Constantine - HISTOIRE

Principales familles de Constantine à la fin du XVIe siècle



Principales familles de Constantine à la fin du XVIe siècle
Gravure : Porte et quartier Bab El Djabia


Les Beni-Abd-El-Moumène

Dans le courant du XVe siècle, des marabouts venus de l’ouest, de Saguiet- El-Hamra, dans le pays de Darâa, région d’oasis situé au sud du Grand Atlas (Maroc), commencèrent à se répandre dans l’Afrique. Le rôle de ces religieux a été considérable; s’établissant d’abord d’une manière fort humble, au milieu des populations arabes ou berbères, ils n’ont pas tardé à former des centres autour desquels sont venues se grouper des fractions entières. Plus tard, ces agglomérations ont oublié leur vraie origine, pour prendre le nom du marabout venu dans le principe prêcher au milieu d’elles et répandre les notions de la religion, telle que l’école des docteurs almohades et les écoles des légistes, particulièrement du Maroc, l’avaient renouée, en la ramenant l’observation stricte de la Sonna et du Coran.


Au milieu du XVe siècle, une famille de Saguiet-El- Hamra, établie d’abord à Biskra, était revêtue à Constantine de l’autorité religieuse. Il n’est pas douteux que les Ben-Abd-El-Moumène, tel est le nom de cette famille, qui a encore des représentants à Constantine, n’aient été amenés par les Oulad-Saoula. Acceptés par les Hafsides, ils avaient reçu le titre de Cheikh-El-Islam ou chef de la religion islamique, qui était devenu héréditaire dans la famille. Un des membres était, en outre, Emir-Er-Rekeb, ou conducteur de la caravane des pèlerins du Maghreb. Sid-Ahmed-Zerrouk, connu aussi sous le nom d’El-Faci-El-Berneci, qui a été au XVe siècle le grand apôtre du soufisme dans l’ouest, amenait la caravane des pèlerins du Maghreb et descendait chez les Ben-Abd-El-Moumène. C’était une fonction importante que celle de conduire les pèlerins en Orient. Le moment fixé pour le départ était annoncé longtemps à l’avance dans chaque localité ; puis la caravane de l’ouest arrivait à Constantine, où se trouvaient déjà réunis les voyageurs de la région. Quand tout était prêt on partait, en grande pompe, au son des tambours, drapeaux déployés avec
l’Emir-Er-Rekeb ou le Rokkas en tête.

De grands privilèges étaient attachés à ces fonctions et l’on se rend facilement compte de l’influence qu’elles
devaient donner à la famille qui en était titulaire, d’autant plus que le caractère religieux de sa charge la mettait au-dessus des luttes politiques, intestines et étrangères, dont l’empire hafside était sans cesse le théâtre.

Comment expliquer autrement que dans une vieille et glorieuse cité berbère comme Constantine, avec l’esprit
de particularisme caractérisant la race autochtone, ces « étrangers » eussent été supportés au détriment des
anciennes familles locales et que leur influence y fut devenue si grande?

Les Ben El Feggoun

Les Ben El Feggoun établis à Constantine dès le XVe siècle. L’origine de cette famille est incertaine ; le nom patronymique paraît être dans la forme de ceux que portaient les Maures d’Espagne. Eux-mêmes prétendent appartenir à une vieille famille noble, d’origine arabe.

Les Turcs, dans les premiers temps de leur établissement à Constantine, cherchèrent à s’appuyer sur les Ben El Feggoun pour contrebalancer l’influence de la vieille famille religieuse des Oulad Abdelmoumen, à la tête du parti national, qui leur était hostile. Les Ben El Feggoun retirèrent de cette amitié des Turcs une foule d’honneurs, d’avantages et de privilèges.

- Abou Zakariya Yahiya ben Mohammed El Feggoun, était un savant très estimé de son temps. Il est l’auteur d’une glose marginale renommée sur la Moudaouana ouvrage de jurisprudence. Etant allé faire un voyage à Tunis, il se fixa dans cette ville « que l’on ne peut plus quitter lorsqu’on y est une fois entré », et
devint imam de Djamâ-Ezzitouna. En 1535, lors du sac de Tunis par Charles-Quint, il fut tué dans la mosquée même, où il était occupé à lire les ouvrages du saint El-Boukhari.

- Abou-Mohammed Abd-el-Kerim, est le véritable fondateur de la grandeur de la famille. Il étudia à Constantine sous les professeurs les plus renommés du temps, entre autres le cheik El-Ouezzân, et fut d’abord imam de la grande mosquée. En 1567, éclata, contre l’autorité turque, une révolte dont les Oulâd Abdelmoumen étaient les véritables instigateurs. Le cheikh Abdelkerim se hâta en conséquence de prendre fait et cause pour les Turcs. Ses compatriotes le députèrent à Alger à cette occasion, et il sut si bien gagner les bonnes grâces du pacha, que celui-ci lui conféra la dignité de Cheikh-el-Islam, retirée aux Abdelmoumen.

Le Cheikh-el-Islam était un véritable chef de la religion, devant lequel s’inclinait le représentant du pouvoir temporel lui-même. Il était investi d’une foule de prérogatives et de privilèges, exemptions d’impôts, etc. Sa demeure offrait aux criminels un asile inviolable. Plus tard, à ces hautes fonctions, devenues héréditaires
dans la famille, on joignit celles d’Émir Errekeb, celui qui en était investi avait le commandement suprême de
l’immense caravane de pèlerins, qui tous les deux ans se rendait du Maghreb à la Mecque.

Les ben El Feggoun ont donné de nombreux cadis à la ville de Constantine. Ils furent fréquemment appelés à Tunis même par les princes hafsides qui les nommèrent à de hauts emplois.

A côté des Ben-Abd-El-Moumène, dont la puissance était particulièrement religieuse, brillaient plusieurs familles de savants et de légistes en tête desquelles nous devons placer celle des Ben-Badis qui a donné des légistes à Constantine depuis plus de six siècles (*).

La fonction d’Imam de la mosquée de la Kasbah appartenait, presque exclusivement aux Ben Badis. Plusieurs ouvrages devenus classiques, les ont rendus célèbres. En 1552, un Hameïda ben Badis était encore cadi à Constantine.

Famille Ben-El-Attar, dont un des membres, le cheikh Abou-Abd-Allah-Mohammed, était cadi de la djemâa. C’était un homme fort instruit, élève du cheikh El-Ouezzan. Il mourut en 1536.

Famille Ben-El-Kemmad. Le cheikh Mohammed ben El-Kemmad fut cadi de la djemâa; c’était, également un
élève du cheikh El-Ouezzane.

Famille Aourari.

Citons encore :

Sidi-Barkate ben Saïd-El-Magraoui (cadi de la Djemâa);

Abou-l’Hassen-El-Merouani ;

Si Ahmed ben Tefka ;

Sidi-Mohammed ben Hassen.

Ces derniers étaient des étrangers qui semblent avoir
disparu sans laisser de traces.

Il y a lieu de remarquer aussi qu’au XVIe siècle, Constantine maintint sa renommée comme centre d’érudition. Le cheikh El-Ouezzane domine cette école qui a laissé des traditions non encore effacées.

Les concessions de douars ou de grandes parties de territoire ont quelquefois eu lieu, mais ces exemples sont en très-petit nombre et, dans ce cas, l’exception était presque toujours justifiée ou par position hors ligne de la famille qui les obtenait, ou par des services signalés. C’est ainsi que la famille des Ben El Feggoun, celle qui possède dans la province de Constantine les propriétés les plus étendues, les a obtenues des Trucs, à l’époque de leur établissement dans la régence, pour avoir ouvert à Youcef, lieutenant de Khair-Eddine, l’entrée de la ville défendue par les Beni-Abd-El-Moumène.

Les familles qui dans toute l’étendue de la province ont participé à ce privilège exceptionnel sont au nombre de vingt neuf ; elles se classent toutes ou

parmi les familles qui ont donné des Beys à la province ; telles sont celles des Ouled Ben Hussein, Dar Hassan Pacha, et Ouled Salah Bey ;

ou parmi les familles de marabouts qui remplissaient depuis des siècles à Constantine les fonctions de cheikh el bled, de nadher, et de kadhi, tels que les Ben El Feggoun, les Ouled Bach Tarzi, etc ;

enfin parmi des familles qui ont continuellement occupé les premiers emplois du makhzen, tels que les Ouled Ben-Koutchouk Ali, Ouled Ben el Bedjaoui, et Ouled ben Djelloul.

(*) Un Houssein ben Belkacem ben Badis y est mort en 1299 (de l’ère chrétienne), avec le titre de cadi. Encore L’un d’eux, El-Hassan, était cadi de la ville, lors du passage du souverain mérinide Abou-Eïnane, en 1357, et cette fonction paraît être devenue, en quelque sorte, un privilège de la dite famille.
Merci infiniment pour toutes ces précisions qui m'intéressent : je termine la rédaction d'un manuscrit qui relate mon histoire familiale. Et j'ai enfin compris pourquoi mon beau-père respectait tant ma famille paternelle. En effet, d'après une légende familiale notre ancêtre Sidi Abdelmoumen a été écorché vif sur l'ordre d'un bey turc... M'autorisez-vous à copier-coller une petite partie de votre texte qui en parle ? Mon livre ne sera pas publié mais imprimé en un seul exemplaire. Merci pour votre réponse que j'espère positive. J'admire votre travail de recherches. Merci.
- Bordeaux, France

19/01/2018 - 368634

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