Algérie - A la une


L'imposante manifestation ? une véritable marée humaine ? organisée hier devant l'Assemblée populaire nationale (Apn), boulevard Zighoud Youcef, pour dénoncer le bradage des richesses naturelles du pays à travers le projet de loi sur les hydrocarbures, qui porte l'empreinte des grandes compagnies pétrolières internationales, de l'aveu même du ministre de l'Energie, a réconcilié les Algériens avec les luttes pour la réappropriation et la défense de la souveraineté nationale détournée au profit d'intérêts claniques.Depuis le départ de Bouteflika, le gouvernement et les cercles de décision ont fait montre d'un volontarisme ahurissant, enchaînant les décisions de nomination et de fin de mission dans les institutions stratégiques, les actions populistes électoralistes de distribution de la rente par la relance des programmes de relogement, des dossiers de développement dans le Sud et les Hauts-Plateaux, à l'instar du dégel du financement des hôpitaux, de revalorisation des pensions pour les handicapés?
Chargés d'expédier les affaires courantes, le chef de l'Etat par intérim et le gouvernement, bien que souffrant d'un déficit de légitimité populaire, se sont octroyés des prérogatives étendues pour lesquelles ils n'ont pas été mandatés par le peuple. La révision de la loi sur les hydrocarbures, qui fait la part belle aux grandes majors de l'industrie pétrolière, aura été la goutte qui a fait déborder le vase du hirak, dont le combat, depuis le mouvement du 22 février, est placé sous le signe de la reconquête de la souveraineté nationale par le peuple et de la défense des richesses du pays contre les tentations criminelles des prédateurs d'hier et d'aujourd'hui.
En programmant ce projet de loi sensible presque à la sauvette, dans le climat de désordre général dans lequel se trouve le pays, les pouvoirs publics ont sans doute pensé que l'initiative allait passer comme une lettre à la poste, dans l'indifférence totale des Algériens trop préoccupés par leur quotidien, entre les marches du hirak, les difficultés de la vie et l'angoisse de l'incertitude des lendemains.
Le sursaut patriotique des Algériens affiché hier de manière éclatante devant le Parlement, dans la continuité des slogans exprimés avec force lors des marches populaires de cette semaine dans le sens du rejet du projet de loi sur les hydrocarbures et des réactions de vive et large réprobation ayant enflammé la Toile, se voulait un message fort au pouvoir pour lui signifier que «le pays n'est pas à vendre», comme le clame la pancarte d'un manifestant.
Les scandales de l'affaire Sonatrach qui n'ont pas encore révélé tous leurs secrets du fait de l'étouffement de ces dossiers par le clan bouteflikien ont resurgi dans la mémoire collective à la faveur de la révision de la loi sur les hydrocarbures. Aujourd'hui, presque un demi-siècle après la nationalisation des hydrocarbures, si la gestion de Sonatrach et du secteur des hydrocarbures d'une manière générale fait débat et polémique dans la société, particulièrement en cette période de vaches maigres, où le pays est menacé de cessation de paiement, cela montre tout l'enjeu de la rente pétrolière dans l'exercice du pouvoir en Algérie.
Le fait que le réexamen de cette loi intervienne en ce moment précis, alors que les dénonciations commencent à fuser des capitales étrangères contre les violations des libertés et le refus du système de répondre aux aspirations des Algériens à la démocratie, a rendu très étroite la marge de man?uvre du pouvoir.
Un soutien politique extérieur pour la survie du système dans ces moments troubles de doute vaut bien, en contrepartie, quelques champs pétrolifères bon marché ! Sauf que depuis l'avènement du hirak, la donne a fondamentalement changé : le baril de pétrole peut se transformer dangereusement en baril de poudre, si le droit du peuple à disposer souverainement de ses richesses naturelles continue à être ignoré par de vils marchandages politiques et la vision rentière de l'exploitation des ressources énergétiques du pays par les pouvoirs publics.


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