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Un joint pour trouver la "spiritualité"




Un joint pour trouver la
«Pour moi, le kif pendant le Ramadhan est quelque chose de sacré»Cette tendance, les consommateurs s'improvisent «apprentis imams», pour la justifier par le fait que le kif est une «djanaba qui part après une douche et n'annule pas le Ramadhan, contrairement à l'alcool qui ne doit plus être consommé 40 jours avant le mois sacré».Deux cuillerées de «chorba» et un demi-«bourek» plus tard, les jeunes se précipitent vers les ruelles de leur quartier pour commencer leur «sahra» (soirée). Toutes sortes d'excitants sont au menu! Tels que le thé, le café, la cigarette et le narguilé. Mais plus la soirée avance, plus cela ne leur fait plus d'effet. Ils passent alors au niveau supérieur qui est la... «zetla». Ils cherchent alors les coins isolés de la «houma», loin des regards indiscrets pour pouvoir s'adonner à leur dangereuse passion. Redouane est l'un deux. Assis tout seul derrière un arbre, nous allons le rejoindre pour le voir à l' «oeuvre». Tout heureux en nous voyant, il se lève pour nous faire la bise avant de rouler un joint et de nous le proposer. Redouane, qui semble être au 7e ciel commence alors à nous parler de ses soirées hallucinogènes... «Pour moi, le kif pendant le Ramadhan est quelque chose de sacré», assure-t-il. «C'est devenu une tradition bien ancrée comme le «bourek, la chorba, la zlabia» ou encore le «kalbelouzze», ajoute-t-il, avec un long rire qui prouve que la «zatla» commençait à faire son effet. Voilà que son ami Zak arrive. Il tire lui aussi sa panoplie pour préparer son «Bob» (surnom donné au joint par les jeunes en référence à Bob Marley). Ces jeunes profitent de ce moment «d'intimité» pour se raconter leur journée de jeûne. Ce qui nous surprend de suite: ils font Ramadhan avec conviction, mais se droguent le soir. Est-ce compatible' N'y a-t-il pas un paradoxe dans l'histoire' Le Ramadhan n'est-il pas annulé par la drogue' «Non, non le kif est une «djanaba qui part après une douche et n'annule pas le Ramadhan contrairement à l'alcool qui ne doit plus être consommé 40 jours avant le mois sacré, car l'alcool reste dans le sang pendant 40 jours. Ces 40 jours sont ainsi considérés comme étant la durée minimale pour éliminer toute trace d'alcool dans le sang, le corps est après purifié», répondent ces «apprentis imams» qui préparaient «religieusement» un autre joint. Mais, c'est sans doute cette ambiguïté d'une interdiction non explicite qui pousse à la substitution de l'alcool par du haschisch, vu qu'il n'y a pas de verset clair sur le sujet. Ce qui pousse certains, comme Redouane et Zak, à faire des «autofetwas».Le kif à défaut...d'alcoolPartant de cette idée, les habituels consommateurs d'alcool se tournent vers le haschisch, ce qui pourrait expliquer que la vente de produits stupéfiants augmente pendant le Ramadhan. Les grosses saisies de drogues durant le Ramadhan sont la meilleure preuve de cette sur-consomation.Le Ramadhan est donc un mois béni tant pour les croyants que pour les dealers. «Les jeûneurs se tournent vers ces produits hallal pour compenser l'absence d'alcool, ce qui fait que la consommation de haschisch et de psychotropes augmente au cours du mois de jeûne», rapporte Omar, un compensateur d'alcool avec le «haschich». Mais ce n'est pas seulement par respect au Ramadhan qu'ils abandonnent la bouteille pour le joint. «Déjà pendant la semaine qui précède le Ramadhan, trouver de l'alcool en vente relève d'une mission impossible. En revanche, les vendeurs de kif et de psychotropes fleurissent dans la rue pendant le mois du jeûne. L'alcool manquant, la demande de drogues augmente», souligne Omar un joint dans une main et des cacahuètes dans l'autre. Il est presque minuit, après presque deux heures de discussion non-stop où il a «grillé» cinq joints, les réserves sont finies! Il fouille ses poches, ne trouvant aucun sou. Mais l'envie est trop forte. Que faire alors' Il va quémander chez ses amis comme un véritable clochard. Il a fini par se procurer 400 dinars. «200 dinars pour la «kemia» (dose) et 200 dinars pour se remplir l'estomac», fait-il savoir. «Le kif donne faim», dit-il pour expliquer sa halte chez le rôtisseur du coin. Le ventre plein, Omar est prêt pour la guerre... Direction donc son dealer que l'on nommera Amine. Dès son arrivée, Omar serre la main de son ami pour lui faire passer l'argent en toute discrétion. Ensuite, c'est au tour d'Amine de serrer la main de Omar pour lui faire passer sa dose de kif avec autant de discrétion. Comme ils sont de bons amis, Amine accepte non sans insistance de nous raconter ces soirées ramadhanesques des plus «épicées».Parole de dealersAmine nous confirme que ses rentrées doublaient durant le mois sacré. Il explique que la hausse des ventes est évidente, mais n'est pas seulement due aux fumeurs habituels qui ne dépassent leur dose quotidienne que rarement. «Il y a ceux qui fument pendant le Ramadhan par tradition et pour pouvoir passer les longues soirées au 7e ciel», atteste Amine. «Et il y a ceux qui fument pour compenser le manque d'alcool», ajoute-t-il en avouant que le business est très juteux. «En plus on n'hésite pas à faire monter les prix. Les consommateurs sont capables de payer rubis sur l'ongle pour avoir leur dose», poursuit-il. En somme, les dealers sont de véritables hommes d'affaires qui s'y connaissent en économie. Ils appliquent ainsi l'une des règles élémentaires de la macroéconomie: la loi de l'offre et de la demande. Quand la demande augmente, les prix suivent. «On fait même dans la spéculation en jurant qu'il y a un manque sur le marché», garantit-il avec un clin d'oeil qui en dit long.D'autre part, Amine tient à souligner le fait que les psychotropes et l'héroïne avaient également du succès pendant le Ramadhan, même si ce n'est pas autant que le kif.Avant de le laisser vaquer à ses «occupations», nous l'interrogeons comment il explique cette nouvelle tendance qui est la consommation du kif pendant le Ramadhan. Amine éclate de rire: «Nouvelle tendance. Vous me faites rire. Çela a toujours existé», atteste-t-il. «Je me souviens, mon grand-père passait ses soirées chaâbies à la Casbah avec son petit joint de kif», se remémore-t-il. «C'est juste que c'est tabou. En plus, avant ils consommaient discrètement et avec modération contrairement aux jeunes de maintenant», conclut Amine que nous laissons en train de vendre son poison à un adolescent. La spiritualité de ce mois de piété, les jeunes la puisent donc dans les...joints!


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