Blida - Revue de Presse

Blida Quand la rentrée scolaire et le Ramadhan se donnent rendez-vous


Il fait chaud, le soleil darde des rayonspercutants et l'air est immobile. Abdelkader sue abondamment mais ses sueurssont froides. Malgré la canicule, notre ami frissonne.Il vient juste de sortir de la poste aprèsavoir empoché sa paie: presque deux millions de centimes.Il préfère compter en centimes pour lesvoir beaucoup, car, vingt mille dinars représentent plus la vérité mais donnentl'impression qu'il n'y a que peu d'argent. Avant de sortir de la poste, il adéjà mis 2.000 DA à part, puis 800 DA, puis 1.500 DA et enfin 2.300 DA, cecipour payer ses dettes. Il compte ce qu'il lui reste: un peu plus de un milliontrois cents et il reste encore l'épicier et son satané carnet. Avant queAbdelkader sorte de chez lui, sa femme lui a remis une liste de produits àacheter, comme chaque mois quand il va toucher sa paie. Mais cette fois, laliste est plus longue et c'est ce qu'il y a dessus qui fait frissonner notrebonhomme. Outre les produits habituels, il y a les assiettes, les casseroles,le couscoussier et beaucoup d'autres choses dont il n'a pas eu le courage delire les noms. Il palpe la poche où il a mis ce qu'il lui reste et trouve laliasse peu épaisse. Il s'était résigné à cela depuis quelque temps déjà quandsa femme lui a rappelé qu'il restait moins d'un mois pour Sidna Ramdhan. Enslalomant un peu, il avait trouvé le moyen de faire quelques achats nécessairespour le mois sacré en persuadant sa femme de faire avec ce qu'ils peuventavoir. Mais c'était la veille que tout a basculé. Abdelkader déambulait avecson ami et au fil de sa randonnée, il a remarqué que beaucoup de magasinscommençaient à présenter des tabliers, des cartables, des vêtements pourenfants. Il commençait à s'étonner quand il se rappela qu'il ne restait quequinze jours pour la rentrée sociale et...scolaire. Il se rappela aussi sesquatre enfants dont l'un entrera cette année à l'école, l'autre sera endeuxième année, le troisième en 6ème et le dernier en 2ème année moyenne. Il apassé une bonne partie de la nuit à faire ses comptes, à faire et à défaire sesdépenses. Tout a été passé en revue: le troisième a une paire de basket qu'ilpeut utiliser, le tout petit sera plus cher. Il s'est surpris finalement àdonner des valeurs vénales à ses enfants, mais pas combien ils coûtent maisplutôt combien vais-je devoir dépenser pour chacun d'eux ? Toute une partie dela nuit, il n'a pas pu se retrouver. Il s'est endormi, exténué, rêvant debeaucoup d'argent, ou de vacances sans fin. Abdelkader n'est pas unique en songenre, tous les smicards sont dans son état: l'arrivée du double événement enmême temps les laisse pantois, ne sachant par quoi commencer, comptant etrecomptant leur maigre paie, faisant mille et un calculs, pour finalements'asseoir en s'en remettant à Dieu. Leur état pitoyable est exacerbé par toutl'étalage que nous pouvons voir et constater au niveau des divers marchés dupays.Après les parasols pour les plages, lesproduits pour les gâteaux des noces, les vêtements luxueux pour les mariages,c'est maintenant au tour des ustensiles de cuisine, les couscoussiers, lescasseroles, les bols de potage, les assiettes, et tout un attirail que chaquefemme voudrait avoir dans sa cuisine, pour accueillir le mois de Ramadhan. Danstous les marchés couverts, dans les rues marchandes, dans les magasinsspécialisés, c'est une véritable révolution qui s'est opérée: les seaux, lesparasols, les bouées, les glacières ont fait place aux ustensiles de cuisine,chaque année plus sophistiqués, d'un nouveau design imprimant une dynamiqued'achat effrénée de la part des ménagères, chacune voulant se montrer plusbranchée, mieux nantie afin d'épater la voisine ou la cousine. Ceci donne lieuà des achats inconsidérés et surtout fort onéreux qui mettent à mal la boursedu mari.Quand la femme exige de son homme qu'il luiachète une série de 3 casseroles pour 1.400 DA, une autre d'une vingtained'assiettes diverses pour plus de 1.200 DA, un couscoussier à 900 DA, une poêlepour le même prix et enfin une série de 3 faitouts pour 2.300 DA, ce ne sontpas uniquement des sueurs froides qu'il risque d'avoir mais plutôt de piquerune crise de folie furieuse. Tout ceci, en omettant de parler des achats dedenrées alimentaires durant le Ramadhan, que chacun essaie de diversifier leplus possible, au prix de mille et un sacrifices, d'endettement stressant et deruses idiotes. Cette année, c'est la rentrée scolaire qui vient ajouter songrain de...sable et c'est toute la mécanique qu'Abdelkader et ses semblablescroyaient bien rodée qui commence à grincer. Et pour corser le tout, ce sontles prix qui ont pris l'ascenseur. Les tabliers, d'une qualité plutôt médiocrene coûtent pas moins de 800 DA pour ceux entre 10 et 16 ans, alors que lespantalons en faux jeans sont cédés entre 800 et 1.200 DA. Les robes de 1.000 à2.000 DA et les autres vêtements à l'avenant. Même si les cahiers et autresfournitures scolaires ne sont pas encore sur les étals, les cartables affichentdes prix plus élevés par rapport à l'année passée, puisque le moindre sac à dosen plastique est proposé à 1.000 DA, et encore ces prix sont pratiqués chez lesrevendeurs occasionnels dans les marchés hebdomadaires ou par les vendeurs à lasauvette. Ceci en attendant encore les livres scolaires. Abdelkader qui avaitnourri de grands espoirs de voir sa paie augmenter sensiblement au mois deseptembre a dernièrement su qu'il n'en sera rien et qu'il devra attendre aumoins jusqu'à la fin de l'année prochaine pour cela, et c'est ce qui a ajouté àson désarroi. Il est finalement rentré directement à la maison, en ayant justeacheté deux pains et deux kilos de tomates pour le déjeuner. Il n'a pas encoretrouvé la combinaison qui lui permettra de faire face à toutes ces obligationset il compte demander à sa femme de l'aider. Abdelkader est le portrait type dufonctionnaire algérien et ils sont près d'un million cinq cent mille dans sacondition.
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