Algérie - Revue de Presse

Un peuple devenu tellement mendiant !



Finalement,tout est question d'argent: quand on l'a, on a le Pouvoir. Et quand on l'a pas ? On prend la mer, ou on prend la position fatalede l'orphelin de l'indépendance. En Algérie - comme en Egypte, en Jordanie ouau Zimbabwe -, les grandes masses ne sont plus inflammables par les idées maispar l'odorat de la subvention, la rente. Tout est prétexte à la demande decrédits de l'Etat et les peuples l'ont bien compris: on obtient de l'argent parle bon vote, la casse, la menace, les troubles, la délation, la compromission, l'émeuteou le soutien. L'époque n'est plus aux révolutions mais aux révoltes. Les harraga savent bien qu'ils ne partent pas pour de l'argentou parce qu'ils sont chômeurs uniquement, mais parce qu'ils se sentent mal, nevivent pas, ne sont pas heureux et veulent changer de monde pour avoir accès aurire et à l'air et aux femmes. Mais face à l'Etat, ils s'arrangent pourapparaître avec les habits des victimes économiques et demandent à l'Etat laseule chose qu'il peut offrir: un pourcentage sur la rente. Des émeutiers àGhardaïa ont cassé leur village pour un pétard lié à une tribu elle-mêmeannexée à un courant rituel religieux.Lemélange a permis de masquer la violence pure de l'ennui et de la vacance en luidonnant les habits d'une menace de confrontation idéologique élaborée. Lerésultat: des représentants de la région demandent à l'Etat plus d'argent pourdévelopper le coin et une part de la rente pour calmer les soifs.Unhomme se pend, se tue, se brûle: Jean-Paul Sartre peut expliquer le geste parl'impasse de sa vision du monde; mais les parents du mort, ses voisins, lesnotables du coin et quelques associations des environs seront unanimes pouraccuser l'Etat de ne pas avoir donné assez d'argent au malheureux, c'est-à-direaussi à eux. Pourquoi les Algériens sont-ils devenus aussi honteusementmendiants ? Parce qu'il n'y a rien d'autre à faire: l'Etat est devenu trèsriche en ne faisant rien, autant faire comme lui et demander de l'argent au nomde sa propre nationalité. L'Etat distribue l'argent et ne crée pas l'économie, autantprendre sa part ou partir. L'Etat ne paye que ceux qu'il achète ou ceux qui lemenacent, autant se vendre dans sa vieillesse et casser durant sa jeunesse. Larègle de base est que lorsqu'un peuple n'a pas de but,il reste toujours le butin. Après l'indépendance, les Algériens ont mis trenteans à s'apercevoir que s'ils ne reprennent pas les armes, même contre eux-mêmes,ils vont crever d'ennui et mourir sans avoir eu la chance de connaîtrel'obésité ni le sens plein de la vie brève, ni le martyr ni la pension.Sansun cycle serré de maquisards, de victimes, d'orphelins, de vétérans, d'invalideset de pupilles, l'histoire risque de finir par une dispersion consensuelle. Etsans la course au butin, le jeu du blessé imaginaire, celui de la victime etcelui du caïd, il n'y a rien à manger sur ce sol. Le peuple ayant été tellementassisté qu'aujourd'hui il ne tient plus debout tout seul et ne peut plusexpliquer son réel que par ce que l'Etat lui donne ou ne lui donne pas. Dans cejeu-là, les partis, les idées, les projets de démocratie, les livres sereins etbeaux et les quêtes de sens n'ont plus rien à faire et ne sont collectionnéspar personne de sensé.



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