Essentiel des affinités non temporelles). « Riqd ennafisse fi taradjim oulama gherbiyine » (Complexe de l’âme dans les traductions des savants occidentaux). « Risala fi djaouaz itaa zakat li ahl el bayt » (Epître de la licité de l’aumône aux membres de la familles). « Irchad el khalq ila el haq » (Orienter les gens vers la justice).

Le Mufti décéda le 13 février 1956 à l’âge vénérable de 94 ans. La prière funèbre fut effectuée au terrain vague limitrophe de la ville (chara) tellement il y avait de monde. Une foule qui a accouru de tout le Maghreb. Il fut enterré au sein de la zaouia de Sidi Kaddour de Souiqa.

Un humble collège porte le nom de celui qui fut le maître spirituel de la ville pendant plus d’un demi-siècle. Il avait envergure à laisser son nom à une université. A quand des élus assez cultivés pour connaître la richesse de la mémoire locale afin que nos cités, nos boulevards et nos institutions culturelles portent les noms fondateurs du patrimoine de proximité afin les générations sachent leur Histoire et vivent en harmonie avec leur mémoire. C’est qui déjà, qui disait qu’un peuple sans passé et un peuple sans avenir ?


Es Salem, El Hadj Abdelkader BENKARA MOSTEFA, ELLAH YERHAMOU, était mon grand-père maternel. Je suis, bien entendu fier de cette filiation. Ma mère, ELLAH YERHAMHA, nous parlait continuellement de lui, de son érudition, mais aussi de sa bonté et de sa modestie.
BENSEBIA Bensaber - Enseignant à l'Université de Chlef - Chlef, Algérie

12/01/2018 - 368007

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