Vol au ras des pâquerettes

Même au plus fort de sa médiocrité, le débat politique en Algérie n'a atteint un tel degré de déliquescence. De délinquance. Et c'est justement l'un de ses acteurs qui en parle le mieux, Benflis lui reconnaissant une médiocrité et une décadence jamais égalée. La dernière sortie médiatique de Saâdani illustre superbement ce niveau d'intervention politique au ras des pâquerettes, heurtant la sensibilité des citoyens algériens, politisés ou non.Au-delà de ses accusations, fondées ou non, et des menaces proférées à la ronde, le discours de Saâdani répond à un seul impératif : exister par la parole. Redoutable tribun, porte-parole officieux d'un pouvoir silencieux, le SG du FLN ne doit sa carrière et sa survie politique qu'à ses nombreuses offres de service et il le sait. Pertinemment. En invectivant l'opposition à tout va et en s'attaquant frontalement à ses représentants, il se place dans la peau d'une vigie de la République au pouvoir. Saâdani confond ses amis avec les intérêts suprêmes et ses opposants avec les ennemis d'une République qui n'en demande pas tant. En développant un discours offensif construit sur l'attaque à outrance de ses adversaires, les accusant des pires manigances jusqu'à comploter contre le pays, il sait qu'il tire le débat vers le fond, un niveau que peu de ses opposants politiques lui partagent.Peut-on alors reprocher à Saâdani de faire du Saâdani pour sauver la peau de Saâdani ' En perte de vitesse devant son alter ego du RND, lâché, dit-on, par ses sponsors politiques et confronté à un début de redressement interne, il a fait feu de toute part pour affirmer sa présence n'ayant peur d'aucune surenchère, faisant mieux ou pire que le plus fidèle des fidèles d'El Mouradia. L'homme joue gros : son avenir politique. Pourtant Saâdani et consorts ne font que remplir un vide laissé par des politiciens plus habitués aux ambiances feutrées des salons qu'au verbe populaire.Loin du populisme de sensation, l'opposition n'offre aucune alternative à un peuple en attente. Leurs discours restent inaudibles pour le commun des citoyens donnant l'impression d'une consommation interne plus qu'une communication développée à l'externe. Hormis les partis d'obédience islamiste, rompus aux pratiques du discours agressif, l'opposition se cherche encore une voix. A qui veut bien l'entendre.