Algérie - Revue de Presse

«Vous êtes le mal de l'Etat»



Nouvelle théorie de gestion rendue publique par Ould-Abbès,le ministre de la Solidarité éternelle du ministre avec son Président et,depuis peu, ministre de la communauté nationale établie à l'étranger: les Algériensdoivent changer de perception sur leur Etat pour que l'Etat aille mieux.

A l'occasion d'un séminaire des chefs de postesdiplomatiques et consulaires, organisé à Alger, le ministre a doctement affirméque les membres de la communauté algérienne «doivent changer leur perceptiondes représentations diplomatiques et consulaires algériennes, en pays étrangerset saisir la noblesse de la mission qui leur est confiée en toute équité etconfiance». En clair, le peuple est injuste car myope et donc incapable de voirce que l'Etat fait pour lui. Bien que sans lien avoué, cette idée d'un peuplequi ne mérite pas l'Etat qu'il a et le pays qu'il piétine, vient de très loin,de toujours. C'est un non-dit national, visible et lisible sur le visage deceux qui gouvernent et endossé par le visage de ceux qui sont gouvernés. L'Etatest éternellement convaincu que ce peuple ne mérite ni l'indépendance, ni lagéographie, ni même ce qu'on fait pour lui, de l'éclairage public au lancementd'ALSAT-1. Du coup, il en naquit cette hérésie collée à Saïd Sadi, accusé des'être trompé de peuple parce qu'il l'a dit à voix haute, et au final, cettesolution par Ould-Abbès: on peut corriger les défauts de l'Etat algérien encorrigeant la manière de voir et de regarder ce qu'il fait pour lui-même, sousl'angle de choses faites pour nous. Dans le cadre de la chaîne alimentaire dela RADP, l'invention est époustouflante et fonctionne par la culpabilisationabsurde, selon l'une des règles de la propagande active: le peuple devient coupabled'une félonie passive dont la preuve et l'évidence que l'Etat a échoué. Cetteévidence étant «inversée» pour être présentée comme un défaut de vision et unvice de fond. Arrêtez de dire que les chancelleries algériennes fonctionnentmal ou seulement pour elles-mêmes, car même si elles fonctionnent mal et pourelles-mêmes, c'est votre faute puisque vous le pensez.

La même logique de la solution par Abbès, pouvant êtreétendue à tout le reste. Si un homme de pouvoir vous gifle, il pourra vous accuserd'avoir frappé sa main avec votre visage. Si des députés sont mal élus, onaccuse les électeurs d'être des paresseux. Si un programme d'importation depomme de terre démontre son inefficacité, on explique que les paniers étaientpercés. Si on n'arrive pas à construire un million de logements avant 2010, onpeut expliquer que c'est la faute au million de demandeurs qui n'ont pas faitde demande. Si une autruche fait de la politique, on peut accuser le trou dedésert d'être venu jusqu'à elle. Une bonne explication de l'échec de l'Etat parla fourberie du peuple, équivalent logique de la pensée profonde du peuple quipense que l'Etat est un voleur.

La conclusion étant que, puisque depuis 1962, cet Etatn'arrive pas à satisfaire ce peuple, pourquoi ne pas penser qu'il suffit dechanger de peuple pour réussir? La chose étant impossible, un ministre vientdonc d'introduire l'idée d'un changement de perception optique du peuple qu'onne peut pas changer. «Quelque chose va mal? Arrêtez de le penser, car c'estmal», dit la nouvelle politique. L'invention est ingénieuse, elle prouve quel'on peut fabriquer du stalinisme soft avec du bouddhisme réaménagé.





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