Algérie - ferroudja

"Timlilit" Le premier "opus de Tamazghra" composé par ferroudja




"Timlilit" Le premier "opus de Tamazghra" composé par ferroudja



Interview
Ferroudja dont les mélodies sont chacunes toutes plus belles que lune et que rose fascine par le travail entrepris dans la recherche des patrimoines berbères. Seule avant elle, la grâce de Taos Amrouche avait pu faire réveiller ainsi les chants anciens. Son idée était de regrouper les différentes variantes de la langue amazighe dans un seul album et de faire revivre ce patrimoine musical universel avec une touche moderne. Désormais, une étape est imaginée, un long fil se déroule pour les générations futures. Un exploit qui n'est pas que technique ni vocal mais qui nous fait réaliser qu'il faut si peu de choses pour que la force des peuples amazighs soit un jour réunifiée.

Ses chants lui ont causé bien des ennuis. Elle aurait pu envisager une toute autre carrière, pourtant elle continue à défendre les causes auxquelles elle croit. Telle une Miriam Makeba qui chantait en zoulou, en zhoxa, en tswana, une nouvelle diva est née en Afrique en Nord, quelque part dans le berceau de Djurdjura au village d'Imezgharen. Son album qui vient de sortir en cette fin avril 2009 après un an d'attente en maison de production est exceptionnellement le premier qui réunit autant de sonorités que de langues berbères à la fois.

Ferroudja en tenue de femme touarègue

Pouvez-vous vous présentez aux internautes, d’où vous venez et qui est Ferroudja ?

Je m’appele Ferroudja SAIDANI, née dans le berceau de Djurdjura au Village Imezgharen, Commune de Frikat dans la daira de Draa-El-Mizan (Tizi-Ouzou), où j’ai grandi jusqu’à l’âge de 13 ans. Ensuite je suis parti sur Alger où j’ai pu apprendre pas mal de chose notamment la couture.

L’école m’a fait défaut certes, mais j’ai réussi à apprendre à lire et écrire en Tamazight et mettre mes idées et ce que je ressens sur papiers. Je suis auteur compositeur, mon premier album est sorti en 1996.

Pour ceux qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous nous parler de votre parcours artistique et comment êtes-vous arriver dans ce milieu ?

Dès mon jeune âge, j’écoutais la radio dont beaucoup d’émissions de poésie et politiques. Ensuite j’ai eu l’occasion de participer en tant que poétesse à plusieurs émissions à la chaine II, ce qui m’a encouragé à apprendre et comprendre beaucoup de choses sur notre culture amazigh et du coup d’intégrer le milieu de la chanson.

Vous considérez-vous comme une artiste poètesse, une chanteuse ou une militante berbère ?


Je préfère laisser le soin au public et à ceux qui ont écouté mon travail de me juger.

Vous faites un travail magnifique et un devoir de mémoire très intéressant pour les futures générations dans le domaine du patrimoine berbère à travers Tamazgha, pouvez-vous nous en parlez ?

Pour moi, c’est le devoir de chacun de nous de travailler et de continuer à protéger ce patrimoine, de le faire revivre, de l’améliorer et le transmettre aux futures générations à travers Tamazgha et toute l’Afrique du Nord.

Pourtant vous êtes une chanteuse discrète et pas assez médiatisée, pourquoi ? vous avez une magnifique voix vous-a-t-on sollicité pour chanter du non-stop ?

Certes, mais ce n’est pas facile pour un artiste de faire tout lui-même. En réalité pour finaliser un travail, il doit y avoir tout une équipe derrière et chacun fait son travail… malheureusement chez nous c’est le contraire qui se passe surtout pour ceux qui font de la chanson à texte.

En ce qui concerne le non stop j’ai été sollicité, mais je ne suis pas faite pour ça. Je respecte aussi ceux qui chantent ce genre car on peut faire de la chanson rythmique ou non stop sur des sujets intéressants avec de belles paroles et transmettre des messages importants pour notre jeunesse.

Beaucoup vous connaissent pour la beauté de vos textes souvent engagés et porteur de message, que pouvez vous nous dire sur cela et quel public voulez-vous toucher par vos textes ?

Ce que je chante dans mes textes est ce que je vis dans notre société, ce qu’endure notre peuple qui a vécu des événements tragiques avec un système qui tourne depuis 1962. Ce qui me fait mal est de voir nos intellectuels quitter le pays, de voir cette jeunesse confrontée au chômage, à la drogue, l’alcool et le suicide, sans oublier la pauvreté qui s’installe et d’autres facteurs qui poussent les jeunes vers l’intégrisme malgré les richesses que possèdent notre pays.

Pour le public, mon seul souhait est de voir différentes générations écouter mes textes.

D’autres disent de vous que vous êtes une artiste engagée et une militante qui travail dans l’ombre comme l’ont êtes les regrettés Brahim IZRI et Mohya, qu’en pensez-vous ?

Il y a beaucoup de militants qui travaillent dans l’ombre. L’essentiel est de continuer le combat et atteindre notre objectif pour lequel plusieurs générations ont payé un très lourd tribut.

Ceux qui ont écouté votre dernier album ont été fascinés par le travail que vous avez fait, notamment dans la recherche des patrimoines berbères et parfois même la résurrection des chants anciens de certaines régions berbère…Votre analyse sur cela ?

Mon but est de regrouper ces différentes variantes de la langue amazighe dans un seul album et de faire revivre ce patrimoine musical avec une touche moderne.

On a un patrimoine artistique très riche, d'une région à une autre on trouve différents styles de musique et rythmes, pour les jeunes artistes c’est important de travailler ensemble sur ce patrimoine pour sauvegarder les anciennes chansons en voie de disparition. J’essaie toujours d’apporter un plus dans mon travail car la musique est le meilleur moyen de communication entre les imazighen et il est temps de communiquer dans notre langue maternelle et dans cet album il suffit d’écouter pour comprendre qu'il n'y a pas une grande différence entre les variantes.

Pouvez-vous nous parler de votre dernier album et de vos futurs projets et de vos objectifs ?
Concernant mon dernier album réalisé en 2008, j’ai travaillé avec des artistes de différentes régions berbérophones (musiciens et poètes).

Cet album intitulé TIMLILIT contient huit titres chantés avec différents dialectes de la langue berbère et différents genres de musique à savoir : Kabyle, Chenoui, M’Zab, Tachelhit, Chaoui, et Targui.
Timlilit évoque la rencontre entre ces différents dialectes de la langue berbère et différents genres de musique avec un message d’espoir pour que la langue tamazight trouve sa place en Algérie et en Afrique du nord.

Mon objectif c’est la lutte contre l’injustice culturelle et sociale et l’identité amazighe.

Comment avez-vous appris les différents dialectes berbères ? Avez-vous étudié ces langues ?

En ce qui concerne les dialectes berbères pas vraiment d’étude profonde, mais ce que j’ai pu apprendre c’est beaucoup plus par des recueils de poésies et à travers les rencontres culturelles dans le mouvement associatif car je me rends souvent dans ces régions.

On retrouve en vous des similitudes avec le groupe Djurdjura, pouvez-vous nous en parler et quels ont été vos repères et symboles dans la chanson kabyle et l’histoire des berbères ?

Oui, peut être même si ce n’est pas le même style musical… quand je travaille je pense toujours à ces grands noms qui ont tant donné à la chanson kabyle et algérienne à titre d’exemple: Groupe Djurdjura ,
Matoub Lounès, Taous Amrouche et Farid Ali. Pour moi, ils sont mes repères.

Concernant l’histoire, Dihya et Fadma N’Soumer, deux femmes qui ont vécu à différentes époques, mais qui ont mené le même combat pour la liberté !! Elles sont des exemples et des symboles pour la femme tamazight d’aujourd’hui.

Dans votre premier album en 1996, vous avez été l’un des premier artistes sinon la première à rendre hommage à Matoub avant même sa disparition pourquoi ?

Dès mon jeune âge je fus éloignée de mes parents, MATOUB était tout pour moi un père, un frère, un ami et un repère à travers son parcours artistique.

En 1990 j’ai écrit un texte intitulé Amaghnas (le combattant) où je lui ai rendu hommage, il faut rendre hommage aux militants et gens courageux lorsqu’ils sont vivants. Aujourd’hui, j’ai très mal depuis son assassinat, mais Matoub reste toujours un symbole pour tous ceux qui luttent pour la liberté et la démocratie où qu’ils soient….

En 2003, vous avez préparé un album qui traitait des événements du printemps noir, pourquoi n’est-il pas sorti sur le marché ?

Cet album n’est pas sorti sur le marché en raison des thèmes qu’il contient.

Je vous reprends une phrase d’un éditeur qui m’a dit « votre album contient beaucoup de sujets politiques et pour une voix féminine ça ne marche pas ». Pour moi, cet album restera un témoin de cette période dans laquelle on a vécu des événements tragiques qui a couté la vie de 126 martyrs et des milliers de blessés.

Que pensez-vous du niveau de la chanson kabyle actuellement ?

La chanson kabyle est vaste. Actuellement je peux dire qu’elle se porte bien, car ils y a des jeunes artistes qui font un excellent travail dans des genres très différents.


Etes-vous soutenue dans tout ce que vous faites pour votre culture ?

Oui, il y a toujours un soutien de la part de mes amis et des personnes qui sont dans le même domaine que moi, parce qu’on partage les mêmes idées et le même combat même si parfois il y a des moments très difficiles mais grâce à eux que j’arrive toujours à les traverser.

En tant que femme, n’est ce pas difficile de faire passer votre message ?

C’est le combat de tous les jours. La femme chez nous est avancée dans pas mal de domaines mais il reste beaucoup de choses à faire.


Que pensez-vous du rôle qu’on joué les grandes divas de la chanson kabyle dans l’émancipation de la femme et dans le combat identitaire ?

Un grand rôle : Elles ont cassé beaucoup de tabous et grâce à elles les choses ont changé pour notre génération. A titre d’exemple, Taous Amrouche a écrit, recueillie et enregistré une grande partie des chants du patrimoine de nos ancêtres afin qu’il soit transmis aux futures générations, cela est un grand combat pour notre culture et notre identité.

Vraiment un grand hommage à ces grandes dames de la chanson kabyle.

Quels sont vos artistes préférés et vos genres de musiques préférés ?

J’écoute tous les genres et différents styles de musique. Un artiste ne doit pas se limiter et doit écouter ce que font les autres pour s’améliorer et apporter un plus à son travail.

Chaque artiste à sa touche mais je préfère ceux qui disent les choses et qu’on trouve sur le terrain.

Votre avis sur les programmes de la maison de la culture Mouloud Mammeri ces derniers temps ?
Il y a un programme du ministère de la culture pour des échanges culturels entre des wilayas au niveau national et même étranger.

Je trouve que c’est une bonne chose et c’est bien de s’ouvrir sur d’autres cultures mais il faut toujours privilégier notre culture et promouvoir nos artistes et faire connaître nos hommes et nos femmes de culture au public, surtout que cette maison porte le nom du père de la culture amazigh Mouloud Mammeri.

Votre analyse sur Tamazight en Afrique du Nord en général et en Kabylie en particulier ?

Tamazight en Afrique du nord : une chose qui n’est pas facile suite aux mélanges culturels ainsi que la modernité et la technologie.

Il faut qu’il y ait une prise de conscience chez les peuples berbères car il est important pour un être humain de connaître et d’avoir ses repères dans la vie. Aussi il faut une volonté politique de la part des gouvernants de ces peuples et surtout un travail des intellectuels et des chercheurs pour développer et faire avancer cette langue qui est une langue comme toutes les langues du monde. Il suffit de la promouvoir et de mettre les moyens à sa disposition pour qu’elle puisse trouver sa place dans le monde actuel qui est devenu un village planétaire.

La Kabylie a toujours été à l’avant garde du combat pour cette langue, maintenant on attend son officialisation en Algérie pour mettre fin à certaines pensées qui veulent casser et ignorer carrément le combat mené par plusieurs générations.

Aura-t-on la chance de vous voir un jour en tournée en France ?

Peut être un jour, pourquoi pas, je l’attends moi aussi.
Le mot de la fin à tous ceux et celles qui auront l’honneur de vous lire à travers le monde…

Un grand courage à tous ceux qui luttent pour la paix, la liberté et démocratie à travers le monde.

Un grand azul à tout le monde.


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