Algérie - Métiers disparus ou en voie de disparition


Lorsqu'on évoque la ville de Tlemcen, l'image qui vient subitement s'imposer à l'esprit reste incontestablement celle des monuments et sites touristiques témoins de civilisations diverses, mais au-delà de ces repères Tlemcen renfermait autrefois un panel d'activités qui la distinguait des autres villes du pays. Depuis le moucharabieh en passant par le tissage jusqu'au travail du tapis, tous ces métiers ont donné à la ville un cachet bien particulier.
Néanmoins, et faute d'une réelle prise en charge, ces vieux métiers ont commencé progressivement à disparaître. A Tlemcen, chaque quartier était réputé par son métier au point où des ruelles de Tlemcen étaient carrément associées au savoir-faire des hommes. On trouve derb Essabanine (les tanneurs), derb El Hlaoua (travail de la confiserie), derb el Fkharine (travail du cuivre), bab El Quarmadine (le travail de la tuile), derb El Hadjamine (les rebouteux), tout ces métiers étaient liés à l'histoire de la ville. Mieux encore, par le passé, il y avait des métiers qui faisaient la fierté de la ville et qui ont malheureusement complètement disparu. On pense dans ce contexte au métier du « Tchatchah », celui qui a pour tâche de cuire et de désosser la tête du mouton dans les fours des bains maures chauffés au bois, le marchand de vaisselle ambulant qui troquait les ustensiles de cuisines avec les vieux habits. Le défunt BA AHMED était très connu à Tlemcen pour cette activité. Sans se rendre compte, il rendait d'énormes services aux mères de familles qui n'avaient pas les moyens d'aller à derb Sidi Hamed pour faire leurs emplettes. Dans le vieux quartier de Rhiba proliféraient à loisir ces activités. Le vieux four banal était détenu par l'increvable Ami Boufeldja ; il avait une drôle de façon de dire argent ; par son défaut de langue, il disait shwalda. De l'autre côté Ami Omar vendait le gratin de pois chiche, connu sous l'appellation de karenne, au moyen d'assiettes ; des enfants venaient acheter des quartiers de ce gratin tout en comptant sur la générosité de ami Omar qui leur offre une abassiaa, des morceaux qui sont localisés au coin du plateau. Il y avait le métier de puisatier ; dans le quartier de Rhiba, c'était un vieux marocain qui draguait les puits domestiques. Le pauvre, il se contentait d'un bon repas et de quelques pièces d'argent. Mais les vieux Tlemceniens se rappellent surtout du métier de kasdirou où ces artisans sillonnaient la ville de Tlemcen pour réparer et souder les ustensiles en cuivres, notamment les plateaux, les cafetières, les théières etc… Ce vieux métier a complètement disparu. Muni d'un braséro plein de charbon, d'un souffleur et de tiges en aluminium, cet artisan rendait également d'énormes services aux ménagères et aux humbles familles qui vivaient leur pauvreté dans la dignité. Mais les plus nantis se rendaient chez Filizola, un Italien qui tenait un atelier à Elmderesse. Oui, les gens étaient pauvres mais très dignes. Pour se soigner, la majorité d'entre eux se rendaient chez Elfoudiyadis, un médecin Grec de la rue de Bab el Djiaed, qui ausculait gratuitement les plus démunis.
Les Tlemceniens se rappellent également de ami Charif, à derb el Messoufa, qui fait office tantôt d'arracheur de dents, tantôt de coiffeur et tantôt, il assurait la circoncision des petits enfants. Pour seuls moyens il n'avait qu'un local, un taboutet, des ciseaux et un autoclave. Au coin de sa bicoque, il y avait un canari dans une cage pour distraire les petits enfants ramenés par leurs parents pour la circoncision. Dans la rue de Hart Erma, le valeureux Diden tient toujours son four traditionnel. Tôt le matin, il arrive sur les lieux, découpe le bois, nettoie l'intérieur de son four et attend les galettes de pain ramenées par les enfants pour la cuisson. Le soir, il remet aux familles pauvres tout le brasier dans un bidon pour se chauffer durant les rudes journées d'hiver. La veille de l'Aïd, il faut jouer des coudes pour avoir une place pour la cuisson des gâteaux traditionnels. Une odeur agréable se dégage des entrailles du four. Dans les vieux quartiers, il y avait également la vente des confiseries ; qui se rappelle de halwat kilomètre ? Les carrosses des crémiers sillonnaient superbement la ville. Ami Benyounes, du quartier de Boudghène, vendait du jus de citron en été et des pois chiche cuits à la vapeur en hiver, connus à Tlemcen sous l'appellation de Hamas Kemoune. Quant à Bendefou, dit Charlot, la vente des livres de bandes dessinées était sa seule ressource pour vivre. Tout ce décor a disparu pour laisser place à la médiocrité, où la fainéantise a pris le pas sur la rigueur, et l'oisiveté s'est érigée en système. Il est bien loin le temps où les vieux métiers faisaient vivre des familles entières.
Les vieux métiers étaient également une fierté des Tlemceniens. Les grandes figures artistiques de Tlemcen étaient des érudits de l'artisanat, à l'image du cheikh Larbi Bensari, Abdelkrim dali, Boubeker, Benzerga, Ahmed Mellouk,…etc. L'ancienne équipe de football de la JSMTlemcen était créée par les artisans babouchiers. Les Blaghdjia, c'étaient en 1939 avec les défunts Chalabi, Ksentini, Hmiri, Khaled Benabbou, Chtouki, Zaouceh, les frères Zerga pour ne citer que ceux-là.
Aujourd'hui, Tlemcen commence à perdre sa beauté et sa splendeur, donne la nette impression de se ratatiner comme une peau de chagrin.


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