Algérie - A la une


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Le sérail dans sa composante la plus représentative a célébré comme à son habitude dans la ferveur et l'enthousiasme populaire la glorieuse journée du 24 Février. Une salle pleine à craquer de travailleurs de divers horizons ramenés d'un peu partout, de syndicalistes triés sur le volet et visiblement heureux de se retremper dans ce genre d'ambiance où le populisme interactif est chauffé à bloc, un premier rang de hauts dignitaires et de notables du régime pour donner le ton à la solennité de la manifestation, et des discours doctrinaux à profusion pour, d'une part, louer encore et encore la dimension révolutionnaire inextinguible de la mesure de nationalisation des hydrocarbures qui a redonné tant de fierté à l'Algérie, et, d'autre part, pour fustiger avec une rare violence dans les propos tous les ennemis et détracteurs qui cherchent à nuire au pays. Tous les ans, c'est le même schéma qui est repris pratiquement dans la même atmosphère, avec les mêmes slogans.La litanie du verbe accusateur et en même temps courtisan à souhait n'a aucune limite. Tous les orateurs qui se sont succédé sur les planches (c'était comme dans un théâtre où la mise en scène était étudiée) se sont surpassés pour flatter l'égo des travailleurs sans lesquels la magie du 24 Février n'aurait pas fonctionné, et bien évidemment pour rendre un vibrant hommage à l'homme providentiel qui, à travers l'esprit de cette date historique, a su garantir la stabilité de la nation : Bouteflika.Les interventions faisaient vibrer l'assistance déjà acquise et déplacée juste pour applaudir, mais on retiendra particulièrement celles du Premier ministre et du secrétaire général de l'UGTA qui étaient un ton grotesques au-dessus des autres par le trop-plein de démagogie qui les caractérisait et qui a dû faire rire bien de nos concitoyens dans les chaumières. «Ils nous prennent vraiment pour des imbéciles?», s'est-on sûrement dit en écoutant ce genre de discours qui, visiblement, ne tiennent pas compte de la réalité que vit le pays aujourd'hui.En fait, le pouvoir face à une situation sociale, politique et économique catastrophique qui laisse entrevoir les pires incertitudes pour l'avenir n'a pas trouvé mieux comme arguments choc pour «rassurer les masses» que le retour aux vieilles recettes du passé pour chatouiller les fibres patriotiques des Algériens.La nationalisation des ressources du sous-sol étant un acte inconstestable de souveraineté, il n'en fallait pas plus pour construire toute une idéologie mobilisatrice autour en veillant à stigmatiser au passage ? sans les nommer ? ceux qui n'adhèrent pas à cette vision passéiste et les présenter comme des ennemis potentiels à abattre. Sidi Saïd s'est complètement lâché à ce sujet, emporté par sa flagornerie débordante, pour raisonner comme un automate qui n'a plus de repères et qui garde malgré tout la conviction de pouvoir convaincre sur la seule base de la désinformation.Le SG de la centrale syndicale a dépassé cette fois-ci toutes les limites de l'entendement. Il voulait faire plaisir aux barons du régime, leur prouver son allégeance qui ne souffrait pourtant d'aucune équivoque, mais c'est l'effet contraire qu'il a produit. Il avait tout simplement l'air ridicule de vouloir présenter aux Algériens qui souffrent l'image d'une Algérie qui se porte bien, à laquelle il faut encore des sacrifices de la part des? travailleurs dont on ne cessera jamais de louer les mérites. La solidarité active de la part des éternels sacrifiés, mais pas ceux qui manipulent tout derrière le rideau et qui s'en sortent toujours gagnants.En tout cas, les réseaux sociaux se sont déchaînés contre ce personnage qui semble avoir perdu toute sa crédibilité et qui par conséquent ne peut plus jouer le rôle d'interface pour un régime qui navigue à vue. Le plus dramatique est encore ce sourire trempé dans la béatitude affiché par le Premier ministre qui fait comme si on célébrait un heureux événement dans l'insouciance totale alors que le pays traverse sourdement les pires convulsions de son existence.Il y a, à l'évidence, comme un dangereux décalage entre l'optimisme forcé de Sellal qui haranguait la foule comme au bon vieux temps de la fièvre populaire contagieuse où l'adhésion aux discours d'en haut était réglée comme du papier à musique, et l'immense désespoir ressenti par la société en raison des multiples échecs qui se dressent sur son évolution dont celui, le plus important et qui conditionne tout le reste, de la construction démocratique.En vérité, c'est un 24 Février complètement fermé aux aspirations démocratiques des Algériens que le régime de Bouteflika a célébré en cercle fermé pour sa propre consommation politique. Dehors, le décor est différent. Dans différentes villes du pays, le ton était à la contestation.Malgré ses divisions, ses faiblesses dans la mobilisation, l'opposition a tenu à promouvoir un autre son de cloche. Celui d'une Algérie où les droits des citoyens sont bafoués, où la liberté d'expression est confisquée, où règne la corruption à tous les niveaux, où les institutions de l'Etat ne fonctionnent pas comme le dicte la Constitution, où domine la puissance de l'argent à travers une oligarchie parvenue entretenue par le pouvoir, où les valeurs morales et civilisationnelles ont disparu, où la société civile, colonne vertébrale de la démocratie, a été démantelée au profit d'une caste qui fait la pluie et le beau temps dans ce pays.Dans ce paysage sinistre qui n'incite pas à la réjouissance, surtout si elle est démagogique, il est bien entendu que les travailleurs restent de simples faire-valoir sur le dos desquels on fait de la politique politicienne. A propos de politique, on assiste précisément au sommet, faute de programme cohérent qui satisfasse les attentes du peuple, à une violente offensive contre l'opposition rendue responsable de tous les maux que connaît l'Algérie.C'est le pouvoir qui gère les affaires du pays, mais c'est l'opposition qui est clouée au pilori par le seul fait de dénoncer les dérives du clan présidentiel de plus en plus insupportables et de susciter la contestation populaire pacifique, le seul moyen de résistance qui lui reste pour éveiller les consciences. Sidi Saïd a horreur de la rue depuis qu'il a goûté au confort des salons. Il est dans la logique du système.


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