Algérie - Revue de Presse

Travailleuses, travailleurs !



La Fête des travailleurs, que le monde entier célèbre, n'a plus en Algérie la force et la pertinence d'antan. Les slogans d'égalitarisme, de solidarité, de mobilisation syndicale ne résonnent plus avec l'impact des années «socialistes» qui faisaient rêver les «masses laborieuses», les jeunes et les moins jeunes. Le panorama socioéconomique actuel se caractérise essentiellement par l'éparpillement et le peu d'organisation des forces sociales à même de conduire un développement durable, une croissance régulière en dehors de la rente des hydrocarbures et par un encadrement de plus en plus avachi que n'assure plus le syndicat officiel. L'érosion indiscutable et accélérée du pouvoir d'achat, le laminage des couches moyennes, la fuite des élites vers des espaces respectueux et enrichissants, la dégradation des services publics comme la santé et le système éducatif mettent des inquiétudes et de vrais questionnements quant à l'avenir. L'économiste Jean Gadrey écrit : «Dès qu'il s'agit d'évaluer la qualité et la durabilité du développement, des jugements de valeur interviennent et des acteurs sociaux multiples doivent être partie prenante du processus de mise au point des indicateurs». Ces derniers, dans notre pays, relèvent de l'opacité, les statistiques officielles sont considérées suspectes sinon relèveraient du «secret d'Etat». L'écologie dans la vie quotidienne, dont pour le développement et l'économie n'est pas encore un souci gouvernemental global. Dans de grands pays, on se dirige vers le cacul du PNB qui prend en charge «le capital social et le capital naturel». (En Algérie, les gouvernants évitent soigneusement d'évoquer une éventuelle croissance plus ou moins planifiée, sachant que l'agriculture est en perdition accroissant, une dépendance dont les dangers ne sont pas réellement estimés à leur juste dangérosité. La recherche scientifique, véritable moteur d'une économie placée au coeur de la mondialisation, n'est abordée que dans des îlots dispersés ou par des chercheurs qui ne cessent de tirer la sonnette d'alarme. Les élites nationales, dont certaines sont pointues et reconnues dans de grands pays développés, ne sont pas recensées à l'individu près et personne au Parlement et au gouvernement n'est capable d'élaborer un projet, une loi, des niveaux de rémunération concurrentiels avec ceux pratiqués en Europe et au Canada. Comment alors et avec qui insérer, intégrer dans un mouvement rigoureux de va-et-vient avec notre diaspora éclairée par la science et le savoir. La croissance, le pouvoir d'achat, le logement, la qualité de l'environnement et des salaires, les transports urbains bloqués au moindre passage d'un cortège officiel sont aujourd'hui pour un véritable développement durant. Or, des débats publics, transparents, sérieux et courageux ne sont nulle part envisagés en impliquant l'opposition composée d'Algériens égaux avec ceux de la majorité, les syndicats autonomes de l'administration et tous ceux qui ont quelque chose à dire. Le «travailleuses, travailleurs», s'ils s'est évanoui, heureusement, n'a cependant pas cédé la place à la culture de la négociation qui est systématiquement refoulée et différée au profit d'une gestion autoritaire, administrative et rentière. Nos entreprises privées et publiques, à part quelques grands groupes, naviguent dans un système chaque fois remis en cause mais où s'installent des oligarchies étatiques qui tournent parfois le dos à l'économie de marché, au social et à la mondialisation. Les «travailleuses» et les «travailleurs» inscrits dans des champs maghrébin, méditerranéen qui se préparent dans tous les cas à étudier l'Union pour la Méditerranée» pour laquelle, experts et chercheurs s'expriment dans la presse et les médias. Chez nous, un Chef de gouvernement, un mini-conseil n'ont pas trouvé mieux que d'aller «suivre» un congrès de l'UGTA alors que dans la Tunisie voisine, il y a près de 23 % de femme à l'Assemblée nationale. Un congrès qui a juste reconduit des appareils sur fond de psychodrame pour savoir qui sera le n° 2, 4 ou 19. Ceux qui travaillent et qui vivent chaque coût de la vie s'éloignent de plus en plus des «crises» préfabriquées autour d'un remaniement de la Constitution ou du gouvernement. La fête des travailleurs de cette année ressemblera à celle des années précédentes, officielle entre «amis» presque à huis clos, et derrière, il y a le chômage qui touche énormément de jeunes. Y a-t-il des associations de chômeurs aidés et structurés avec l'aide de juristes de retraités pour avoir un fichier national, un suivi, une allocation de soutien jusqu'à la réinsertion par le travail et la dignité retrouvée ? En ce 1er mai, personne ne peut nier la série d'émeutes et de violences qui ponctuent chaque année la vie du pays, les exils vers la mort dans un monde où les pays riches, à juste raison, se protègent de tout et cherchent tous la croissance et le progrès. Et pourtant, beaucoup de choses peuvent être faites rapidement, mais elles sont d'ordre démocratique, donc politiques. Une opposition intégrée et consultée, des syndicats puissants et indépendants, une société civile frondeuse et des élites écoutées sont assurément les seuls garants pour un front national capable de résister aux puissants. Les discours et les décisions consanguins ne peuvent produire que des fractures, des rancunes et des violences. Et le temps qui passe, un monde où certains pays visitent les planètes et les profondeurs de la mer. Qu'ont-ils de plus ces pays à chaque 1er Mai ? Les libertés et la démocratie.
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