Il y a 22 ans, le massacre de Bentalha et la photo de Hocine Zaourar

Le 23 septembre 1997, Hocine Zaourar prenait cette photo qui allait rapidement faire le tour du monde à la une de quelque 750 journaux et magazines, interpellant le monde sur la barbarie des massacres collectifs commis au nom de l’islam. Baptisée la "Madone" de Bentalha par la presse internationale, elle montrait une femme effondrée pleurant des parents morts dans le massacre de Bentalha, près d’Alger, qui fit 400 morts. Le cliché a accumulé sept prix dont le prestigieux World Press, mais le photographe n’est alors présenté que sous son prénom, Hocine, au prétexte pour l’AFP qui l’emploie, de 1993 à 2006, de préserver l’identité et donc la sécurité du photographe. Il s’expose ensuite à une campagne de dénigrement en Algérie, un pays qui n’aime décidément pas les appareils photos et les photographes. On a parlé d’image truquée, on l’a notamment accusé d’avoir rédigé une légende mensongère à la photographie et de faire carrière sur la douleur des siens.
Marie-Monique Robin, qui l’a retenu dans sa série et son ouvrage des Cent photos du siècle, estimait que "la souffrance de cette femme, qui est aussi la douleur de toute une société, a atteint une dimension universelle", faisant accéder la photo de Hocine Zaourar "au rang d’icône".

Cette photographie a nourri différents travaux et réflexions dont ceux de l’artiste Pascal Convert. Durant plusieurs années, ce dernier, assisté des sculpteurs Eric Saint-Chaffrey et Klaus Velt, est revenu sur trois images de presse dont il s’est inspiré pour réaliser trois sculptures monumentales en cire. A partir de cette "Madone de Bentalha", de la "Pietà du Kosovo", une photographie de presse de Georges Mérillon ("Veillée funèbre au Kosovo", 1990) et de celle de la mort du petit Mohamed Adoura (2000), prise à Ghaza par le caméraman Talal Abou Rahmé, Pascal Convert interroge leur statut d’icônes, "l’image comme lieu de mémoire collective ou individuelle", et aussi "la place des images dans notre vie : comment met-on la vie en images, comment la construit-on à partir d’images existantes, comment les images nous aident-elles à la fois à ressentir et à apprivoiser nos souffrances ?".

En septembre 2009, dans le cadre du Mois de la photo à Montréal, la Galerie de l’UQAM a accueilli la "Madone de Bentalha" de l’artiste français Pascal Convert, une transposition en cire de la célèbre photographie de presse de Hocine Zaourar.

Durant l’automne 2005, outre des travaux de Pascal Convert et Jérôme Delay, la galerie d’art contemporain Lithos donnait à voir d’autres images de Hocine Zaourar prises en Algérie ainsi que La Madone de Bentalha, le documentaire que lui a consacré l’artiste Pascal Convert.

L’année précédente, sa célèbre photographie figurait parmi quelques 200 autres sélectionnées pour l’exposition consacrée aux soixante ans de l’Agence France Presse. Cette exposition rétrospective, qui présentait également une sélection de dépêches et de unes de journaux, visait à "faire découvrir au public le travail des photographes d’une agence mondiale et de suivre l’évolution de l’écriture photo-journalistique". Elle était visible jusqu’au 13 février 2005 sur le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France.

En difficulté en 2005 pour obtenir sa carte de presse en Algérie, le photographe fut aussi en délicatesse avec son employeur, l’AFP, rapportait le journal Le Monde dans sa livraison du 6 octobre. Amer, le lauréat du World Press estimait alors que cette photographie ne lui avait rapporté "que des ennuis".

Né en 1952 en Algérie, Hocine Zaourar a travaillé avec les agences Sipa et Reuters, avant de rejoindre l’Agence France Presse en 1993. (Photo 1 : Bentalha, 1997 © AFP/H. Zaourar | Photo 2 : "Enfants dans la Casbah d’Alger" © H. Zaourar)