Algérie

Vendanges à Mostaganem, Fête d’autrefois, galère d’aujourd’hui



Indépendamment de toutes les contraintes liées à l’activité, on table sur la réception d’une quantité oscillant entre  2 000 à 2 400 quintaux/jour. L’Oncv, qui a réduit le nombre des caves habituellement ouvertes, s’attire les foudres des producteurs.

Les machines ont commencé à ronfler  depuis jeudi dernier à la cave Sivida de l’Oncv à Sidi Lakhdar. Sans frénésie outre mesure, et avec un différé d’au moins une semaine sur la date “habituelle’’, les premières remorques sont en train de vider les premières livraisons de raisin. Une ribambelle d’enfants et de bambins harcèle les alentours, en jouant à cache-cache avec les livreurs du produit agricole.
Un monticule de marc déborde sur la chaussée limitrophe. La cigarette ralliant mécaniquement les lèvres aux doigts, une poignée d’individus, dont on ignore l’occupation précise, suivent des yeux les fouloirs qui happent les grappes. Une ruelle plus loin, se trouvent le pont-bascule et sa loge. C’est par là que doivent passer les remorques à l’arrivée et au départ de la cave. Sur un fond sonore tonitruant de klaxons et de ronflement de tracteurs, on s’interpelle à s’égosiller. C’est ici également que se délivrent les fameux bons avalisant la réception du produit. Sans le bon, il n’est point question d’y présenter son raisin. “C’est une forme d’organisation pour réguler les capacités de réception de la cave !’’ nous explique le chef du centre qui fait la navette entre le pont-bascule et la cave. Pour éviter l’encombrement, on table sur la réception de 2 000 à 2 400 quintaux/jour. Cette régulation est mise en pratique depuis longtemps déjà. Seulement, la nouveauté réside dans le fait qu’elle n’est plus régie par le critère de la zone géographique de la parcelle à récolter, autrefois en vigueur. La priorité accordée aux parcelles sablonneuses sous-tendant la précocité du produit n’est plus de mise, selon certains fellahs rencontrés sur le site.

Une campagne  très réduite
Des vendanges rimant avec la fête d’autrefois, il n’en reste que le nom. La durée de la campagne a été réduite à tout juste une semaine. Une semaine en journées discontinues. La crasse caractéristique qui engluait les chaussées limitrophes sur des dizaines, voire des centaines de mètres, se limite aux abords immédiats de la cave. L’odeur, également caractéristique, n’embaume plus la localité comme autrefois.
Et pour couronner le tout, les viticulteurs se retrouvent emportés par une folle galère. à la faveur d’un privilège particulier accordé à la wilaya au vu de l’état de dégradation de son aire cultivable, au lendemain de l’arrachage massif, mais surtout non réfléchi de son vignoble, subventions et soutiens particuliers des différents fonds ont commencé à “pleuvoir”, depuis le début des années 1990, sur Mostaganem afin de réhabiliter le vignoble “détruit”. Nonobstant le lourd poids du tabou pesant sur cette spéculation végétale, l’objectif d’une telle ambition était double : économique et surtout écologique. Des sociétés de production de plants de vigne et autres prestations de services nécessaires à cette culture ont essaimé. Pour conforter son autonomie, l’Office national de commercialisation des produits vitivinicoles (Oncv) s’est même converti à la viticulture en plantant, à coup d’un immense effort technique et financier, plus de 600 hectares de vigne à travers la wilaya de Mostaganem.
Au niveau du plateau de Mostaganem, zone ancestrale mais abusivement réputée pour l’abondance de l’eau d’irrigation, l’effort de l’État bute sur la réticence des agriculteurs. Aucunement soucieux de l’état de la nappe phréatique, la course effrénée vers les cultures spéculatives, à l’instar des pastèques et du maraîchage, s’enclenche au lendemain de la restructuration du secteur autogéré en 1988. L’échec est quasiment consommé.
Au-delà du Cheliff, dans la région du Dahra en l’occurrence, l’eau, plus rare, impose des ambitions plus mesurées. La sobriété héritée favorise les cultures rustiques, notamment la viticulture. Timidement au départ, en raison des appréhensions multiples dont elle est victime, la vigne reconquiert, à un rythme appréciable, son espace naturel, là où pratiquement toutes les autres espèces donnent les piètres rendements. La cadence de développement ne tarda pas à inciter le wali précédent à détourner le programme initialement destiné à la région du plateau au profit des fellahs du Dahra. Au début de l’année 2000, certains représentants de groupements de producteurs ont commencé à attirer l’attention sur le problème des caves appelées à recevoir la production des “vastes superficies nouvellement plantées qui ne cessaient de croître”. Incohérent, le développement recherché et induit par les pouvoirs publics manquera de l’harmonie requise. Nombre de facteurs et d’éléments indispensables n’évolueront pas dans le bon sens. Les résultats sont évidents sur le terrain. L’économie de marché a été “décrétée”. Le sauve-qui-peut a été érigé en règle économique, le vice, la ruse et l’espièglerie font l’art mercantile. Au bout du compte, bien malin serait celui qui en tirerait, sans encombre, le sien.

Mécontentement  des fellahs
  Au niveau de la cave de l’Oncv, les prises de bec enveniment les relations entre livreurs et chargés de la réception du raisin. L’office, qui a déjà rompu avec les relations contractuelles prédéterminées, ne tolère plus le tout-venant. Une exigence supplémentaire qui attise le courroux du viticulteur, qui crie et décrie la révision à la baisse des prix de cession du raisin, proposés ou plutôt imposés par l’organisme public. En l’espace d’une campagne, le carignan et l’alicante sont passés de 2 000 à 1 700 DA/quintal alors que le cinsault cédé l’an dernier à 1 700 DA ne s’en retrouve qu’à 1 200 DA ! Vraiment, cela ne suscite pas la joie des fellahs. Dans une requête datée du 21 août dernier, ils expriment à Mme le wali de Mostaganem leur vif mécontentement. Évoquant le sabotage et l’humiliation du producteur, ils menacent même d’arracher la vigne. Arracher la vigne, une action plus facile à formuler qu’à entreprendre ! “Ruine pour ruine, mieux vaut se reconvertir à la céréaliculture !” estime le président de l’association des viticulteurs. Selon son raisonnement, même si elle ne génère pas de grosses recettes, la céréaliculture conserve l’avantage de ne pas engager de lourdes charges. Un raisonnement qui aurait dû condamner depuis longtemps la vigne, si cela ne tenait qu’à cet unique argument de la rentabilité ! La charge d’au moins deux décennies d’assistanat fige l’initiative. L’individualisme prime sur la réaction et l’organisation corporatistes. à l’instar des autres champs politique, sportif, culturel ou professionnel, les viticulteurs mostaganémois ont consommé leurs expériences de coopératives et d’associations de producteurs. Des organisations fondées jusque-là à l’initiative de l’administration et des pouvoirs publics, qui offrent tout juste la large latitude à leurs membres exécutifs à devancer les pairs quant à l’accès à l’assistance de l’État ! Ainsi, le système coopératif, l’élément efficace dans le développement agricole sous d’autres cieux, se retrouve complètement paralysé, victime de textes et règlements désuets, mais également de l'esprit individualiste de ses gestionnaires et du désengagement moral et financier des coopérateurs qui l’ont créé. Autonome depuis octobre 1989, la Coopérative agricole de services des produits vitivinicoles (Caspevit) de Mostaganem fut le seul organisme épargné par le phénomène de la dissolution ayant touché, à l’époque, les nombreuses entreprises et coopératives. Cette coopérative compte parmi ses activités la plantation du vignoble et la transformation de sa production ainsi que l’assistance technique dans le domaine de la viticulture. Confisquée, et son siège délocalisé de Sidi Lakhdar — centre de rayonnement du vignoble mostaganémois — au chef-lieu de la wilaya, elle est pratiquement inopérante et vivement critiquée par le président de l’association des viticulteurs dont l’organisation n’a pas pour autant pris en charge efficacement les préoccupations du producteur. La sphère vitivinicole, mue et régie par l’anarchie, n’a pas tardé à la pénétration de l’opérateur privé qui tentera de mettre à profit la tension des relations entre l’office public agissant en organisme commercial en quête de gains et profits et la foule de viticulteurs désorganisés. Confondu avec l’État, l’office s’attire la foudre des producteurs. Bizarrement, c’est à lui que revient l’initiative d’arrêter les tarifs, l’opérateur privé ne fait que s’aligner. Introduits en 2003, avec une seule ancienne cave retapée à neuf, elles sont deux entreprises — privées — à avoir ouvert quatre caves à travers le territoire de la wilaya, évidemment localisées dans la zone du Dahra. L’Oncv a réduit le nombre de caves habituellement ouvertes, mais, par contre, des investissements substantiels ont été consentis dans le domaine de l’équipement technologique et du matériel.




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