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Une nouvelle "corrida" pour rien'



Une nouvelle
Ces entreprises qui étaient la fierté de l'Algérie et des Algériens avaient subi mille et une charges pour être casséesles milliards que l'Etat distribuait gracieusement étaient jetés par la grande fenêtre de nos désespoirs car ils n'avaient pas servi à grand-chose.Ce dimanche, au micro de la Chaîne III, Un ministre vient de faire un douloureux constat en rapport avec son secteur. Il s'agit du ministre de l'Industrie et le constat mérite sérieusement que l'on s'y attarde. Des paroles du ministre, il ressort clairement que les efforts incroyables entrepris par l'Etat pour réanimer et propulser les entreprises ont été vains et sans résultats. Autrement dit, toutes ces séries de réformes dont on nous chantait les vertus, tout cet argent versé à coups de bidons et tout ce temps passé à vouloir redresser ces entreprises publiques, ont été vains, perdus' De nos jours, il faut avoir du courage pour reconnaître une telle défaillance, et surtout présenter les choses comme elles se présentent.Constat d'un ministreDans la bouche du ministre, ces propos résonnent comme une accusation directe de ses prédécesseurs qui n'auraient rien fait pour sauver ces entreprises du cancer qui les menaçait depuis longtemps. Un cancer invasif comme disent les gens du métier et les malades qui en savent un bout. Et Bouchouareb n'a pas d'autres solutions que de déclarer engager le diagnostic vital de ces entreprises. C'est la mort certaine, laisse-t-il entendre, si l'on ne réagit pas de la meilleure manière qui soit.«Cette fois-ci, dit-il, on est condamné à que ce soit la bonne solution parce que c'est l'unique voie qui nous reste.» Le reproche à ses prédécesseurs est clair dans la bouche de l'actuel ministre. Il leur reproche de ne pas avoir su trouver la bonne solution et d'avoir passé leur temps à bricoler. Comme dans beaucoup d'autres secteurs. Il fallait le faire, il fallait le dire et voilà qui est fait. Et voilà qui est dit. Et après'Le ministre semble décidé à ne rien cacher. Il nous dévoile que, dans cette affaire d'entreprises, l'Etat aussi a agi en irresponsable, que les milliards que l'Etat distribuait gracieusement étaient jetés par la grande fenêtre de nos désespoirs car ils n'avaient pas servi à grand-chose.Le problème c'est que l'Etat, généreux à outrance, a tellement donné d'argent à ces entreprises qu'elles n'avaient pu tout consommer. Au bout de quatre ans, soutient le ministre «seuls 18% de ces financements ont été consommés».Le gaspillage n'a pas de limite, sinon ce ne serait pas du gaspillage! Et là, il y a lieu de lire entre les mots de Bouchouareb, que l'Etat n'a pas su gérer cette histoire d'entreprises. Cela aussi, il fallait le dire. Si vraiment «les sociétés de gestion des participations de l'Etat n'étaient pas adaptées pour porter de grands projets de développement d'où aller vers des groupes industriels», comme le dit le ministre, pourquoi alors a-t-il fallu attendre jusqu'à aujourd'hui pour le remarquer' Comment se fait-il que l'on ne se soit pas rendu compte avant ce jour que «l'organisation du secteur (...) n'était pas adaptée».Finalement, si l'on croit Bouchouareb, on comprend vite que les précédents responsables du secteur étaient, en fait, en train de brasser du vent ou, si on veut, ils ne faisaient que jeter l'argent du peuple au... vent! Cela aussi, il fallait le dire!La plupart des entreprises publiques, a tristement constaté le ministre de l'Industrie, sont plutôt des PME et, soutient-il, la nouvelle politique est de créer des «entreprises mères de taille critique qui pourront aller vers des entrepreneuriats avec de grandes entreprises étrangères». Ainsi, après mille et une opérations de déstructuration et de restructuration, après des années de destruction soutenue du tissu industriel, on vient nous dire, par la voix du ministre de l'Industrie, que les entreprises publiques ne valent rien ou presque dans l'état où elle sont actuellement. Quelle tristesse. Quelle désolation!Ces entreprises qui étaient la fierté de l'Algérie et des Algériens avaient subi, comme on le sait, mille et une charges pour être cassées. Elle avaient subi les humeurs les plus incroyables de tous les responsables de ce pays.Serait-il arrivé, enfin, le jour de leur donner le coup fatal pour les achever comme on achève un taureau qu'on épuise d'abord, lors d'une monstrueuse corrida' C'est l'impression qui se dégage lorsqu'on lit et relit l'interview de Bouchouareb. Une interview qui pose plus de questions qu'elle n'en résout en tout cas.Des questionsEn réalité, les pseudo-confidences du ministre de l'Industrie, n'apportent rien de nouveau. Il était de notoriété publique que nos entreprises ont, depuis les années 1980, fait les frais d'une mauvaise gestion par... l'Etat. Un Etat qui, à travers les pratiques de ses responsables, n'arrivait et n'arrive toujours pas à retrouver son chemin dans cette gestion, ce qui est tout à fait normal lorsque les nominations et les désignations à des postes aussi importants ne se font pas sur des bases sérieuses. mais la question qui se pose à ce stade c'est pourquoi a-t-on laissé faire' Pourquoi a-t-on laissé tuer ces entreprises'Lorsqu'on ne vient pas du monde des entreprises, on peut être induit en erreur facilement, mais il suffit d'ouvrir le premier manuel pour constater que la taille de l'entreprise a cessé, depuis très longtemps, d'être un handicap à sa bonne gestion ou à sa rentabilité, voire à la domination de son secteur. Au contraire, les études se rapportant à l'entreprise moderne affirment que la flexibilité dont bénéficie la PME est un atout de grande importance pour sa compétitivité et pour son maintien sur le marché. On dit aussi que les plus aptes à l'innovation, ce sont surtout les PME à cause, justement de la facilité de leur gestion. On soutient aux quatre coins du monde que les PME sont une source formidable d'emplois et de croissance. C'est ce qui explique le soutien remarqué et remarquable de tous les gouvernements du monde aux PME. Or que nous dit le ministre de l'Industrie' Que nos entreprises sont faibles parce qu'elles sont surtout des PME. Le raisonnement ne tient pas la route. Alors là, vraiment pas!On ne peut avoir la solution si on ne connaît pas le problèmeIl aurait été plus intéressant de nous dire pourquoi les entreprises publiques ne fonctionnent pas chez nous au lieu de nous faire un constat que l'on ne connaît que trop. Non, la question n'est ni une question de taille critique, ni une question de taille tout court. Et si tel était le cas, pourquoi les avait-on alors laminées, divisées, cassées en nous jurant que la grande taille n'était pas propice à leur gestion' Nous n'avons pas oublié! Non, pas du tout!Ces pauvres entreprises (et leurs cadres dont une partie connut la prison) étaient tels des animaux, traînés et ballottés, jusqu'à épuisement, dans l'arène des dix mille réformes et vingt mille restructurations par semestre. Elles étaient épuisées de courir de farce en farce, de mensonge en mensonge et de coup fourré en coup fourré... Pourquoi donc toute cette gesticulation, des années durant'La solution préconisée par le ministre de l'Industrie n'est pas la bonne. Elle ressemble en tous points à celles proposées, des années plus tôt, par ses prédécesseurs qui, en ce qui les concerne, avaient évité d'écorcher leurs prédécesseurs. Le problème des entreprises publiques en Algérie n'est pas un problème de restructuration. Il est temps que les différents responsables qui viennent à la tête de ce secteur comprennent enfin que, avant d'être autre chose, c'est d'abord un problème de gestion. L'Etat n'a pas trouvé ses marques dans cette affaire parce que les diagnostics établis ont tous été erronés ou biaisés. Si nos entreprises ont le cancer invasif, comme le laisse entendre Bouchouareb, il faut essayer de les soigner, de leur assurer une prise en charge adéquate. Il ne faut pas leur faire un faux bond, même si on en a l'habitude. On ne guérit pas un cancéreux en lui proposant un beau costume car ce sera un cancéreux dans un joli costume et qui, de surcroît, se moquera bien de nous! N'est-ce pas' Le ministre de l'Industrie semble avoir pris trop hâtivement la décision de réorganiser les entreprises publiques. Une telle décision nécessite beaucoup de temps si l'on veut réellement résoudre le problème de manière durable. A moins qu'il soit venu avec cette décision, toute prête, dans la sacoche et peut-on avoir la solution lorsqu'on ne comprend pas d'abord le problème'Le management des entreprises publiques est une préoccupation de tous les pays. Une préoccupation si importante qu'elle est portée par les milieux universitaires et académiques des plus simples aux plus prestigieux. Ce n'est pas mal que de parler de nos entreprises publiques, que de vouloir résoudre leurs problèmes mais si on garde le même et seul réflexe qui consiste à couper avec des ciseaux pour revenir recoller les morceaux pour ensuite repasser avec le sécateur à la main, on n'est pas sorti de l'auberge et l'on n'en sortira jamais car là c'est le cancer réellement et certains garderont sur la conscience, s'ils en ont une, la désintégration de cette source de richesse que nous avons transformée en source de problèmes.En attendant, nos entreprises publiques seraient parties pour une nouvelle corrida dans l'arène de l'inconscience.


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