Tiziri yuker yiḍ : (L’éclipse)
Mon premier roman en Tamazight !
Il s’agit d’un voyage narré en cinq parties et 25 chapitres, le périple d’un jeune couple parisien de parents Kabyles venu se ressourcer sur la majestueuse montagne du Djurdjura durant les derniers jours de septembre ! C’est le temps des figues charnues et des fêtes rituelles pittoresques, c’est surtout un été indien inattendu qui permet les sorties nocturnes, les randonnées sur les hauts pâturages d’Azru N Thur, à 2000 m d’altitude. C’est un voyage pluriel dans les profondeurs culturelles de la paysannerie kabyle encore accrochée à la lande ingrate, qui ne nourrit plus ses enfants ! Tiziri, le personnage principal de ce long roman de près de 300 pages est une artiste qui a un secret intime : après des années de mariage avec Khaled, elle n’a toujours pas d’enfants alors qu’elle approche de l’âge fatal ! Elle fera une introspection fine du monde féminin et se confiera aux montagnardes monolingues encore pétries de cosmogonie ancienne et de magie rituelle révélant les profondeurs de l’âme tourmentée par des destins indicibles ! Le couple parisien rencontrera sur place Kader, un journaliste travaillant pour une équipe de l’UNESCO, dans la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel des derniers paysans du Djurdjura ! Le trio sondera les tréfonds du corps social paysan pour y remonter les réflexes ataviques, les rites festifs liés aux lointaines origines, les cicatrices des affrontements culturels contre les multiples envahisseurs et leurs langues écrites dominantes ! Malika, une journaliste freelance travaillant pour la presse américaine, se mettra de la partie.
Une introspection sans concession
Ecrit dans une langue amazighe accessible, avec un style recherché, et un recours pertinent à l’usage de la métaphore, le roman est agréable à lire ! Hamid Bilek, le correcteur des textes en tamazight de la maison d’édition Imtidad, confiera à l’auteur : ‘’ J’ai commencé la lecture avec l’objectif de corriger les erreurs, le texte m’a accroché et je n’ai pas pu lâcher le roman jusqu’à sa fin ! C’est une œuvre bien construite, la langue est très belle, l’intrigue est originale, loin des images d’Epinal ‘’. L’auteur qui ne recourt ni aux emprunts, ni à la pratique excessive des néologismes, déterre un lexique encore en usage chez les femmes monolingues, ne connaissant que la langue Kabyle agraire et écologique, loin de l’influence des médias ! L’auteur est sans concession ! Ce roman n’est pas un guide touristique des majestueux villages du Djurdjura, mais une critique des travers sociaux et éthiques du patriarcat, notamment en ce qui concerne le sort réservé à la femme, de son jeune âge à la réclusion de ses dernières années de vie. L’intrigue portée par un foisonnement de personnages complexes, émotionnellement captivants, tous aussi singuliers les uns que les autres, est construite autour de la démystification d’une image de la Kabylie, ”société démocratique et moderne”, vendue par les politiciens et combattue par les nostalgiques du féroce patriarcat ancestral marié au salafisme islamique transnational.
Une fine maitrise de Tamazight
Le roman nous surprend par la grande maitrise de la langue amazighe de l’auteur, il faut dire que Rachid Oulebsir, Docteur en sciences économiques, ayant rompu avec le milieu universitaire, vit parmi les paysans depuis 1980, partageant leurs rituels, leurs joies et leurs peines. Tiziri Yuker Yiḍ, son premier roman en sa langue maternelle, après une trentaine d’ouvrages en langue française, (Romans, essais et recueils de contes), nous reconcilie, par sa qualité esthétique et son impact culturel, avec la grande littérature.
C’est un roman qui offre par le truchement de personnages engagés contre les travers du patriarcat et les dérives néocoloniales de la mondialisation, une lecture inattendue de la société paysanne en pleine mutation, impactée par une modernité spécieuse, cachant les reptations d’un féroce intégrisme religieux. Après « Les derniers Kabyles », un roman qui identifie les ultimes ressorts culturels de la société paysanne de Kabylie, Tiziri Yuker Yiḍ, est le roman d’une société en déshérence qui regarde douloureusement ses enfants la fuir, bravant la mort en haute mer, pour une survie en marge des sociétés occidentales en crise.
TIZIRI YUKER YIḌ Paru aux éditions Imtidad en ce mois d’Octobre 2025
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté par : imekhlef
Ecrit par : rachid imekhlef
Source : TIZIRI YUKER YIḌ Paru aux éditions Imtidad en ce mois d’Octobre 2025