El-Bayadh - Autres Ksour

Le ksar de CheIIaIa-Dahrania




1) LES MONTS DES KSOUR
1) Aperçu historique
2) 3. Aperçu socIo-économique
2.1) * Population:
2.1.1) * La mosquée:
2.1.2) *La place de la Djemaâ:
2.1.3) *Rue et accès :
2.1.4) * Les maisons :
2.1.5) * Etablissements communautaires :
2.1.6) * Architecture
2.1.7) * Fondations :
2.1.8) * Appareillage :
2.1.9) * Piliers et contreforts :
2.1.10) * Corbeaux :
2.1.11) * Arcades :
2.1.12) * Couverture :
2.1.13) * Plafonds :
2.1.14) * Voûtes et coupoles :
2.1.15) * Ecoulements d’eau :
2.1.16) * Portes et fenêtres :
2.1.17) * Cheminées :
2.1.18) * Bancs de pierre rues
2.1.19) * Niches
2.1.20) * Resserres à provisions :
3) Mais n’est-il pas trop tard pour Intervenir ?
1)
1) LES MONTS DES KSOUR

Partie occidentale de l’Atlas saharien, les monts des ksour s’étendent de la frontière algéro-marocaine jusqu’au djebel Amour. Ce nom leur vient de la quarantaine de villages fortifiés qu’on y rencontre. Ils y témoignent, entre les hauts plateaux et le Sahara, parcourus par les tribus nomades, d’un peuplement sédentaire très ancien. Du sud-ouest au nord-est, on dénombre les sept ksour de Figuig et celui d’lch, qui sont marocains. En Algérie, ceux de Béni-Ounif, Moghrar-Foukani, Moghrar-Tahtani, Sfissifa, Aîn-Sefra, Tiout, Asla, Chellala-Dahrania, Chellala-Gueblia, Bou-Semghoun, Arba-Foukani, Arba-Tahtani, El-Abiodh-Sidi-Cheikh, Sidi-el-Hadj-Ben-Ameur, Kérakda, petit Mécheria, Ghassoul, Brézina, Stitten, El-Quidiane, Stissifa, Boualem, SidiAhmed-Bel-Abbés, El-MaTa, Khellaf, Sidi-Tifour et Sidi-Slimane (f ig.1).


Entre les premières structures d’habitat remontant à la fin du Néolithique et les ruines à l’appareillage paléo-berbère caractéristique des plus anciens ksour de la région, il y a une continuité très nette. L’origine des ksour remonte, donc, à l’aube de l’histoire. Les Berbères gétules menaient alors, les uns, la vie de pasteurs nomades dans les hautes plaines, le piémont saharien et les dépressions atlassiques, les autres, la vie d’agriculteurs sédentaires, dans quelques sites de l’Atlas, privilégiés par leurs ressources en eau et par la fertilité des terres noires du Pleistocène 1 . Rivalités et querelles, dont témoigne la réputation de pillards turbulents des nomades gétules, expliquent le rôle de greniers-refuges et de places fortes joué par les villages fortifiés qu’étaient les ksour. Les premiers ksour datent probablement des II et I s. avant J.-C. Ils constituent sans doute l’extension progressive jusqu’à l’Atlas saharien de la politique de sédentarisation des nomades berbères, menée dans le nord du Maghreb depuis l’époque de Massinissa, vers la fin du II s. et le début du I s. avant J.-C. 2 C’est lbn Khaldoun (1332-1 406) qui en fait mention le premier. Dans son Histoire des Berbères, à propos de la poursuite du sultan Abd-elOuadite de Tlemcen Abou-Hammou par le sultan mérinide Abd-el-Aziz, en 1370, il rapporte: “Ils marchèrent vers les bourgades des Beni-A mer, cosour situés dans le désert, au midi du mont Rached et dont les principaux se nommaient Rebâ et Bou-Semghoun. Après avoir pillé et dévasté ces étabilssements, ils se dirigèrent vers Tlemcen. 3

2)
LE KSAR DE CHELLALA-DAHRANIA

Dans l’impossibilité de présenter tous les ksour, penchons-nous sur l’un des plus représentatifs: Chellala-Dahrania.

Situation géographique

Implanté au centre des monts des ksour, à 74 km d’Aïn-Sefra et à 140 km d’El-Bayadh, ce ksar a une position stratégique : il est situé dans la longue dépression centrale de l’Atlas saharien, couloir naturel de communication longitudinal (O-S-O — E-N-E), à l’articulation d’un passage transversal des hautes plaines au piémont saharien, par Sirat et Kheil au nord, et la cluse de Bou-Semghoun au sud (fig.1).
Outre cette situation privilégiée, son implantation est due surtout à la présence de sources nombreuses et abondantes (plus de 25) et de dépôts alluvionnaires, aux terres noires à débris végétaux du pleistocène. Dans son voisinage immédiat cohabitent trois autres anciens ksour, à l’histoire intimement imbriquée à la sienne: Asla à 17 km à I’O-S-O, Chellala-Gueblia à 6 km à lE-S-E, et Bou-Semghoun à 19 km au SS-O. Ce ksar s’inscrit donc dans une zone de sédentarisation importante et ancienne, où les traditions juridiques d’attachement à la propriété terrienne sont solidement établies.

Aperçu historiqueCe ksar, aux témoignages de vestiges existant à 1 km au N-N-O, a été précédé par d’autres ksour plus anciens sur ce site. Le ksar actuel, si l’on en croit la tradition orale, appuyée sur des généalogies remontant aux Chorfa idrissides, aurait été fondé au XII’ s., vers 1180, par Moulay Youssef, de la 12’ génération en ligne directe après ldriss Il (mort en 828). Au XIV’ siècle, lbn Khaldoun mentionne les cosour à l’occasion de leur pillage en 1303. Vers la fin du XV’ siècle, la peste anéantit toute la population du ksar voisin de Aïn-eI-Hanech et la majeure partie de celui de Chellala, n’y laissant que des enfants. Sidi Ahmed ben Youssef (mort en 1524-1525) envoya son disciple Sidi Slimane ben Bou Smaha s’occuper d’eux.
Fig. 2— Chellala-Dahrania. Plan du ksar:1) Mosquée 2) Ecole coranique ; 3) Mahakma;
4) Mosquée de Moulay Abdelkader Dillali (en ruine) 5) Zaouîa de Moulay Abdelkader
Djillali (désaffectée) 6) Maqam de Sidi Slimane Ben Bou Smaha 7) Place de la Djemâa;
8) Tichrafine 9) Derb-Oulad-Khenfar 10) Derb-Oulad-Hamza ; 11) Derb-Oulad-Amer
12) Derb-Oulad-Ziane ; 13) Ahfir 14) Bab-Tichrafine ; 15) Bab-Tefrent ; 16) Hammam
(bain) 17) «Masria» (maison des hôtes) ; 18) Bordj-MouIay-eI-DjiIIaIi ; 19) Aïn-Ferrich
20) Aïn-Youssef 21 Canal souterrain amenant l’eau d’Aïn-Ferrich à Aïn-Youssef
22) Cimetière 23) Chdeïri.

Une fille du saint de Miliana, Lalla Aïcha, est d’ailleurs enterrée à Chellala, ce qui valut à ce ksar le dicton bienveillant: “Chellala, ô Chellala, j’y ai laissé ma fille et mon manteau.” Au XVI’ siècle, parmi les fils de Sidi Slimane, l’un, Sidi Ahmed el Medjoub, chassa du pays, vers le Tessala, les Beni Amer; l’autre, Sidi Mohammed, eut à Chellala, en 1533, un fils, Abdelkacler qui devint célèbre sous le nom de Sidi Cheikh. C’est encore à Chellala qu’eut lieu son entrevue avec Abou Mahalli, auquel il donna sa fille en mariage4. Au XVII’ siècle (1649, 1653, 1661), le pèlerin marocain El Aïachi décrit l’accueil qu’il reçut à Chellala. Au XVIII’ siècle (1709), c’est le pèlerin marocain Moulay Ahmed qui parle de son passage à Chellala5. Vers 1750, Si Ben Eddine fait construire la koubba de son ancêtre Sidi Mohammed Ben Slimane. En 1786, le bey de Mascara, Mohammed el Kebir, met le siège devant Chellala, qu’il soumit après six jours, au prix de lourdes pertes6. Au XIX’ siècle, le 1” juin 1846, poursuivi par la colonne du colonel Renault, l’émir Abdelkader fit halte à Chellala. Il s’en échappa de justesse, ainsi que les ksouriens, à l’arrivée des Français. Pour protéger leur fuite et empêcher le pillage du Ksar, soixante jeunes de Chellala prirent les armes, et se firent tuer jusqu’au dernier “avec un courage héroïque”. Cette première incursion française à Chellala se termina par la razzia et l’incendie d’une partie du ksar. Repartie aux Arbaouat le 2, la colonne dut refaire mouvement sur Chellala le 6 pour obtenir, enfin, la soumission de ses habitants.
Chellala revit ensuite régulièrement passer les unités françaises:
— 21-23/4/1847, colonne du général Renault;
— 16/4/1853, colonne du colonel Durrieu;
—30/11-1/12/1853, goum de Saïda;
— 1-4/12/1855, colonne du colonel de Costalin;
— 7/4/1865, colonne du colonel de Colomb; cette colonne est violemment attaquée le lendemain entre les deux Chellala par Si Lalla, fait d’arme chanté par Ahmed Della el Amiri’.
— 11-12/4/1868, colonne du colonel Colonieu.
En 1881, lors de l’insurrection de cheikh Bou Amama, Chellala vit passer, le 18 mai, les contingents du marabout en route pour Tazina, où ils bousculèrent, le 19, la colonne lnnocenti. Le 20, Bou Amama se retira à Chellala pour enterrer ses morts. Du 21 au 23, la colonne Innocenti lui succéda, inhuma le sous-lieutenant Laneyrie, et part en incendiant derb Oulad-Ziane.
Le 12 août, le colonel Négrier, lors de son passage â Chellala, fusilla sommairement trois habitants accusés de la violation de la sépulture de Laneyrie. En représailles, le 15 août, il fit sauter la koubba de Sidi Cheikh à El-Abiodh. 1882 vit, le 2 juin, l’installation à Chellala d’un poste de spahis et de mokhaznis. Dès lors, l’emprise française s’affirma et se resserra.


Au XX’ siècle, on note la création d’une école française vers 1909, école qui fonctionnera jusqu’en 1919. De 1954 à 1962, la guerre de Libération nationale amena le “bouclage” du ksar et le départ de nombreuses familles à El-Bayadh, Mécheria et le nord de l’Algérie. Enfin, le 14 mars 1964, un tremblement de terre ébranla le ksar, fit s’écrouler une partie du rempart et des maisons à l’est et fut la cause de son abandon et de la construction du nouveau Chellala, sur le plateau à l’Ouest.

2) 3. Aperçu socIo-économique
2.1) * Appartenance ethno-culturelle:
“La population de cette petite ville est presque exclusivement de race berbère, la langue arabe s’y parle peu et s’y parle mal; la grande majorité des habitants parlent le chellah’ disait le capitaine Deligny en 1876. En 1903, Isabelle Eberhardt constate: “A Chellala, les ksouriens parlent encôre le chel’a.’9 En 1933, Mathéa Gaudry notait: “La population de Chellala-Dahrania est berbère chleuh, elle parle le berbère et comprend l’arabe. 4 Si la langue arabe a ptogressé depuis l’indépendance,
le tacheihaït y est encore parlé dans les famNles. Les toponymes du Ksar, des jardins et des sources, voire des terrains environnants, sont pour beau cou berbères. Le dialecte parlé est celui de Bou-Semghoun, tel que défini par R. Basset en 1885. Il n’en reste pas moins une présence arabe indéniable, attestée par le fon dateu idrisside dont se réclame le ksar par ses liens avec les principaux santons de l’Ouest: Sidi Ahmed Sen Youssef, Sicli Siimane Ben Bou Smaha et ses descendants, et par l’implantation, après 1830, de la zaouïa Quadrya. D’autre part, quelque vingt familles d’Oulad Sidi Cheikh et d’Hamyan Cherag y avaient des maisons-magasin. A noter, enfin, la présence ancien ne qui perdura jusque vers 1914, de quelques tamilles israélites. C’est donc une population composite, dont le fond berbère originel a subi plusieurs greffes arabes. Il s’agit d’une société aux traditions sédentaires très anciennes, dont les rapports, spécialement ceux concernant le terroir et l’eau, étaient régis par un code de lois orales (quanoun), appliqué démocrati quemen par une assemblée de notables (djemâa). Cette assemblée, d’abord coiffée par les autorités françaises d’un caïd nommé, est remplacée depuis l’indépendance par une Assemblée populaire communale.

2.1) * Population:
en 1846, les Français évaluaient à 1 200 habitants sa popu lation. En 1986, la commune de Chellala, y compris Chellala-Gueblia et non compris la population nomade, comptait 2320 habitants.

2.2)
* Economie:
Pour la plupart agriculleurs, ces sédentaires produisaient, dans les jardins bordant le ksar à l’est, au nord et au nord-ouest, des légumes (oignons, navets, pastèques, melons, citrouilles, piments...), des
céréales (orge) et des fruits (grenades, ligues, abricots, pêches, amandes...). Ils élevaient quelques chèvres et moutons. Pour irriguer ces jardins, ils avaient habilement capté plus de trente-cInq
sources, dont ils accumulaient les eaux dans une dizaine de bassins. Une canalisation de plus de 5 km de long, en majeure partie souterraine, descendant des flancs du Nif-taâ-Chegga, amenait l'eau de neuf sources éloignées jusqu’au bassin d’Aïn-Youssef, à l’Est, par un canal souterrain de plus de 150 km de long, passant sous le Ksar. Le village avait, en outre, ses propres artisans, susceptibles de répondre, avec les matériaux du cru, à tous les besoins: forgerons, armuriers bijoutiers, fabriquants de poudre, potiers, selliers, savetiers... Des mains des femmes sortaient burnous, haïks, jerbi, hambel.. En somme, ce petit microcosme pouvait se suttire à lui-même. Mais c’est de leurs relations de bon voisinage avec les tribus nomades des environs, Hamyan-Cherraga et Oulad-Sidi-Cheikh, que les Chellalis tiraient le plus clair de leurs ressources. En effet, outre les services de son artisanat, le sédentaire offrait au nomade le magasinage et le qardiennage de ses provisions de céréales, ramenées du TelI, et de dattes, provenant du Touat-Gourara. Le droit perçu sur ces dépôts complétait heureusement les maigres produits de son agriculture, de son élevage et de son industrie.
Cette véritable symbiose avec le milieu nomade n’allait toutefois pas sans inconvénients. Les convoitises suscitées tant par les récoltes que par les dépôts obligeaient les ksouriens à fortifier agglomération et jardins.

Urbanisme
2.1.1)
* Le ksar:
Vu d’avion, le ksar affecte la forme générale dun triangle équilatéral aux côtés très irréguliers et dont les trois pointes sont soit des ajouts du débuts du XIX siècle (Moulay Djillali, au nord), soit des reconstructions (Derb-Ouled-Ziane au sud-est, reconstruit après l’incendie de 1881), soit encore des ajouts plus récents (ouest de Bab-Tefrent au sud-ouest) (f ig.2). Il est fondé sur l’extrémité orientale d’un plateau de pendage est, formé de dépôts tertiaires, surmontant un banc de grès crétacé relevé en falaise à l’est. Il est ceint d’un rempart percé de meurtrières, constitué par les murs des maisons et qui atteint 9,20 m de haut à Bab-Tichrafine.

2.1.1) * La mosquée:
Elle est construite selon un plan quasi triangulaire, imposé par la place disponible, et qui témoigne de la plus grande ancienneté du ksar (f ig.3). Elle se compose de 5 travées Nord-Sud, dMsées par 4 rangées de 5, 4, 3 et 2 piliers. Le mihrâb est à 5 côtés. Un évidement à 2 marches sert de minbar (fig.4). Le minaret, de plan.arré, orné d’un bandeau à mi- hauteur, dont la terrasse porte 4 menons d’angle, et le sommet une petite coupole, culmine à 15 mètres. Pour l’éclairage de la travée centrale, la terrasse porte un lanterneau carré, surmonté d’une coupole. On y accède par une petile porte au nord-ouest, une école coranique, et à l’est du minaret, au-dessus de l’arcade enjambant la rue, un local pour les confréries (fig.6). Très belle dans sa simplicité, caractéristique des mosquées des anciens ksour de la région, elle en est la plus ancienne (920 H.). Avec la place de l’assemblée (djemaâ) qui lui est accolée au sud-est, c’est vraiment le coeur de lité, autour duquel tout gravite (fig.7).

2.1.2) *La place de la Djemaâ:
Sub-pentagonale, elle est dotée de bancs de pierre à la base des murs, pour la commodité des membres du Conseil. C’est là que se réglaient les affaires publiques et que se tenaient les rencontres et négociations avec les étrangers au Ksar.

2.1.3) *Rue et accès :
de là partent cinq rues, dans toutes les directions (fig 8). Une rue couverte, bordée de part et d’autre de bancs de pierre, à l’est menant à Bab-Tichrafine, la porte principale (f ig.9); et quatre autres rues, menant aux quartiers habités par les quatre fractions principales: DerbeOulad-Khenfar au nord, Derb-Oulad-Hamza à l’ouest, Derb-Oulad-Amer au sud-ouest et Derb-Oulad-Ziane au sud-est. C’est toute la généalogie des habitants qui s’inscrivait dans l’organisation du Ksar. Sur ces quatre ruelles principales, sinueuses, en partie couvertes, s’élargissant par endro en placettes, débouchent les impasses desservant les maisons. Outre BabTichrafine, il existait deux autres accès : Bab-Tefrent au sud-est et Bab-Ahfir à l’ouest. Un chemin de ronde contourne le Ksar, entre remparts et jardins.

2.1.4) * Les maisons :
non seulement elles sont toutes imbriquées les unes dans les autres mais elles communiquent entre elles par des portes basses et par les terrasses, permettant aux femmes de circuler de maison en maison, sans sortir dans la rue. Elles sont bâties en pierres maçonnées à la terre ou à la chaux. Toutes sont à un, voire deux, étage et possèdent cours, terrasses et patios. (fig. 10).

2.1.5) * Etablissements communautaires :
A signaler à l’ouest, le tribunal (mahakma) construit en étage, au-dessus de la rue; à l’Est, la maison des hôtes (masria), construite à l’extérieur du rempart, le local du laveur des morts et le bain, au débouché sud-est de Bab-Tichrafine; enfin au sud, le cimetière.

2.1.6) * Architecture

Les détails d’architecture caractéristiques, en réponse aux contraintes imposées par les matériaux disponibles sur place, abondent.

2.1.7) * Fondations :
Les murs du Ksar ne présentent nulle part les fondations paléoberbères caractéristiques (rangées parallèles de dalles plantées de chant, remplies de blocaille); on les trouve, par contre, dans les vestiges de certains murs de défense des jardins12.

2.1.8) * Appareillage :
Les murs, édifiés en pierre pour la plupart, sont maçonnés de terre ou de chaux locales. L’appareillage est varié ; le plus souvent, les moellons son posés à plat, en lits superposés ou alignés de biais les uns contre les autres, dans un sens ou dans l’autre, et parfois disposés en arêtes de poisson, dispositions qui peuvent se retrouver toutes par lits dans le même mur. Dans les murs des remparts, on rencontre des poutres de genévrier, incluses, comme de pseudocolombages. Les maçons savaient jouer de la disposition des pierres pour un effet décoratif : rangées de petes dalles dont les coins dépassent en écaille, empilement de dalles de taille croissante à la base d’un support de poutre, bandeaux saillants à hauteur des terrasses, décor ajouré de losanges et de triangles (minaret)...

2.1.9)
* Portée des poutres :
Le problème fondamental qui se posait au constructeur était celui de la faible portée des poutres en troncs de palmier ou de genévrier, qui variait entre 1,65 et 1,95 m et n’excédait guère 2 m. Pour pallier la difficulté et augmenter la largeur des rues couvertes et la dimension des pièces, on eut recours à deux artifices souvent conjugués:
les piliers et las corbeaux (supports en saillie).

2.1.9) * Piliers et contreforts :
Les piliers, çonstructloris de plan carré, de 55 à 75 cm de côté, solidement fondés, s’élèvent souvent sur deux niveaux, jusqu’à 5 à 6 m de hauteur. Dressés au centre des pièces ou accoles au mur comme des contreforts, ils supportent, grâce à des corbeaux sur lesquels s’appuient les poutres, les planchers des étages et les terrasses des maisons. ils permettent de doubler (1 pilier) ou tripier (2 piliers) la largeur d’un local flg. 11).

2.1.10) * Corbeaux :
Ce sont des supports en saillie sur un mur ou un pilier. A la base, une dalle épaisse avance de 10 à 15 cm et porte un ou deux rangs de moellons. Au-dessus, 5 ou 6 gros rondins dé genévrier, enfoncés dans le mur, ressortent de 25 à 30 cm et portent, à leur tour, quelques rangées de moellons. Sur ce support en saillie de 35 à 45 cm, on posait l’extrémité de la poutre (fig. 12 et 13). Deux corbeaux se faisant face permettaient de gagner. de 70 à 90 cm. Une poutre de 1,80 m suffisait pour couvrir une rue de 2,20 m de large. Ce dispositif rendait possible les avancées de balcon dans le’ encoignures de rue, les passerelles enjambant la rue et permettant de passer de maison en maison (pour les femmes) et la construction de pièces au- dessus de la rue, comme la salle du tribunal.

2.1.11) * Arcades :
L’utilisation de la technique de l’arcade semble réservée anciennement à la mosquée (arcs outrepassés ou lancéolés des travées, du mihrâb et de la porte) et à ses dépendances (arc ogival contigu u minaret). Les constructions plus récentes en comportent davantage, toutes outrepassées ou lancéolées.

2.1.12) * Couverture :
La couverture des pièces de la maison était réalisée en disposant orthogonalement sur les poutrelles une litière végétale susceptible de supporter une couche de 25 à 30 cm de terre, surmontée d’un mortier de chaux de quelques centimètres.

2.1.13) * Plafonds :
Cette garniture végétale formant plafond était constituée soit de ramilles et de brindilles, soit de palmes à›id), soit de bases de palmes (kornaf) placées tête-bêche, soit de roseaux ou de tiges de laurier rose. On pouvait obtenir avec les roseaux un décor géométrique et avec les tiges de laurier rose écorcées et teintes de différentes couleurs un décor géométrique polychrome du plus bel effet (fig. 14).

2.1.14) * Voûtes et coupoles :
La technique de la voûte en berceau n’a été employée qu’une fois. La coupole est réservée aux édifices religieux (mos quées,koubbas).

2.1.15) * Ecoulements d’eau :
L’écoulement des eaux pluviales des terrasses était assuré soit par des gouttières saillantes creusées dans des demi-rondins de peuplier ou de palmier, grâce auxquellés l’eau tombait loin de la base des murS, soft par des rigoles maçonnées à la chaux le long des murs, qui canalisaient la descente des eaux.

2.1.16) * Portes et fenêtres :
Les ports du Ksar étaient à double battant. A Tichrafine, chaque vantail se composait de 6 madriers verticaux en palmier reliés par 3 entretoises clouées. Les poutres extérieures, plus longues que les autres en haut et en bas, servaient d’axe de pivotement. A la base de cet axe, une cuvette était prévue dans le sol pour le recevoir. En haut, l’axe était engagé entre ceux poutres du linteau. Un vide était ménagé dans la maçonnerie pour permettre de soulever et de sortir, au besoin, la porte de son logement. Un madrier supplémentaire servait de couvre-joint sur le vantail de droite. Un système de barres assurait la fermeture (fig. 15). Les portes des maisons étaient de même type, mais à un seul battant. A noter que beaucoup de familles utilisaient, en guise de cuvette supportant l’axe, les restes des boulets turcs éclatés provenant du siège de 1786. Ces portes étaient munies de serrures à chevilles en bois. A part de rares arcs de décharge en pierre, les linteaux étaient en poutres de palmier ou de genévrier. Les fenêtres, rares et étroites, ont des linteaux en bois ou en dalles de pierre, exceptionnellement en arcade. Les meurtrières sont fréquentes sur les remparts.
Escaliers : les escaliers, accotés à un mur, s’appuyaient ur une culée
de pierre et atteignaient l’étage par une volée supportée par des poutres en
palmier. En encoignure, ils pouvaient être à deux volées. Celui du minaret, à
marches très hautes, est en colimaçon. V

2.1.17) * Cheminées :
Les cheminées, toutes en angle, ont un âtre et une hotte maçonnés en moellons et dalles de pierre. Le conduit de fumée est fait de matériaux identiques.

2.1.18) * Bancs de pierre rues
Cours et salles peuvent être dotées de bancs de pierre (doukkanes) maçonnés à la base des murs.

2.1.19) * Niches
Les murs intérieurs des maisons sont fréquemment creusés de niches de formes et de dimensions variées, parfois constituées de poteries incluses dans la maçonnerie.

2.1.20) * Resserres à provisions :
pour la conservation des provisions, certaines maisons ont des silos creusés dans le sol; toutes ont une pièce réservée à cet effet, munie de bacs maçonnés et de grosses jarres.
En guise de conclusion.., peut-on laisser crouler tous ces antiques villages fortifiés, sous prétexte que presque partout des villages modernes ont pris le relais ? Ce serait prier cette région des témoins de son passé, de son patrimoine architectural, de sa personnalité, en somme.

3) Mais n’est-il pas trop tard pour Intervenir ?
Tout dépend de l’état d’abandon et de délabrement de chaque Ksar. Les situations sont, en effet, très diverses entre le ksar de Moghrar-Foukani, toujours habité, au moins en partie, celui de Bou-Semghoun, déserté depuis une quinzaine d’années, celui de Chellala-Dahrania, abandonné depuis plus de 25 ans, et celui d’AïnSet ra, presque totalement rasé au bulldozer en 1974. Même si les dégâts semblent presque irréversibles, nous n’avons pas le droit de baisser les bras. Il y a quelque chose à taire. Mais quoi? Dans les quelques ksour encore habités, une revivification pourrait être envisagée en accord avec la population. Elle serait, par contre, impossible pour les ksour désertés par leurs habitants. Installés ailleurs, les anciens villageois ne reviendront pas. Dans ces ksour abandonnés, dans un premier temps, on ne peut envisager que la préservation de ce qui est encore debout. Pour cela, il est urgent de prendre les mesures élémentaires pour stopper les destructions causées:
a) par la récupération des poutres pour la clôture des terrains agricoles;
b) par les enfants qui font du ksar un dangereux terrain de jeux;
C) par les habitants du nouveau village qui en font un dépôt d’ordures.
Dans un deuxième temps, on pourrait entreprendre, à peu de frais, certaines consolidations de monuments menacés (tour de guet à Moghrar Tahtani)...
Enfin, en dernier lieu, avec l’aide des pouvoirs publics, il faudrait, après une étude plus poussée, programmer une restauration partielle. Il semble, en effet, utopique de songer à une restauration intégrale. Restauration qui se limiterait aux zones les plus importantes des points de vue historique, urbanistique et architectural.
Ce programme de sauvetage ne saurait être élaboré sans une « conscientisation » et une mobilisation des ksourien et anciens ksourien et leur organisation en associations do préservation du patrimoine. C’est ce qui est envisagé pour le ksar de Chellala-Dahrania. Suite à quelques conférences destinées à sensibiliser population et responsables, une association a été créée et agréée le 5 novembre 1989. Début 1990, un crédit de 500 000 DA a été dégagé par les autorités de la wilaya d’El-Bayadh pour la réhabilitation du ksar. Des études sont en voie de réalisation pour assurer la préservation de l’ensemble et la restauration du coeur de la cité: mosquée, place de la Djemâa, départ des rues menant aux quatre quartiers, rue couverte de Tichrafine, porte et rempart de Tichrafine.
Concrètement, cela consistera pour la mosquée et ses annexes en la réfection des terrasses; ceinturage du minaret, réfection de ses merlons d’angles; crépissage et chaulage. Pour les maisons entourant la mosquée et la place de la Djemâa: réparation des murs écroulés, réfection des terrasses, des plafonds, aménagements intérieurs et huisseries. Pour la rue couverte de Tichrafine: réfection des doukkanes, du mortier pour la fabrication du baroud et consolidation des murs enjambant la rue. Pour Bab-Tichrafine: consolidation des murs, réfection du système de fermeture. Pour les remparts: réfection des parties écroulées à droite et à gauche de la porte. Les locaux restaurés, à défaut de trouver leurs anciens habitants, pourraient servir de centre de recherche sur les ksour, de musée folklorique régional, avec reconstitution du mobilier et du cadre de vie ancien, de centre artisanal regroupant divers ateliers traditionnels (potier, forgeron, savetier, bijoutier, tissage, etc.). Une auberge de la jeunesse pourrait y être annexée pour accueillir les visiteurs. Ainsi pourraient être préservées, pour les générations futures, des racines qui plongent jusque dans la préhistoire...


NOTES
1. G.-B.-M. Flamand, Recherches géologiques et géographiques sur le haut pays de
l’Oranie et sur le Sahara (Algérie et territoires du Sud). Lyon, Rey, 1911. p. 714.
2. G. Camps, Aux Origines de la Berbérie. Massinissa ou les débuts de l’histoire. Libyca,
Archéologie, Epigraphie, T. Vlll,1’ sem. 1960.
3. lbn Khaldoun, Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique du Nord.
Traduit de l’arabe par le baron de Slane, Paris, Geuthner, 1978 T. III, p. 459.
4. J. Berque, Ulémas, fondateurs insurgés du Maghreb. XVIP siècle. Pans, Sindbad, 1982,
pp. 4-5; 57-58.
5. ATachi (El) et Moula-Ahmed, Voyages dans le sud de l’Algérie et des Bats barbaresques
de l’Ouest et de l’Est Traduit sur deux manuscrits arabes de la Bibliothèque nationale
d’Alger par Adrien Berbrugger. In Exploration scientifique de l’Algérie pendant les années
1840-41-42;
Sciences historiques et géographiques. IX, Paris, Imprimerie Royale, chez Langlois et
Leclerc, Victor Masson, 1846, pp. 196-198; 321-322.
6. C Deligny et Theuma, Relation de l’expédition du bey d’Oran Mohammed contre
Chellala en l’année 1786. Le Moniteur algérien, fév. 1847.
7. Mohammed bon Belkacem Ez-Zaoui, Expédition de Chellala par le bey d’Oran
Mohammed el Kebir. Présentation et traduction par L.- J. Bresnier, Revue africaine, T. IV,
n21, fév. 1860,p. 175-186.
9. I. Eberhardt, ibans le Sud oranais, 1”partie, Hauts-Plateaux, in Ecrits sur le sable,
Pans, Grasset, T. I, 1988, pp. 212-213.
10. M. Gaudry, la Sociétéféminine au 4ebel Amour et au Ksel (étude de soalologie rurale
nord-africaine). Alger, Société algérienne dimpressions diverses, 1961, p. 60.
11. R. Basset, Recueil de textes et de documents relatifs à la philologie berbère. Chp. 2.
Dialectes du Sud oranais et de Figuig. Bulletin de correspondance africaine, 4’année, T. Il,
1885, pp. 394-396.
12. P. Pallary, Instructions pour les recherches préhistoriques dans le nord-ouest de
l’Afrique. Alger, Jourdan, 1909, p. 80.





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