Algérie

Tribunal criminel de Béjaïa


Où est passé le grossiste du quartier Seghir ? Pour la direction des impôts de Béjaïa, Abdelfetah est un grossiste en alimentation générale qui a une grosse dette fiscale. Il lui est redevable d?une somme d?argent. Abdelfetah ne se souvient plus de la première fois où il a mis les pieds à Béjaïa. C?était il y a longtemps, par une journée d?été. Pour le lui demander, le juge devait parler dans le microphone. A soixante-quinze ans, il n?y a pas que sa mémoire qui lui joue des tours. Une otite chronique et un tympan perforé l?ont rendu dur d?oreille. Pour entendre ce que lui dit le procureur, il doit traîner les pieds jusque devant lui, le regard rivé au sol pour voir où mettre ses pas. Il est venu d?El Aâmaria, dans la wilaya de Médéa, où il vit d?une « maigre » pension de retraite depuis 1994. Pourtant, il est accusé de fraude et d?évasion fiscales. Pour la direction des impôts de Béjaïa, Abdelfetah est un grossiste en alimentation générale qui a une grosse dette fiscale. Il lui est redevable d?une somme d?argent que l?on ne peut réclamer qu?à un gros bonnet ou à une grosse pointure du commerce : 642 millions de dinars. « De quoi construire et équiper deux hôpitaux », estime le représentant du ministère public. « Je n?ai jamais quitté El Aâmaria et je n?ai jamais fait de commerce de ma vie », répond-il au tribunal qui est devant une situation ubuesque : un vieux retraité à l?allure pitoyable avec des pièces du dossier d?incrimination qui portent pourtant sa signature, le numéro de son permis de conduire. « Je n?ai jamais eu de permis de conduire », répond simplement l?accusé. Mais, la direction des impôts a, en sa possession, un registre du commerce en bonne et due forme, une déclaration d?existence, des actes authentiques notariés, tous au nom de l?accusé. « Je n?ai rien signé et je ne suis au courant de rien, jusqu?à ce mandat d?arrêt », répond-il. Depuis la plainte déposée par l?administration des Impôts en 2003, beaucoup de monde a cherché après lui. On ne le trouvera pas jusqu?à ce qu?il se constitue prisonnier, après qu?il eut fait l?objet d?un mandat d?arrêt. C?est d?après des factures d?achat établies par l?ONAB, dans divers endroits du pays, que l?administration des impôts a retrouvé sa trace. Pour cet organisme, il est grossiste depuis 1997. Depuis 2000, toutes les notifications de redressement fiscal envoyées à l?adresse mentionnée sur la déclaration d?existence lui seront retournées, car il n?y a point de grossiste de ce nom au quartier Seghir, ni à Ighil Ouazoug, là où théoriquement devrait se trouver le siège social de l?entité commerciale. Deux contrats de location ont bel et bien été signés chez un notaire ainsi qu?une procuration établie par « l?accusé » pour son fils. « Je n?ai rien signé. Je n?ai pas vu mon fils il y a au moins 7 ans », se défend tranquillement l?accusé. Le fils a-t-il trahi son père ? Et ces actes notariés ? Alors, « le notaire ment-il ? », demande le juge. C?est à peine si le vieillard entend la question. Le tribunal finira par le déclarer innocent. Mais reste la question de savoir qui est donc le vrai grossiste de la cité Seghir ?
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