Algérie - Revue de Presse

Vagabondages d’un journaliste culturel




Vagabondages d’un journaliste culturel La librairie. La naissance de nombreuses maisons d’édition n’a pas suffi, il fallait s’y attendre, pour résoudre le problème du livre en Algérie. Plus problématique que la question de la qualité des textes et du coût de réalisation, l’incertaine commercialisation du livre, selon la loi du marché ainsi que la volatilité sinon le déclin du lectorat, apparaît comme le cauchemar récurent des éditeurs.   Alors combien sommes-nous à la fois émerveillé que surpris quand nous trouvons le délicat téméraire et le rêveur positif qui a osé investir dans une librairie, une vraie, c’est-à-dire celle où l’on ne vend que des livres. Une nouvelle librairie, une vraie, cette semaine nous en avons trouvé, alors que, dans notre flânerie, nos pas nous menaient au bout de la rue Larbi Ben M’hidi. Elle compensait son étroitesse par un bon arrangement et en ne vendant que des livres. On n’a pas encore accroché d’enseigne à son entrée mais elle portera, semble-t-il, le nom de ‘Librairie du troisième millénaire’. Le roman. Nous avons choisi de lire «Fusil d’octobre», un roman de Bouziane Benachour, auteur prolifique, qui, en une dizaine d’années, a produit un nombre considérable de textes entre pièces de théâtre, romans et essais. Malgré quelques faiblesses de style et la récurrence de tics du journaliste dans l’expression, Bouziane Benachour a su, avec la cadence paisible du conteur, un ton mesuré comme de pudeur, nous entraîner dans les quêtes obsessionnelles et les fantasmes des petites gens des quartiers bas d’Oran. Nous risquerions-nous trop en disant d’entrée que l’histoire du roman prend, à bien voir, le sens de la quête de l’homme de sa chose favorite, et symboliquement valorisante pour lui, en dépit de ce que fut son usage et du regard de la société sur elle? C’est la quête impossible qui fait prendre conscience à chaque homme de sa solitude parmi les siens. Le père Adda, sexagénaire, éboueur de métier, ex-garde communal, «patriote», et ancien de la guerre de 1973 au Sinaï, livre toutes les batailles pour récupérer son fusil que lui a confisqué la gendarmerie nationale, après que l’arme a occasionné accidentellement la mort de sa première épouse. Après maintes péripéties et moult gâchis dans sa vie, il apprendra (et par une lettre-réponse de l’Onu - surréaliste détours dans le récit-) que l’obstination de l’Autorité à garder son arme était justifiée par le fait que celle-ci était de fabrication israélienne. Cette histoire croise celle d’une amitié entre deux hommes aux passés diamétralement opposés: le père Adda et Ghoulim, un ex-terroriste maintenant repenti, amitié née à la faveur d’une même condition de vie. Elle croise aussi celle de Mouffok fils de Adda, jeune fossoyeur qui rêve d’aller en Espagne pour exercer le même métier. Bref, Bouziane Benachour nous dépeint là un bout de réalité d’une Algérie bloquée, toujours prête à éclater, où se cultivent des appétits indécents chez les uns, et chez les autres le ver rongeur de la schizophrénie et du non-sens. Non-sens de la paix même. Salman Rushdie. La distinction faite à l’écrivain S. Rushdie par la Reine d’Angleterre a suscité des remous au sein d’une certaine classe politique et une frange des populations musulmanes. Souvent chez ceux qui n’ont jamais rien lu de l’auteur, y compris «Les Versets Sataniques» pour lesquels la fatwa de l’Ayatollah Khomeïni le condamne à mort. Les intellectuels arabes, pour la grande part, gardent le silence sur la question. Alors qu’ils sont les mieux placés pour apporter les nuances nécessaires sur un sujet où, à bien voir, s’entremêlent de nombreux aspects d’une façon telle, que, laissée au non-dit, elle provoquerait d’inextricables dérives. Ils (ces intellectuels) sont surtout une fois de plus interpellés, concernés, car laisser passer, comme dans un acquiescement, une condamnation aussi insensée que médiévale serait ouvrir les portes à toutes les libertés aux appels aux meurtres contre tout un chacun, pour peu que celui-ci heurte la croyance d’un exégèse religieux parfois certes, nous le comprenons, blessé. Ces intellectuels ont, pour la plupart, vu pourtant plusieurs des leurs assassinés en conséquence de ce qui avait participé d’une condamnation, prononcée ou non, de même type et pour moins qu’une insulte à la religion. Nous pouvons condamner, mais dans les limites de ce que permet le droit moderne, les passages où il est fait offense au Prophète dans sa vie intime. Mais on ne peut nullement faire l’amalgame de dire qu’on a attribué au livre des qualités (car il y a bien qualité littéraire) que parce qu’il excelle dans l’offense. En revanche, même s’il convient de dire que Salman Rushdie n’est pas un écrivain dénué de talent, on est en droit de se demander si son talent est la seule raison qui justifie qu’il reçoive, et en ce moment précis, une telle distinction. Le doute, au moins, est permis sur l’intention des décideurs britanniques en la matière, car on sait, à l’observation des règles entourant l’octroi des prix prestigieux, que les démocraties occidentales ne détachent pas une action aussi chargée de symbole d’une stratégie globale et des autres enjeux du moment, en ayant à l’esprit que la politique est de cacher l’intention, de préférence par l’ambiguïté de l’acte par laquelle on la satisfait. Salman Rushdie, à la fois frappé d’une condamnation extrême (extrémiste, espère-t-on dire) du chef spirituel fondateur d’un régime que ces démocraties veulent discréditer en ce moment surtout, et écrivain non sans talent, se présente comme le moyen par lequel elles peuvent, via la culture, aggraver des confusions ou des divisions, envoyer des messages, imprimer des sentiments qui desserviraient, en dernière instance, tous les pays musulmans. Bref, le cas de Salman Rushdie ne relève ni du tout blanc ni du tout noir. C’est la moindre des vigilances à observer. Car dans le cas contraire, les intellectuels des pays musulmans feraient le jeu de ceux qui comptent sur leur naïveté ou leur passion de l’utiliser comme une arme qu’ils retourneraient contre eux alors qu’ils voudraient la brandir pour sauver leur culture. La mort. Nâzik Al-Malâika, poétesse irakienne est morte cette semaine. Triste fin d’une si grande dame qui meurt sur l’image de son pays, l’Irak, mis à feu et à sang. Nâzik El-Malâika fait partie des pionniers de la poésie moderne arabe tout comme son compatriote Es-Sayyeb. Née en 1923, elle s’annonça dans des recueils tels «L’amante de la nuit»(1942), «Eclats et cendres» (1949) et plus tard, «Stabilité de l’onde» (1975) comme une femme sensible, déchirée, n’hésitant pas à fustiger les mœurs rétrogrades de sa société et remettre en cause l’expression et la structure poétiques arabes. Nous cherchons ton image Nâzik, sous les décombres de Baghdad. La voilà! Nous la gardons comme celle d’un ange qui se lève.





Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)