Annaba - HISTOIRE

Lakhdara Khodja : Profession Fidai



Lakhdara Khodja : Profession Fidai
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Photo : Riad
Par Mohamed Rahmani
En ces années où l'occupant français usait et abusait de sa force pour ses «opérations de pacification», lançant ses troupes contre des populations sans défense, pour «mater» une révolution qui a touché toutes les régions du pays; une guerre qu'on ne voulait pas reconnaître comme telle, des hommes et des femmes, qui étaient devenus étrangers dans leur propre pays, ont mené un combat et une lutte, pour lesquels ils se sont sacrifiés; ont sacrifié les leurs et ont tenu face à une machine de guerre qui détruisait tout sur son passage. L'Algérie meurtrie, ensanglantée résistait par la volonté de ses enfants, par cet esprit de liberté qui a conquis tout un peuple et dont les vents de la Révolution en dessinaient les contours, pour forcer les portes de l'indépendance, emprisonnée par le fer et par le feu. Parmi ces hommes qui ont rêvé de cette indépendance, qui ont combattu pour elle et qui ont tenu face à toutes les humiliations, à toutes les formes de torture et à une justice expéditive, M. Lakhdara Khodja, aujourd'hui octogénaire, vivant dans une modeste maison, entouré de ses enfants, à Kherraza (une dizaine de kilomètres à l'ouest du chef-lieu de la wilaya d'Annaba). L'homme, que nous avons rencontré à son domicile, simple, nous raconte, sans détours, ses faits d'armes à Annaba, ses actions, ses relations et son combat. Un retour vers ce passé qui a pétri sa vie et son devenir, qui se mêle à celui de l'Algérie, qu'il chérit et porte encore et toujours dans son c'ur. «cela remonte au début des années 40, nous raconte-t-il. Au port d'Annaba, les armes étaient à portée de main, avec la seconde guerre mondiale qui faisait rage. Il n'y avait qu'à se baisser pour en ramasser. J'étais, à l'époque, militant du MTLD et j'étais chargé de sensibiliser les populations aux thèses du parti visant au recouvrement de l'indépendance. Les armes, comme je l'ai dit, circulaient et se vendaient en cachette, dans les souks. Le code était 'djadja bi flaliss'ha' (une poule avec ses poussins) cela voulait dire «une arme à feu avec munitions». Puis, ce fut l'OS. J'étais parmi les rares personnes qui avaient souscrit à l'action du parti et je m'occupais toujours de sensibilisation, pour préparer les habitants de la région d' Annaba à soutenir l'action des nationalistes. En 1957, j'étais membre actif du FLN; le premier contact avait eu lieu une année avant, parce que j'étais connu, dans les milieux nationalistes, comme étant quelqu'un qui adhérait totalement à la cause. Si Soltane était le responsable militaire de la région d' Annaba, il m'avait recruté comme fidaï. J'ai été chargé, dans un premier temps, de rechercher une personne qui avait fui le maquis et qui allait divulguer aux services français l'identité des moudjahidine stationnés dans les monts de l'Edough et à Ras El Hamra. La personne en question était restée introuvable, malgré les recherches entreprises par six fedayine affectés à cette opération». «Je tenais, à l'époque, un kiosque de tabac et journaux, juste à côté de l'Eglise Sainte Anne, à La Colonne (aujourd'hui la mosquée El Forkane). J'avais comme clients, des français habitant le quartier, mais aussi des militaires et je collectais des renseignements concernant les mouvements des troupes et des services de police. Puis, ce fut le passage à l'action. Cela avait commencé par l'arrivée de M. Trema Mohamed-Tahar, un Algérien qui a fait la guerre d'Indochine, accompagné d'un lieutenant de l'armée française. Trema m'avait remis un cabas plein de grenades, devant cet officier, qui n'avait pas bronché, Mohamed devait le tenir -je ne savais pas comment, mais il devait certainement lui devoir quelque chose. Entre-temps, Si Soltane avait été arrêté et une des casemates de Oued Kouba avait été découverte et détruite. Rizzi Amor avait, alors, remplacé Si Soltane, pour prendre en mains les opérations. La cave de la maison où j'habitais (et qui existe encore aujourd'hui, à la rue Jean Jaurès à Annaba) servait de dépôt d'armes et de munitions. Je fournissais les six fidayïne que j'avais sous ma responsabilité avant chaque opération que feu Rizzi Amor ordonnait. La première opération qu'on avait exécutée a été sur la plage Saint-Cloud, en septembre 1958. Les fidaine avaient tiré sur un groupe de Français, sur la plage. Un mort et une dizaine de blessés ont été dénombrés. Repli, retour et attente de nouveaux ordres, qui ne tardèrent pas puisque, quelques jours plus tard, vers la fin du mois de septembre, nous avions exécuté deux traîtres, l'un était adjoint au maire de Randon et l'autre était juge au tribunal d'Annaba et servait la justice de l'occupant. Il y a eu tellement d'opérations et d'attentats que je ne peux vous les citer tous. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y avait au moins un attentat par mois, qui visait les militaires, mais aussi les bars et les cafés où il y avait une forte concentration de Français. Ce dont je me rappelle bien, c'est cet attentat du boulodrome du square Randon (aujourd'hui jardin public dit «djnaina», de la Colonne, où il y a eu trois morts. Une opération à laquelle ont participé Mohamed «Négresse», Abdelkader Daâmèche et Zerrouki Abdelkader. Moi, je surveillais les alentours, armé d'un 9 mm. J'étais, en quelque sorte, chargé de sécuriser le lieu, pour permettre aux fedaïne qui m'accompagnaient de réussir l'opération». «L'autre action, qui m'a le plus marqué, est celle de la Kermesse, près de l'Eglise Sainte Anne, à La Colonne. Nous avions bien préparé l'opération, et même notre repli dans une maison, juste en face, qui appartenait à un dentiste et qui était à louer. Seulement, entretemps, j'ai été arrêté. Mais l'opération a quand même eu lieu. C'était en juillet 1961, il y eut 5 morts et 85 blessés. J'en avais entendu parler en prison et je m'étais dit qu'au moins, mes efforts n'avaient pas été vains».
«J'ai été emmené dans un camp, dit de triage, où j'ai séjourné pendant un certain temps, avant de décider de m'évader. Cela n'avait pas marché, puisque l'un d'entre nous, qui avait tenté le coup, avait été abattu. J'ai été, ensuite, transféré à La Casbah, avant d'être jeté dans une cellule, à Bordj Naama. Abdelkader Zerrouki avait été, lui aussi, arrêté et nous avions été condamnés, en première instance, à 20 ans de réclusion criminelle. Au procès en cassation, j'ai été condamné à mort. A la caserne de La Casbah, j'ai subi les pires sévices, une torture extrême, surtout au 2ème bureau à côté du café Echaâb, près du 1er arrondissement de police actuel».
«Je n'ai dû mon salut qu'au passage d'un juge, qui avait ordonné de surseoir à mon exécution et je restais en prison jusqu'en mai 62, pour être ensuite transféré à Marseille, avec 25 autres condamnés à mort. C'était en plein mois de Ramadhan et nous étions, en tout, près de 400, venus d'Algérie. Notre retour au pays, après 45 jours, a été à la prison de Lambèse, avant notre libération définitive. Aujourd'hui, comme vous le voyez, j'ai tous les documents qui attestent de ma participation active à la guerre de libération nationale. Je l'ai fait pour l'Algérie, je n'ai pas de pension et je ne demande rien. Je témoigne ici, pour l'Histoire, pour la postérité, pour nos enfants, pour leur faire comprendre, pour leur expliquer que leurs aînés se sont sacrifiés pour ce pays qu'ils doivent, à leur tour, protéger et défendre».




notre point commun:la resistance et le combat pour que l homme soit libre dans la dignité.De siecle en siecle la forme change, pas le fond.(Mon pere Mohamed Said faisait partie du F.L.N. a Grenoble.)Apprenons a nos enfants la paix ,coute que coute.
lakhdara karim - handicapé ou invalide au choix - grenoble, France

31/08/2012 - 39075

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