Algérie - 08- La guerre de libération

Un lieu, un nom: Rue des soeurs Benslimane : symboles méconnus du militantisme féminin oranais



Il y a quelques années, une institution scolaire aux environs du lycée Pasteur a été baptisée « Les soeurs Benslimane ». Cette manifestation de reconnaissance n'a fait, en fin de compte, qu'épaissir l'opacité entourant ces deux figures oranaises. Leur nom, donné depuis très longtemps à une rue du centre-ville, ne les a pas prémunies de sombrer dans l'anonymat. Très peu d'Oranais connaissent la trajectoire de ces deux femmes, qui ont offert leur jeunesse à la guerre de Libération nationale. Pour dire les choses plus simplement, elles n'ont pas bénéficié du même intérêt, de la part de la télévision nationale, entre autres, que les poseuses de bombes, par exemple. Pourtant, toutes les deux sont mortes au champ de bataille, les armes à la main. D'autre part, les ramasser toutes les deux sous leur nom patronymique est un déni en soi. L'une se nommait Saâdia et l'autre Houaria. Elles sont, certes, issues des mêmes parents, mais chacune d'elles avait sa propre personnalité, sa propre trajectoire aussi bien dans la vie que dans la mort. Pour preuve, l'une était mariée et mère de trois enfants, alors que l'autre était célibataire. La première est Saâdia. Donc si on venait à comparer, son sacrifice était plus important que celui de sa soeur, puisqu'elle avait été amenée à quitter mari et enfants pour rejoindre le maquis de la zone six de la wilaya cinq. Commençons par ce qui réunit ces deux femmes, en dehors de leur beauté et de leur nom de famille. Elles sont nées toutes les deux à Oran, Saâdia en 1937 et Houaria en 1935. Elles ont passé le clair de leur jeunesse dans le quartier de Carteaux, habités par une forte population européenne, notamment espagnole et maltaise. Les autochtones, c'est-à-dire les Algériens, étaient pour la plupart soit des badissistes ou des militants du PPA-MTLD jusqu'au déclenchement de la guerre de Libération nationale où ce clivage s'est estompé de lui-même. Les badissistes ont établi une seconde médersa dans ce quartier portant le nom El-Hayat, devenue actuellement une mosquée portant toujours le même nom. Une figure du mouvement islahiste a enseigné dans cette médersa : il s'agit de cheikh Saïd Zemouchi. Saâdia et Houaria ont fréquenté cette école. Mieux encore, leur père a contribué à la construction de cet établissement scolaire malgré son appartenance au mouvement radical du PPA-MTLD. Ses deux filles s'étaient vite imprégnées de l'esprit des badissistes qui encourageaient les créations théâtrales, sous forme de sketches, pour sensibiliser les populations et promouvoir le discours réformiste. D'ailleurs, c'est lors d'une représentation qu'un jeune, acquis lui aussi à la cause nationaliste, remarqua Saâdia. Tombé amoureux d'elle, il ne tardera pas à demander sa main. Ayant l'esprit ailleurs, elle refusera l'offre et menaça de mettre fin à ses jours en absorbant de l'eau de javel, nous raconte sa fille Samira. Mais elle finira par se soumettre à la volonté paternelle. Mais forte de caractère, son mariage ne l'empêchera pas de creuser davantage sa voie de militante. Après l'arrestation des membres de l'OS, les deux soeurs prendront part aux manifestations de rue. Elles récidiveront en 1953, à la veille du déclenchement de l'insurrection armée, juste après les élections municipales de mai. Après 1954, chacune des deux soeurs se retrouvera dans un réseau particulier. Belle et passant facilement pour une européenne, Saâdia assumera dans un premier temps le rôle d'agent de liaison avec les moudjahidine de la wilaya cinq, zone six. Assimilant les techniques de communication de mise à cette époque, elle les reproduira plus tard à son compte quand elle rejoindra le maquis et s'installera dans le PC de sa zone d'activité. Sa fille garde jalousement un message rédigé de la main de sa mère, adressé au docteur Rahal lui réclamant des fortifiants et lui demandant de prendre soin de ses enfants. Avec quelques photos et des souvenirs épars, l'unique patrimoine qu'elle a de sa mère. Trop maigre pour une fille qui a fini par intérioriser l'absence de sa génitrice et appeler sa grand-mère « Mma ». Parmi les souvenirs atroces qu'elle garde toujours, elle cite la descente en pleine nuit des soldats français venant chercher sa mère, épreuve qui a duré des mois et des mois. Son activité engagée sera vite découverte par la police coloniale, Saâdia sera recherchée par la police. Elle décida de monter au maquis. Elle appliquera avec brio le slogan de l'ALN affirmant sa capacité de pouvoir frapper les armées du colonisateur n'importe où et n'importe quand. Elle mènera des opérations à Saïda quand Bigeard était en poste dans cette région avant son rappel pour diriger l'opération de liquider le FLN-ALN dans la zone autonome d'Alger. Saâdia décèdera dans un combat, le 28 mars 1961. Sa famille, notamment sa fille ignore tout sur les circonstances de la mort de sa mère. Selon des dires, elle est morte les armes à la main et enterrée avec son treillis. Elle récuse fortement la thèse du rôle d'infirmière assumé par sa défunte mère. Après l'indépendance, le mari, sur la base d'informations de certains paysans de la région de Ghriss, a récupéré des ossements supposés être les restes du corps de son épouse pour les enterrer au cimetière d'Oran, au carré des martyrs, l'autre privilège obtenu par la famille de cette chahida. La trajectoire de Houaria est moins sinueuse. Avec son réseau, elle sera victime d'une délation. Son groupe sera encerclé dans une demeure se trouvant à la rue de Damas à Cité Petit. Refusant de se rendre, le groupe sera décimé. C'était en septembre 1957. Pour venir à bout des membres de ce réseau, l'armée française n'hésitera pas à employer l'artillerie lourde. Houaria sera enterrée elle aussi à Aïn El-Beïda, cimetière recevant les morts de la guerre de Libération nationale. Cette version ne coïncide pas avec celle affirmant que Houaria est morte ensevelie dans la maison encerclée par l'armée française. Beaucoup de zones d'ombre enveloppent encore la trajectoire de ces deux martyrs. Reconnaissant implicitement que c'est une tâche qui dépasse ses capacités, Samira caresse un unique rêve : celui de reconquérir la demeure familiale se trouvant au 8, rue de Fey à Carteaux pour ressusciter les souvenirs de son enfance. Quant à sa mère et sa tante, elle sait qu'elles appartiennent à toute la nation algérienne. Pourvue que celle-ci se décide de les déterrer de l'oubli où elles gisent et de leur accorder la place qui leur revient...


ca fait vr plisir de lire c artc de c 2 cousine Allah yahamhoume
benslimane sidiahmed - emp au CHU de Tlemcen - tlemcen, Algérie

27/11/2010 - 8697

Commentaires

ça fait plaisir de lire un article sur les soeurs Benslimane, c'est mes cousines et il fallait leur rendre hommage et à tous ceux qui ont participé à la guerre d'Algérie et c'est grâce à ces gens que l'Algérie nous appartient. Merci encore pour cette publication
Benslimane Naîma - Secrétaire de gestin - Montréal
13/07/2009 - 3785

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