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Bouira Des artisans se plaignent



Bouira Des artisans se plaignent
Publié le 26.03.2024 dans le Quotidien l’Expression

«Nous ne pouvons plus travailler sans matière»
Un manque de matières handicapant
Parce que tout manque, l'or, l'argent et le corail, les artisans qui fabriquent des bijoux avec ces trois matières, sont, depuis quelques années, confrontés à des difficultés insurmontables, d'après Fatma Abbas, une artisane de Tiliten, qui occupe un stand dans les anciennes galeries algériennes transformées en autant de petits locaux pour accueillir ces métiers.

Ses propos sont confirmés par un autre artisan qui travaille au premier étage et chez lequel l'artisane de Tiliten venait de temps en temps demander aide et conseils pour perfectionner son art. Selon Laïd Sedik, qui avait fait en 1991 un stage de trois ans pour devenir bijoutier, cette situation est beaucoup plus ancienne et n'a fait que s'aggraver d'année en année. «Nous ne pouvons plus travailler sans matière», affirmait la native d'Iliten. «Nous faisons des bricoles» fait en écho, l'homme qui travaille avec son fils. Les temps sont durs et cela se voyait. L'atelier est presque vide. Creuset, lingotière, laminoir, filière, tout ce matériel qui sert à fondre, à produire des lingots d'argent ou des feuilles, à effiler se couvraient de poussière, faute d'activité. Retournés au stand où notre façonneuse de bracelets kabyles, de diadèmes de toutes sortes, de boucles d'oreilles, de bagues, de ceintures, de fibules, de broches, ciselés dans l'argent avec art, avec amour, celle-ci, contemplant son oeuvre sous verre, laissait échapper un soupir. «J'ai beaucoup d'idées. Des idées neuves, mais que je ne peux mettre en pratique, faute d'argent et de corail» Comment travailler dans ces conditions? Comment améliorer sa technique et tendre vers la perfection, réaliser ses rêves?

Fatma assurait marcher sur les pas de ses aïeules. Elles adoraient les bijoux et en possèdent beaucoup. C'est d'elles qu'elles tenaient sa passion. Ne veillait-elle pas sur la collection laissée par sa grand-mère maternelle avec les plus grands soins? « Cela fait trente ans qu‘elle n'est plus là, et pas un seul bijou ne manque à l'appel.» ajoutait-elle encore. La famille paternelle a la même passion. Des oncles, du côté de Béni Yenni, sont devenus bijoutiers. Dès lors la voie est tracée pour celle qui se croit investie d'une sorte de mission: perpétuer la tradition, non en collectionnant les bijoux, mais en les fabriquant et en les vendant afin que d'autres puissent les porter et les faire vivre ainsi. Pas seulement dans les grandes occasions, mais à toutes les occasions. Aller chercher de l'eau à la fontaine du village en est une. Fatma a pour chaque femme et chaque occasion un bijou. Comme pour chaque région. Une femme sans bijoux lui paraissait inconcevable. Nous citerons à titre d'exemple le Tasaft, l'avzim, pour aller en pèlerinage, exprimer sa joie, le Thahareft pour se placer sous la garde de Dieu etc...Et toutes ces traditions donnent aux bijoux, non un pouvoir réel, mais une valeur que ni le travail d'orfèvre, ni le métal, aussi précieux soit-il, ne leur font acquérir: celle des sentiments qui s'y attachent, qui s'y incrustent, comme le corail ou une pierre précieuse et leur donne leur véritable prix. Cette passion, elle voulait déjà la transmettre à son neveu, un jeune de douze ou quinze ans en le plaçant en apprentissage chez l'artisan Sedik, au premier.

Ce n'est pas le seul souci qu'elle a. Changer d'endroit s'avère aussi judicieux. Ici les affaires marchent mal. Il faut un local plus grand et bien en vue pour la publicité des produits. Mais tant pis, car les locaux ailleurs coûtent les yeux de la tête et l'argent manque terriblement. Pas seulement pour fabriquer des bijoux. Mais pour avoir un local selon ses ambitions.
Ali DOUIDI

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