Algérie - A la une

Un palmarès à défendre



L'heure de véritéOccupant la première place depuis cinq ans, cette wilaya compte rester sur le piédestal de l'enseignement en Algérie.Ce matin, à Tizi Ouzou ils seront 22 215 candidats à défendre un palmarès détenu par la wilaya depuis près de cinq années successives. Les prédécesseurs ont certes placé la barre très haut, mais les lycéens qui s'apprêtent à rejoindre les bancs d'examens ne sont pas moins prêts pour le grand défi. Celui de garder la première place du classement des wilayas à l'échelle nationale.Première place depuis cinq années successives à l'examen du baccalauréat et à l'examen du brevet de l'enseignement moyen (BEM), la wilaya de Tizi Ouzou ambitionne de rester sur le piédestal de l'enseignement en Algérie. Et au vu des préparatifs, tout indique que les conditions d'une réussite à l'examen du bac sont réunies. Le chargé de communication de la direction de l'éducation, Mohand Tachaâbount, a signalé à L'Expression que les conditions sont réunies pour un bon déroulement de l'examen qui s'étale sur plusieurs jours.L'école et la familleL'école du village, comme la famille, joue un rôle prépondérant dans la préparation de l'examen. Pour sonder de plus près le climat de préparation, nous nous sommes rapprochés des élèves et de leurs parents. La préparation va bon train d'abord, en famille, puis dans des classes ouvertes au niveau des écoles du village et du quartier. A travers beaucoup de villages, les lycéens se regroupent pour préparer les examens, faire des exercices et réviser en s'entraidant. Nous avons même rencontré des cas où les enseignants d'un village se portent volontaires afin d'aider les futurs candidats après le dîner. En effet, l'école du village, c'est d'une certaine façon les cours payants des pauvres. C'est l'entraide villageoise pour pallier les frais supplémentaires.«Je préfère réviser en groupe avec mes amis. Cela me permet de bien comprendre ce que je n'ai pas pu comprendre avec mon prof. Ici l'élève qui n'a pas compris trouve un autre pour lui expliquer. Réviser en groupe dans l'école du village, c'est super», explique Samir, lycéen qui s'apprête à passer le bac maths. Pour sa part, Ali, président d'un comité de village révélera que les candidats ont eu à leur disposition la maison du village qui fait office de lieu de révision durant la soirée. «Ici, dans la 'Djemaâ'', nos enfants peuvent réviser en s'entraidant mutuellement. Celui qui est fort en maths aide ses camarades et celui qui est fort en une autre matière fait pareil. C'est ainsi que l'on peut aussi pallier l'incapacité de beaucoup de parents à aider leurs enfants», explique-t-il.Aussi, nous avons trouvé des villages qui se sont mobilisés durant toute l'année pour offrir aux élèves les meilleures conditions leur assurant une année scolaire paisible. Mettre à la disposition des élèves la «Djemaâ» ou maison où les villageois se réunissent pour réviser est une preuve que la société est foncièrement désireuse de l'instruction. Une tendance qui s'est manifestée depuis plusieurs siècles. Durant les années noires du colonialisme et la misère qu'il a fait régner, le paysan a su tirer la seule chose qu'il a pu, l'instruction.Cette année encore, les lycéens et collégiens comptent sortir vainqueurs de ce défi. Le classement instaure cet effet de challenge entre les élèves. Beaucoup considèrent qu'il est positif pour que les élèves donnent le meilleur d'eux-mêmes.«Moi, personnellement, je ne suis pas d'accord avec le classement. Je ne suis pas convaincu qu'il ait un effet positif sur le rendement de l'élève. Bien au contraire.Le candidat doit aborder l'examen comme une étape incontournable vers l'avenir qu'il souhaite», affirme Ali, ancien instituteur en retraite. Son ami, Saïd, également enseignant partage son avis tout en avançant une argumentation.«Regardez ce que sont devenus les bacheliers de la wilaya de Tizi-Ouzou durant les cinq dernières années. Ils se sont clochardisés dans une université en proie à tous les problèmes», explique-t-il. «Tout à fait d'accord, moi qui ai eu le bac il y a deux ans, je n'ai pas pu faire les études que j'ai toujours souhaitées. Je n'ai pas pu rejoindre l'université que j'espérais. Je reste à Tizi Ouzou victime des grèves qui m'ont empêché de passer les examens de fin d'année. L'étudiant de la dernière wilaya au classement a eu une année meilleure que moi. Au diable ce classement», tonne un étudiant en sciences économiques de l'université Mouloud-Mammeri. Une autre partie voit ce classement comme un héritage. L'ancienne génération qui a reçu l'instruction dans les années quarante et cinquante considère en grande partie que ses enfants ont le devoir d'être les meilleurs. Du temps de la grande misère, l'instruction était sacrée pour la famille kabyle. Cela doit être pareil, voire plus à présent que les moyens sont à leur disposition. «Nos enfants doivent être les meilleurs. Avec les moyens qu'ils ont, les études sont aujourd'hui une chance, mais aussi un devoir. Nous étions dans la misère et nous avons», affirme un père qui doit avoir dans les soixante-dix ans. Il parlait bien évidemment dans la période coloniale.L'excellence«Vous avez fait l'école de façon rudimentaire. Combien parmi vous pouvaient passer le bac. Ce n'était pas des études que vous faisiez, mais des cours d'alphabétisation qui se terminent souvent par un certificat bidon», rétorque un jeune lycéen. «Avec nos certificats bidon, nous savions écrire et lire mieux que vous»; le débat illustrait parfaitement la différence de vision de l'école entre les générations. Jadis, les études étaient sacrées, respectées car elles permettaient de sortir de l'ignorance. Aujourd'hui, les études ne sont plus considérées comme des clés à l'emploi.Notre virée parmi les lycéens nous a également permis de découvrir que l'université de Tizi Ouzou fait peur. Aujourd'hui donc, à quelques jours de l'examen fatidique, les élèves de la wilaya de Tizi Ouzou affichent l'espoir de décrocher le sésame avec excellence. Un espoir qui se conjugue hélas avec peur et angoisse non pas de l'examen, mais de l'avenir à l'université. Beaucoup affichent un certain découragement avant l'heure.«J'ai tellement envie d'avoir mon bac, mais je ne voudrais en aucun cas être affecté à l'université de Tizi Ouzou. On a la chance d'avoir son diplôme avec une dizaine d'années en retard», affirme Karim. La peur des grèves incessantes et de la sur-politisation de cette université prestigieuse pousse beaucoup de candidats de la wilaya à espérer des affectations dans d'autres universités du pays. Nos conversations avec les élèves des lycées ont également soulevé la nécessité de revenir à l'ancien système de répartition des futurs étudiants.Beaucoup dénoncent la ghettoïsation de l'Université algérienne. Les universités ne doivent pas prendre en compte la situation géographique des bacheliers qui fait que les étudiants de chaque wilaya restent dans l'université la plus proche. «Je ne vois pas pourquoi, les universités dans chaque wilaya accueillent les étudiants les plus proches.L'Algérie est vaste et elle appartient à tous les Algériens. Regardez Cambridge, Harvard. On y rencontre le monde entier. Chez nous, l'université de Tizi Ouzou devient de plus en plus comme un village. Laissez les Algériens se rencontrer et se connaître au lieu de préparer le lit des séparatismes les plus obscurs», crie Salah, candidat au bac.
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