Algérie

Toponymie insensée




Se déplacer à travers les artères d?Alger en empruntant le transport commun privé vous donne un aperçu sur le langage toponymique que l?usage a fini par établir. Pour situer les arrêts facultatifs qui parsèment une localité, un lieudit, un bourg, un faubourg, le receveur vous édifie sur les dénominations, on ne peut plus bizarroïdes, des différentes haltes. Le quidam a du mal à saisir le sens qui surprend par son aspect insolite. Des repères qui sont propres pour désigner des portions de territoire dont l?acception, parfois, est sans perspective, sinon insignifiante. Autrefois, la toponymie puisait des cultures en présence dans la région. Elle empruntait sa règle d?un univers descriptif et imagé pour désigner le plus précisément possible les lieux en osmose avec l?environnement immédiat, contrairement à nos lugubres cités platement désignées par le nombre de logements. Clair Matin, Clairval, Jolie Vue, les Sources, Frais Vallon, Mont Riant, Beauséjour, Beaufraisier, Bel Air, Les Vergers, Deux Bassins sont entres autres références qui épousaient joliment le cadre de vie des gens. Aux temps présents, la désignation d?un endroit fait exhumer la verve insensée qui n?est pas sans effrayer la raison. La commission de toponymie semble ne plus exercer sa compétence en la matière. Ce qui laisse la place à l?imagination qui s?inscrit dans l?air du temps. Le receveur s?en inspire à sa guise pour affubler les lieux de passage qu?il sillonne de noms que la corporation des transporteurs en commun a fini par adopter dans son calepin lexical. Le long de la desserte, le voyageur entend le receveur claironner le corpus de vocables au ras des pâquerettes : el hadjra (la pierre), etchina, (l?orange), (Sonacob), el viradje (le virage), dodana (dos d?âne), placca (la plaque), el gharqâ (la gadoue) et autres dénominations qui n?ont ni queue ni tête. Dans la foulée, il n?est pas déplacé de souligner que l?information ne semble guère vitale au niveau de l?Etusa, dont les supports abribus ne disposent ni de charte graphique ni visuelle des points d?arrêt. Dans un autre registre, certaines appellations officielles donnent le haut-le-corps, à l?image de la gare routière du Caroubier censée véhiculer l?image du confort, mais nos bien-pensants n?ont trouvé mieux que de la baptiser Bastion des grands invalides de guerre, au même titre que le tram futuriste d?Alger au design fluide, auquel on a préféré lui apposer la dénomination des Fusillés, dont la résonance est non moins macabre.
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