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Voyage au c'ur de l'amérique du sud


Voyage au c'ur de l'amérique du sud
La Paz, place Murillo, ou siège du Parlement et la de Présidence, qui fait de cet espace le centre du pouvoir bolivien. Sur la place, baptisée du nom d'un martyr de l'indépendance, des centaines de pigeons déambulent et des jeunes cireurs de chaussures au visage masqué descendus des faubourgs surpeuplés des collines s'affairent soigneusement aux pieds des passants, métier honteux s'il en est, ce qui explique que leurs visages n'apparaissent pas.Tête en bas, c'est plutôt en haut qu'une nouvelle étrangeté bolivienne apparaît, l'horloge du Parlement, qui tourne à «l'envers». Car depuis le mois de juin 2014, la Bolivie lit l'heure sur des montres du Sud, comme l'explique David Choquehuanca, le ministre des Affaires étrangères : «Dans l'Hémisphère Sud, le soleil tourne vers la gauche, à l'inverse de l'Hémisphère Nord.» Quoi de plus logique, alors qu'une montre dont les aiguilles tournent de droite à gauche, pour retrouver «le chemin et l'identité des peuples de l'Hémisphère Sud '» Le 15 juin 2014, 300 montres de ce type, baptisées «montres du Sud», ont ainsi été offertes aux participants du G77 + la Chine, qui s'est tenu à Santa Cruz, et une application android est disponible depuis, permettant de faire fonctionner l'heure de son téléphone portable à l'envers. Sur la placeMurillo, personne ne semble se soucier du temps, pas même les nombreux touristes et les pigeons.C'est pourtant sur cette place carrée où est morte Bartoline Sisae, la célèbre libératrice andine, capturée et pendue ici même le 5 septembre 1782 par les Espagnols, publiquement humiliée, battue et violée, puis découpée pour envoyer des morceaux de son corps dans les villages pour intimider les Indiens. 2014, est-il l'heure d'oublier tout ça ' Le temps ne s'arrête pas, même si personne sur la Plazza Murillo ne regarde ces étranges aiguilles de la montre du Parlement se déplacer lentement, avec les 1, 2, 3, 4, 5, 6, à la gauche de midi et les autres à droite.A 20 mètres de là, un vendeur ambulant de montres tente d'écouler sa marchandise. Oui, ce vieil Andin connaît l'histoire de l'horloge et la nouvelle heure bolivienne, mais il vend des montres japonaises et chinoises d'importation. Pas moyen de les inverser. La montre du Parlement, elle, retarde de 30 minutes. Mais une montre qui fonctionne «à l'envers» est-elle en avance si elle retarde de 30 minutes ' Dans tous les cas, je vais rater mon rendez-vous au ministère de la Décolonisation.Google en QuechuaUn immeuble discret aux escaliers étroits, là encore sans aucune sécurité particulière. Le temps n'est pas très important et au 4e étage, le vice-ministère de la Décolonisation, Félix Gardenas, n'est pas inquiet du retard. Elisa, la responsable d'une des unités, une cholas andine au chapeau et fille d'un noble Kalawaya, ces médecins guérisseurs itinérants des Andes, mâche de la coca et propose d'attendre un peu. Puis, le vice-ministre, drapeau bolivien et gros buste en bois de Moralès sur son bureau. Un Andin, qui après avoir visualisé où se trouve l'Algérie, un pays du Sud, explique les principes de la décolonisation : «3 axes. La religion, pour retrouver notre spiritualité locale (voir reportage précédent).Puis la décolonisation des institutions, en ce sens où l'éducation ou la justice doivent être réorganisées avec les traditions andines.» C'est clair, net et radical, et même très ambitieux puisque le troisième axe est «la décoloniation continentale», installer ces notions de rupture avec la culture espagnole et européenne partout en Amérique du Sud. Vient une question à propos des cireurs de chaussures, qui en Algérie était l'horrible symbole de la colonisation. «Non», répond le vice-ministre, «ce n'est pas pour nous un symbole fort de la colonisation. C'est la pauvreté qui la symbolise, les cireurs n'en sont qu'une conséquence.Décoloniser, c'est enrichir, les cireurs disparaîtront d'eux-mêmes». Mais qu'est-ce que pratiquement la décolonisation en dehors du 12 octobre, institué officiellement «Jour de la décolonisation» ' «Renommer les espaces pour se les réaproprier», précise Félix Gardenas, «la ville de Salinas de Garci Mendoza sera appelée Salinas deTunupa, Mendoza étant un personnage très négatif (chef militaire espagnol).» Ce qui rappelle Rafaël le quantique (voir reportage précédent), qui expliquait «que les opposants au Pachamamisme pensent que c'est un retour vers le passé».Avec son sourire moléculaire, Rafaël Bautista aimait à rappeler les physiciens quantiques : «Le passé derrière et le futur devant est une idée fausse, car c'est seulement en état de conscience que le temps est linéaire. C'est un paradoxe épistémique, nous connaissons presque tous le passé et nous ne pouvons le changer, mais en faisant quelque chose dans le présent, nous pouvons changer le futur au sujet duquel nous ne savons rien.On ne peut résoudre ce paradoxe dans une vision linéaire du temps, nous devons changer notre point de vue.» Gracias. On dit «Sumak Kawsay» en quechua, l'une des langues ancestrales des Andins, concept paradigme du vivre bien, né de siècles de luttes identitaires pour une reconstruction communautaire autour des cultures ancestrales.Google utilise maintenant le quechua, au moment où une pétition réclame Google en tamazight. Oui, mais quelle heure est-il finalement ' Celle d'aller plus loin, comme disait José Daniel, l'archéologue guévariste (voir premier reportage) qui fustigeait l'approximation identitaire de l'équipe au pouvoir en Bolivie, qui aime à mélanger la civilisation de Tiwanaku et celle des Incas dans un fourre-tout «alors qu'il y a presque 1000 ans d'écart entre les deux». Quelle heure ' Celle d'aller au lac Titicaca, berceau des Incas.





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