Constantine

CONSTANTINE, L’AMOUR D’UNE VIE



CONSTANTINE, L’AMOUR D’UNE VIE

du jeudi 01 juin au samedi 01 juillet

Institut français - Constantine

vernissage en présence de l'artiste, jeudi 1er juin à 17h à l'Institut français - Constantine



Exposition

17h : conférence sur la vie et l'œuvre de l'artiste

par Malika Dorbani-Bouabdellah





18h : vernissage en présence de l’artiste de l’exposition

Constantine, l’Amour d’une Vie





Ahmed Benyahia,

Le chantre amoureux de Constantine





Entre mémoire et imagination, entre ce qui disparait et continue de nourrir Ahmed Benyahia, il y a un désir plein d’allégories et de métaphores, heureusement limpides à lire pour qui les connait. Constantine est son univers où le paysage, les êtres, les souvenirs et l’esprit se mêlent harmonieusement, où son âme s’est forgée une armure irréductible entre Rab’in Chrif et le Pont Sidi Rached. Son don artistique s’est révélé dans l’atelier de peinture et de décor de Roger Marius Debat, au Théatre municipal. Le succès de ses premières leçons de dessin lui a donné l’envie de repousser l’horizon, de partir à Alger, puis à Paris. Plus il s’en éloignait, plus il restait à cheval entre l’une et l’autre des trois villes. Plus il s’en rapprochait et la confondait avec son for intérieur, plus il en faisait sa source nourricière, son pays, auquel un lien viscéral le lie.



si Constantine se reconnait dans ses œuvres c’est parce qu’il y est fidèle à sa physionomie et à ses mœurs caractéristiques. L’esprit de la ville, visible pourtant, se dérobe sous une interprétation onirique et mythique. Ville des Beys, fendue en deux par le gouffre du Rhumel que comblent des ponts-charnières donnant le vertige, ville baptisée Jérusalem du Maghreb par Benjamin Stora, un de ses fils, ville de traditions ancestrales, capitale de la pensée réformiste et de la résistance incarnée par son monument à Zighout Youcef, elle ne pouvait agir autrement sur sa sensibilité d’homme et d’artiste.



Dans la série narrative qu’il lui a consacrée comme une profession de foi secrète, dans les années 80-90, l’émotion et le mythe affleurent. Le ciel nocturne y sert de fond, le passé et l’insolite y sont personnifiés par une foule de femmes en mlaya, drapé dont personne ne sait exactement l’origine de la forme, de la couleur et du port, par une femme en gandoura, koufia et turban, hantant un intérieur à patio, arcades et zellij, l’animant de danse zendali et de musique malouf, ou par une femme qui, telle Bella de Marc Chagall, plane sur des nuages aux couleurs imaginaires pour compenser sa condition.



Miniatures, comme il l’appelle, la série cite, du point de vue esthétique, l’œuvre de Mohammed et de Omar Racim et, d’une manière générale, l’Orient. Si on les regarde comme souvenirs, on y retrouve associés et comparables à l’œuvre des premiers, le paysage typique, l’architecture locale et les personnages, à l’intérieur ou dans les venelles animées de la ville. Sous l’angle imaginaire, la composition et la perspective atmosphériques, qui sont une des spécificités de l’art oriental, suscitent une sensation de paradis ou de vide cosmique dans lesquels le monde terrestre se mêle au céleste. Les plans et les formes aux contours droits et courbes, nets et vagues, y sont des planètes colorées et lumineuses gravitant ou se fixant dans un espace obscur, parsemé de poussières d’étoiles. Le récit est plein de souvenirs en effet mais l’imaginaire l’innove de manière très surprenante et personnelle.



Conteur infatigable, il y dit le passé, le présent, son propre rêve et son propre destin. Constantine devient le symbole même de ce qui s’évanouit et se métamorphose avec le temps. Cette métamorphose, c’est aussi le reflet de l’accalmie, de la douceur, de la plénitude, retrouvées dans sa famille, par un fils prodigue, rentré définitivement chez lui, sans hésitation, après une longue absence ou une vie à cheval et trépidante entre Paris, Alger et Constantine.



C’est pourquoi dans la vie quotidienne, l’artiste citoyen amoureux, plus connu sous ce jour que l’artiste tout court, y évoque l’histoire qui le lie à la cité d’un lien charnel. Il y défend, corps et âme, inlassablement, depuis longtemps, ce qui fait sa valeur culturelle tout en accusant, indirectement, les atteintes à son intégrité physique et morale.



D’autres chefs d’œuvres accompagnent cette rêverie. Le portrait de la mère de l’artiste est le joyau exceptionnel de son œuvre et, en général, de la peinture algérienne, si l’on excepte les portraits de Bettina Heinen Ayèch, la chantre de Guelma. Le regard, digne des auteurs d’icônes et de madones, y captive par sa bonté maternelle infinie, par la préciosité du coloris et par le goût harmonieux du détail.



Les projets d’illustration des fables de Jean de La Fontaine et de contes anonymes maghrébins, témoignent aussi de sa capacité d’invention. Sa maitrise des types humains, des éléments de costume, de l’art animalier, de l’atmosphère, de l’histoire, est le résultat d’une longue élaboration documentaire doublée de fantaisie et d’humour.



Quant à la série des portraits exécutés à l’hôpital de Constantine, pendant son hospitalisation entre 1965 et 1966, il confirme son don d’observation des attitudes, des expressions, de la vraisemblance et de la psychologie ainsi que son talent premier de dessinateur indissociable de son art de sculpteur approfondi auprès des maîtres français dont le plus marquant reste César. On sent à travers ces images réalistes, signées et datées, sa sensibilité à la souffrance et sa proximité avec des voisins de chambre dont il indique scrupuleusement le prénom et le numéro de lit. Sa lucidité implacable de la condition humaine et de l’environnement dans lequel elle baignait alors, rappelle celle avec laquelle, de ses crayons et pinceaux, il montrait, et montre encore, les atteintes aux droits fondamentaux de l’Humanité.







Malika Dorbani Bouabdellah

Paris, le 8 mai 2023







Constantine ou l’amour ineffable, cela aurait pu être le titre de cette exposition. Une ode visuelle dédiée à la ville qui l’a vu grandir et devenir l’artiste qui s’est très tôt révélé, sous les vieilles charpentes du grand théâtre. Un lieu déjà propice à la romance qui liera toute sa vie Ahmed Benyahia à Constantine.



Mais ce n’est pas en tirades jetées au fond des gorges du Rhumel que l’artiste affirme sa passion dévorante, point de monologues laissés aux turpitudes de son Oued, point de déclarations emphatiques à l’adresse de la fiancée silencieuse. C’est par le dessin, puis la peinture que Benyahia choisit de faire jaillir ce qui retient l’homme à son rocher, avec qui il fait chair au point de lui pardonner toutes ses infidélités, tous ses manquements, toute sa rudesse et son adversité. Au point de se battre presque physiquement pour sauver les traces, conserver les empreintes de l’Histoire, y compris celles qui subsistent de ses sombres périodes.



C’est cet amour de Constantine qui le maintient, debout et inscrit dans le monde, peignant les grands formats qui vous absorbent à vous faire des leçons d’humanité, maîtrisant parfaitement les couleurs, revisitant la miniature pour célébrer Cirta comme une fête permanente reliant ciel et terre. Il n’y a qu’un amoureux transi pour porter ainsi son regard sur la face lumineuse de son aimée, avec tant de clémence pour son obscurité.



Peu de temps après avoir pris mon poste à Constantine, j’ai eu la chance de faire la connaissance de Benyahia et le privilège d’être invitée à pénétrer l’antre muséale de l’artiste, construite comme une matrice où serait précieusement conservée sa progéniture, une pouponnière soigneusement arrangée comme écrin pour ses œuvres en attente d’être présentées au monde. Nous en proposons ici une sélection, qui retrace les différentes périodes de la vie de l’artiste.



A ceux qui possèdent comme lui l’amour inconditionnel de Constantine vissé au corps, à ceux qui n’y passeront que quelques heures dans leur vie, à ceux pour qui ce nom restera un mythe jamais atteint, modestement veuillez y saisir un hommage.







Charlotte Aillet

Constantine, le 19 mai 2023







Entrée libre

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