Algérie - Revue de Presse

L?Algérie se transforme. Elle change et mute. Elle accouche, après plusieurs avortements douloureux, d?innombrables fausses couches et d?enfants jetés dans l?inexorable, envoyés par paquets vers l?incertain. Au-delà de la théorie, toujours réductrice, de ce pays bloqué qui avance en reculant et stagne en faisant d?incessants créneaux pour se garer, il y a la vie de tous les jours. Peut-être représentée par cette scène, par cet homme, la trentaine habillée, le debout pas très convaincant, mais pressé sans l?être, agité dans la posture du calme, coincé dans un carrefour des hauteurs d?Alger et qui attend un taxi. La circulation est infernale, comme tous les dimanches. Une jolie fille passe en 4X4 d?occasion, des écouteurs dans les oreilles, une musique que personne n?entend. Un jeune homme en Quad, cette moto à quatre roues dont l?existence était inconnue, traverse le carrefour, faussement stressé, mais réellement fier de son mode de transport. L?homme attend toujours son taxi et quand l?un d?eux passe, bondé, il jette quand même son bras. Pendant qu?un policier bon père de famille réglemente la circulation, un talkie-walkie dans une main et de l?exaspération dans l?autre, un cadre quadragénaire descend en scooter, une valise à documents sur le porte-bagage. Une vieille femme en voiture neuve s?énerve qu?elle ne passe pas. L?homme attend toujours son taxi. Bien sûr, Alger n?est pas l?Algérie. Bien, la modernité n?est pas dans le portable, mais dans ce qui passe à travers, c?est-à-dire ce qu?on dit dedans, la modernité étant une pensée avant d?être un appareil. Mais ce calme, nerveux mais serein, ce relâchement visible est significatif. Parce que cet homme qui attend son taxi l?a finalement trouvé, qui l?a emmené vers sa destination. L?heure de pointe passée, le policier, la jolie fille, le cadre et le jeune homme ont repris une vie normale.


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