Algérie - 01- Généralités


Timgad
Timgad est une ville du Nord-Est de l'Algérie située dans la wilaya de Batna dans les Aurès, surtout connue pour les vestiges de la ville romaine de Thamugadi à côté de laquelle elle est fondée. C'est un site archéologique de premier plan. La ville romaine, qui portait le nom de Thamugadi (colonia Marciana Traiana Thamugadi) dans l'Antiquité, a été fondée par l'empereur Trajan en 100 et dotée du statut de colonie. Il s'agit de la dernière colonie de déduction en Afrique romaine. Bâtie avec ses temples, ses thermes, son forum et son grand théâtre la ville, initialement d'une superficie de 12 hectares, finit par en occuper plus d'une cinquantaine. La ville, au vu de son état de conservation et du fait qu'on la considérait comme typique de la ville romaine, a été classée au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO en 1982.

Historique de la ville

La dernière colonie de déduction en Afrique

C'est en 100 que Trajan fit procéder à la fondation de la cité par la Troisième légion Auguste et son légat Lucius Munatius Gallus[1]. Les habitants de Timgad avaient donc tous la citoyenneté romaine et furent inscrit dans la tribu Papiria. La colonie pris le nom de colonia Marciana Traiana Thamugadi : Marciana rappelle le nom de la sœur de Trajan et Thamugadi, nom indéclinable et non latin, est vraisemblablement le nom indigène du lieu. On ne sait pas cependant s'il y avait déjà une agglomération africaine sur place : la fondation romaine se déploya cependant comme si elle se trouvait en terrain vierge. Le plan initial de Timgad, quadrangulaire et géométrique atteste de cette fondation suivant les principes des gromatici, les arpenteurs romains. La rigueur de la planification de l'espace urbain fit que Timgad est souvent cité comme exemple de ville romaine, il serait toutefois erroné de généraliser à partir de son cas : les plans de villes romaines avaient d'abord pour principe de s'adapter au terrain et aux contraintes du lieux, le parfait déploiement quadrangulaire de Timgad n'est pas une règle, et la colonie légèrement antérieure de Cuicul présente un plan moins régulier. La forte régularité du plan initial a donc parfois conduit à penser que Timgad avait pu être un camp militaire avant d'être une ville, la fondation coloniale réutilisant le tracé des cantonnements militaires : cette hypothèse n'est pas prouvée et rien n'indique que Timgad ait pu servir de camp provisoire à la troisième légion Auguste. La fondation de Timgad prend cependant pleinement son sens lorsqu'on la replace dans l'histoire des déplacements de la légion africaine. La déduction de la colonie se trouve en effet entre la première installation d'une cohorte légionnaire à Lambèse, en 81, et l'installation définitive de toute la légion vers 115-120. Si Timgad est remarquablement bien situé, il faut reconnaître au site de Lambèse une meilleure position stratégique.

On a donc souvent vu dans la fondation de Timgad un objectif d'abord purement militaire. Il faut cependant très fortement relativiser la protection militaire que pouvait apporter une colonie de vétéran : passé les premières années les habitants ne pouvaient guère fournir une force militaire particulière. En revanche la colonie pouvait avoir un rôle militaire indirect : elle pouvait constituer, à terme, un milieu de recrutement pour la légion voisine et surtout par ses productions agraires - céréales et olives - assurer une partie non négligeable de son ravitaillement. Enfin l'installation de la colonie de Timgad a longtemps été conçu en fonction d'une image erronée du massif de l'Aurès à l'époque romaine. On pensa en effet souvent, jusque dans les années 1960-1970, que le massif n'avait pas été pénétré par Rome, et qu'en conséquence il avait constitué un foyer de rébellion et une menace, à l'instar d'autres périodes de l'histoire, et l'on interprétait le dispositif militaire romain comme l'encerclement du massif. Les prospections archéologiques et l'analyse des photographies aériennes menées par Pierre Morizot ont apporté un démenti à cet image[2] : l'Aurès était cultivé, occupé par un habitat dispersé et la présence militaire y était faible et très ponctuelle. L'archéologie révèle donc une montagne tranquille, sans troubles sérieux, à la vocation essentiellement rurale, à la richesse modeste, mais ouverte à la romanisation et plus tard à la christianisation. Une partie du massif - la vallée de l'oued Taga - appartenait donc au territoire de Timgad et constituait un piémont aux productions complémentaires des terroirs céréaliers plus proches de Timgad : olive, bois et petit bétail. La fondation de la colonie de Timgad ne peut donc pas s'expliquer en terme de nécessité militaire, mais participe plutôt de l'exploitation du territoire provincial et de son maillage par des espaces civiques conçus comme l'effigie du peuple romain[3], dans le cadre de la politique volontariste d'un empereur soucieux d'expansion. Timgad toutefois fut le dernier cas de déduction de vétérans, et par la suite les nouvelles colonies ne furent plus qu'honoraires, c'est-à-dire un titre conféré à une cité sans apport de population romaine

Le territoire de la cité

Une ville romaine n'est pas concevable sans sa campagne. Longtemps négligées par l'archéologie, difficile à appréhender avant la mise au point de techniques de prospections à grande échelle les campagnes des villes romaines sont longtemps restées mal connues. C'est pourtant de son territoire que la cité tirait ses richesses, et de ces richesses dépendaient le dynamisme des notables qui la dirigeait. Paul-Albert Février a proposé une reconstitution de la composition du territoire de Timgad afin d'évaluer la répartition de la propriété agraire sur sa superficie [4]. Il en ressort l'image d'un territoire finalement assez étroit : 1500 kilomètres carrés, 150 000 hectares qui n'étaient pas tous exploitables car des reliefs importants existent dans cet espace. à l'ouest en effet le territoire était assez vite limité, au bout d'une quinzaine de kilomètres, par celui des voisines, Lamafundi et Verecunda. à l'est la situation est similaire et le territoire de Mascula devait se trouver à une vingtaine de kilomètres. Au nord, sur environ 25 kilomètres, les recherches ont révélé un système de centuriations sans doute lié à la fondation de la colonie avec un parcellaire régulier témoignant d'une mise en valeur soignée. Au nord-ouest la plaine révèle des ruines nombreuses et donc une densité d'occupation importante. Toutes ces terres n'appartenaient pas à des particuliers. Au contraire une superficie importante appartenait à l'empereur. Ces domaines impériaux, répartis en au moins trois ensembles, étaient gérés par un - ou plusieurs - procurateur affranchi à qui il revenait de louer les terres et de les faire fructifier. La cité comptait environ 280 décurions qui devaient y posséder une superficie minimale, si l'on tient compte des propriétés des gens ordinaires et d'éventuelles possessions par des étrangers à la cité on ne peut imaginer que le territoire était dominé par de nombreuses grandes propriétés : les habitants du territoire de Timgad n'étaient pas de gros exploitants.

Le bastion du donatisme

Au quatrième siècle la cité se christianise. Si la réfection du capitole montre le maintien des traditions polythéistes et leur vivacité dans les années 360, la table de patronat d'Aelius Iulianus, ornée d'un chrisme montre clairement l'adhésion forte d'une partie au moins des notables les plus importants de la cité à la nouvelle religion[5]. La christianisation se fit cependant d'abord dans le contexte troublé d'une division entre chrétiens : Timgad constitua une des places fortes du schisme donatiste qui bouleversa la religion chrétienne en Afrique au quatrième siècle. Si dès son origine le donatisme était fortement lié à la Numidie, Timgad se distingua surtout lorsque l'église schismatique dut affronter une opposition de plus en plus forte de la part des catholiques et du pouvoir impérial. Dès 388 Optat, l'évêque donatiste de Timgad, rallie des circoncellions et s'appuie sur eux, ainsi que sur la complicité du comte d'Afrique Gildon pour imposer ses vues. Il est dix ans durant, selon Saint Augustin le gémissement de l'Afrique[6]. Cet évêque "chef de bande"[7] est finalement arrêté à la mort de Gildon en 398 et finit sa vie en prison. Mais même après la conférence de Carthage de 411 les donatistes de Timgad ne rendent pas les armes et vers 418 leur évêque Gaudentius s'enferme dans son église face au tribun Dulcitius, menace de s'immoler par le feu si on cherche à l'extraire de son église et polémique avec Augustin par courrier interposé[8].


Vandales, Maures et Byzantins : l'abandon de la ville

L'installation d'un royaume vandale en Afrique, après 429, fut le point de départ d'une série d'affrontements qui déterminèrent la fin de Timgad. L'Aurès fut occupé sans doute assez rapidement par les Vandales, et il semble que Genséric ait voulu se réserver la région. L'occupation fut cependant de courte durée. La région de l'Aurès fut attaquées par les Maures qui prirent possession du massif au plus tard en 484 : Timgad fut prise et évacuée afin qu'un ennemi ne puisse s'y installer. La reconquête maure se fit au dépend des habitants de la ville et des Libyens romanisés du massif[9]. Il ne faut pas pour autant imaginer l'anéantissement radical de la ville et de toute activité : les murailles furent rasées et les habitants déportés selon Procope de Césarée, mais l'archéologie révéle que l'activité agricole se maintenait et que "dans la ville elle-même subsistait une vie précaire"[10].

La reconquête byzantine, à partir de 533 changea à nouveau la situation de la région. Les généraux de Justinien entreprirent la reconquête de l'Afrique, devant vaincre d'abord les Vandales puis les Maures révoltés, en particulier Iabdas, le chef des Maures de l'Aurès. C'est le patrice Solomon qui est chargé de mener une campagne contre lui, campagne qui nous est en partie connue grâce à Procope. Timgad, que Procope décrit comme une ville détruite, semble avoir été une base de cette campagne. Ce n'est toutefois que lors de sa seconde campagne, en 539, que Solomon laissa des traces claires de sa présence puisqu'il fit construire le fort byzantin toujours visible sur le site. Ce puissant fort faisait partie d'une opération de fortification plus vaste visant à garantir la région contre une nouvelle attaque des Maures, Procope nous apprend en effet qu'outre Timgad, quatre autres villes furent fortifiées dans la région. Le grand nombre d'inscriptions latines tirées du forum de la ville pour servir comme matériau de construction dans le fort montre cependant que Timgad avait passé l'époque de sa splendeur, et que seule la forteresse comptait désormais vraiment.

Nous ne possédons ensuite que fort peu de sources sur l'histoire de la région, et la fin de la présence byzantine est difficile à préciser. Il est certain qu'une vie urbaine se maintint dans la région, et la présence d'un christianisme organisé et dynamique est bien visible : dans la région de Batna des reliques furent consacrées vers 581 et en 645 la dédicace d'une chapelle est attestée à Timgad[11]. Le site ne semble pas avoir été immédiatement délaissé ensuite, mais l'histoire de son abandon complet ne peut actuellement pas être écrite faute de source historique ou archéologique[12] et il est impossible de décrire ce qu'était Timgad lors de la conquête musulmane du Maghreb.


Le forum et le théâtre

Le forum et le théâtre de Timgad sont situés au coeur du quadrilatère de la ville originelle, où ils occupent plusieurs des îlots définis par la trame des rues orthogonales. La construction du forum fut financée par la cité. Sa construction débuta sans doute peu de temps après la fondation de la ville. Le forum, de plan rectangulaire et bordé par quatre portiques délimitait un espace fermé, ordonné, accueillant de nombreuses activités, il formait le cœur politique et social de la cité. Il abritait la curie où se rassemblait l'ordre décurional ainsi qu'une basilique civile et un seul temple. Ce dernier, de taille assez modeste, est proche d'un des angles du forum et semble avoir été dédié à la Victoire. C'est un édifice tétrastyle[13] élevé sur un podium. La curie était une salle d'assez petite taille, précédée d'un portique, ornée de statues et revêtue de marbre. La basilique lui faisait face, occupant la façade orientale du forum. Une abside au nord donnait une axialité à cette vaste salle qui accueillait les activités judiciaires, une tribune occupait l'un des petits côtés et permettait aux juges de siéger. Le forum était décoré de nombreuses statues, au moins une trentaine, dont on a retrouvé les bases portant des inscriptions. Ce forum ne fut peut-être jamais achevé selon son plan original, puisque le Capitole ne fut pas intégré au forum mais construit à l'extérieur des murailles originelles : l'expansion de la ville avait conduit à reconsidérer son plan.

Le théâtre est le principal édifice de spectacle à Timgad où l'on n'a pas retrouvé trace d'un amphithéâtre, mais il a pu en exister un en bois à titre temporaire. Situé au sud du forum, au flanc d"une colline, le théâtre, avec une cavea de 63 mètres de diamètre, pouvait accueillir environ 3500 personnes. La base d'une statue de Mercure, élevée pour le salut des empereurs Septime Sévère et Caracalla y célébrait les jeux scéniques donnés par Lucius Germeus Silvanus, pour l'honneur de ses fonctions d'augure : à Timgad comme ailleurs la vie municipale n'était pas séparable des fêtes et spectacles, avec plus ou moins de fastes en fonction de l'évergétisme des notables.


Le Capitole

Le capitole, qui abritait la triade religieuse essentielle de la religion romaine traditionnelle, était en théorie un des éléments essentiels de toute fondation urbaine. Au début de notre ère les écrit de Vitruve sur l’urbanisme [14], se référant à une vieille tradition, celle des la science des haruspices, et faisant ainsi un écho à Servius [15], conseillent de placer les sanctuaires de Jupiter, Junon et Minerve au lieu le plus élevé, d’où l’on peut découvrir le plus de murailles. Mais si des villes africaines comme Cuicul et Thugga présentent un capitole en position centrale (au moins initialement pour Cuicul), celui de Timgad est dans une position plus surprenante. Il est en effet éloigné du forum et même de l’alignement du plan orthonormé initial et ne se trouve même pas sur un sommet de colline. En fait c’est surtout sa taille, sa monumentalité exceptionnelle qui le distinguait et le rendait visible à tous. Cet emplacement étrange avait cependant le mérite de le mettre particulièrement en valeur pour qui venait de Lambèse. Construit au IIe siècle, il fut restauré au IVe. Comment expliquer cette position excentrée ? Il faut penser qu’il était prévu en fait au départ au sein du forum dans le tracé initial de la ville, mais le forum ne fut jamais réellement achevé, et le capitole finalement construit en bien plus grand et en position décentrée, signe d’une modification radicale de la notion d’espace urbain et peut-être d’un changement dans les relations entre les citoyens et le pouvoir : la ville avait grandi, son espace était perçu différemment et fut symboliquement réorganisé par cette construction massive [16]. De plus, le décentrement du capitole de Timgad n’est pas si exceptionnel du point de vue chronologique : la majorité des capitoles africains sont de date relativement tardive.Enfin, si la date exacte de sa construction dans le deuxième siècle nous échappe sa réfection au quatrième siècle nous est mieux connue. C'est sous le règne commun de Valentinien et Valens, entre 364 et 367 qu'Aelius Iulianus finança la restauration des portiques. Cette restauration témoigne, cinquante ans après la conversion de Constantin, et dans une ville bien christianisée, de la vitalité conservée du polythéisme traditionnel [17].

Les thermes

Les thermes romains étaient un des lieux essentiels de la vie quotidienne dans l'empire romain, un symbole et un facteur de romanisation. Pour les habitants d'une cité, les thermes sont vus comme quelque chose d'indispensable, une des commodités nécessaires que la ville doit procurer à ses habitants, un signe et un instrument de civilisation et de bien être. à Timgad, sur une dalle du forum, une inscription célèbre résume bien cette conception de la vie urbaine : « Venari, lavari, ludere, ridere, occ est vivere » (chasser, aller au bain, jouer, rire, çà c’est vivre). Les thermes sont donc un lieu de sociabilité fondamental qui construit l'identité civique et municipale en même temps qu'ils rendent manifeste les principes de la cité antique : nus et partageant le même bain, les citoyens se côtoient de manière indifférenciée : les bains sont souvent peu chers, et occasionnellement gratuits. Leur décoration et leur entretien est aussi l'occasion d'acte d'évergétisme. Toutefois à partir du deuxième siècle on assiste au développement de bains privés, construits dans les plus riches demeures, développement qui s'accroit durant l'antiquité tardive. On peut voir dans cette évolution à la fois le souci d'une plus grande intimité et la recherche d'une distance sociale : le notable se distingue désormais du commun et peu recevoir ses intimes dans le cadre choisi de ses bains personnels. Par le vaste dégagement dont elle a fait l'objet Timgad offre une image quasiment unique de la place des bains dans la cité, même si tous les bains dégagés n'ont pas nécessairement été en service de manière simultanée et si leurs fouilles ont été souvent - au regard des critères actuels - trop rapidement conduites : les stratigraphies manquent, les plans ne sont pas toujours sûrs. Il n'en reste pas moins que l'importance et la diversité de l'équipement balnéaire ressort et que, de ce point de vue, Timgad peut rivaliser avec une ville comme Ostie. Les bains de Timgad offrent donc une image remarquable de la prospérité de l'Afrique romaine et de son insertion dans la communauté culturelle que formait la Méditerranée antique.

Liste des thermes de Timgad

Le catalogue des thermes de Timgad a été dressé par Yvon Thébert dans son étude sur les thermes romains d'Afrique du Nord[18] qui fournit pour chacun d'entre eux l'état des connaissances et une interprétation archéologique.

Thermes publics : grands bâtiments
grands thermes nord : bien que mal connu ces thermes sont de plan symétrique et couvraient une surface respectable, le frigidarium représentant à lui seul 400m2 soit presque la surface de thermes de quartiers. La date de construction est mal connue, mais correspond peut-être à l'époque des Sévères.
thermes des Filadelphes : ce bâtiment thermal de dimension moyenne se trouve dans les faubourgs de la ville, ce qui indique une date de construction postérieure à la fin du IIème siècle. Il tire son nom d'une inscription sur mosaïque proclamant : "vivent les Filadelphes". Il semble qu'il faille reconnaître dans ces derniers une association, peut-être de notables, qui était liée aux bains, sans qu'il faille imaginer que ces bains leur étaient réservés.
grands thermes sud : de dimension moyenne (1800 m2 et un grand hémicycle) et de plan circulaire ils se situaient à l'extérieur de la muraille originelle, ce qui indique qu'ils ne furent pas construit au début du IIème siècle. Il furent agrandis en 198 et reçurent des statues sous le règne de Gallien. Une inscription signale encore leur rénovation au Bas-empire grâce à l'argent des décurions et aux efforts de la population (CIL VIII, 2342). C'est aussi à cette époque qu'on y plaça une statue du génie de la cité. Ils semblent avoir été encore en usage au Vème siècle.
Thermes publics : thermes de quartiers
grands thermes est : malgré leur nom leur superficie qui semble inférieure à 1000m2 les places dans la catégorie des thermes moyens ou petits. Une palestre peut avoir complété les salles proprement balnéaires. Agrandis en 167, ces thermes furent donc construits dans la première moitié du IIème siècle, ils figurent donc parmi les plus anciens de la ville.
petits thermes nord : Ces petites thermes de quartiers (environ 500m2) témoignent d'une utilisation tardive, au IVème siècle et peut-être même jusqu'au VIème.
petits thermes est : ce sont des thermes de quartiers d'une surface proche de celle des précédents.
petits thermes du centre : dépourvus de palestre et organisés autour de quatre salles chauffées ces thermes de quartiers, vraisemblablement construits au IIème siècle, furent décorés par une mosaïque des saisons, peut-être vers la fin du IIIème siècle.
petits thermes nord-est : eux aussi dépourvus de palestre, ces thermes de quartiers (650m2) empiétaient sur la voirie originelle de la cité, ce qui implique une date de construction assez tardive.
thermes nord-ouest : situés vers la porte de Lambèse, ils sont peut-être contemporains du développement du quartier, dans les années 160. Il s'agit en fait de deux petits thermes de quartiers accolés pour partager les salles de services.
thermes du marché de Sertius : ils voisinaient le marché, et une porte donnait directement de la palestre sur le marché, si bien qu'on a souvent considéré qu'ils appartenaient à la même opération immobilière. Cela n'est pas cependant sûr. De dimension moyenne (un peu plus de 1000m2) il semble qu'ils aient été aussi liés à une grande demeure privée, celle de leur propriétaire ?
thermes du Capitole : dépourvu de palestre, ils présentent une superficie typique de la catégorie (environ 500 m2).
petits thermes sud : ces thermes de quartier de faible superficie ne comptaient que trois pièces chauffées.
thermes du faubourg nord-est : très mal connus, il est difficile de préciser leur plan et leur taille.
Bains privés :
thermes de la maison de l'insula 17
thermes de la maison de l'insula 22
thermes de la maison de Lucius Iulius Ianuarius : ces bains privés d'environ 100m2 empiétaient sur la voirie originelle ce qui les place à une date assez basse. Le nom du propriétaire de la maison est connue par une inscription élevée par son gendre et destinée à servir de base à une statue d'Esculape et Hygie dans les bains.
thermes de la maison du triomphe de Vénus
thermes de la maison de la piscina : ils appartenaient à une grande demeure qui occupait l'espace de deux insulae originelles.
thermes de la maison de l'insula 69
thermes de la maison de Sertius : deux inscriptions dédiées à Esculape et Hygie et appartenant à ces bains ont permis un rapprochement avec la personne de Marcus Plotius Faustus Sertius et de sa femme Cornelia Valentina Tucciana Sertia qui vécurent sous les Sévères et payèrent un marché à la ville. Cela permet de dater cette grande maison de 2300m2 et prouve que les bains furent inclus dans le plan d'origine. Il s'agit d'un des premiers bains privés connus en ville en Afrique.
thermes de la maison à l'ouest des thermes des Filadelphes : ces thermes appartenaient à une vaste demeure de 2500m2 construite dans les faubourgs à partir de la fusion de deux demeures plus modestes.
thermes de la maison au sud de la porte de Lambèse
thermes de la maison près du marché aux vêtements
thermes de la maison au nord du Capitole
thermes ouest
"bains de l'usine de céramique" : ces thermes étaient situés à proximité d'un grand atelier de potiers et furent associés au départ par les archéologues à cet établissement artisanal, il semble en fait qu'ils dépendaient d'une demeure privée ordinaire.
Autres bains :
thermes de la cathédrale donatiste : ce groupe thermal était associé à un vaste ensemble religieux et jouxtait un baptistère. D'époque tardive, il comptait deux pièces chauffées.
thermes de la forteresse byzantine : ces bains militaires, construits vers 539 furent remaniés par la suite. Ils couvraient environ 200m2.

Les bâtiments chrétiens

Comme dans la plupart des villes antiques d’Afrique, les bâtiments chrétiens se trouvent surtout à la périphérie de l'agglomération en raison de leur caractère tardif, mais aussi parfois de leur association avec des nécropoles. Un seul bâtiment chrétien a été identifié dans le centre ville, il s’agit d’une chapelle aménagée à partir de l’atrium de la maison de Lucius Julius Januarius, non loin du forum.

Le plus grand ensemble chrétien se trouve autour de la basilique de l’ouest. Cet édifice et ses dépendances sont souvent assimilés au quartier donatiste en raison de la présence du nom d’Optat dans une des maisons, identifié à l’évêque Optat[19]. La basilique présente un plan classique à trois nefs, la nef centrale se terminant en abside et étant précédée par un atrium. Ce dernier était décoré de colonnes à chapiteaux corinthiens, peut-être en réemplois. Au nord-ouest se trouvait un baptistère dont la cuve a été retrouvée en bonne état, encore partiellement couverte de mosaïques polychromes aux motifs géométriques sur les marches, aux motifs floraux autour de la cuve. Au moins un ensemble thermal existait aussi dans ces bâtiments. Le fait que d’autres bâtiments basilicaux aussi importants aient aussi des baptistères témoigne sans doute de la division religieuse de la cité entre donatistes et catholique : le baptistère renvoie en effet d’ordinaire à la présence de l’évêque[20]. Selon Courtois l’édifice catholique correspondait à l’église de la route de Lambèse. En fait, en l’absence d’inscription, il est impossible de distinguer un bâtiment donatiste d’un bâtiment catholique et les attributions des trois grandes basiliques de Timgad, du centre, du nord-ouest et de l’ouest restent incertaines.

La ville présente d’autres édifices chrétiens plus modestes, mais difficiles à dater entre le Vème siècle et le VIIème. Une grande partie de ces édifices fut élevée avec des matériaux de réemplois et de récupération : c’est le cas notamment d’une chapelle très ruinée retrouvée près du Capitole. La nécropole sud de la ville, où furent retrouvées près de 10 000 tombes, malheureusement la plupart très modestes et anonymes, était dominée par deux églises, l’une d’elle ayant été élevée entre 641 et 642 par Jean, duc de Tigisi. Le fort byzantin possédait aussi, bien sûr, sa propre chapelle.


Les nécropoles

Comme toute ville romaine, Timgad était entourée de ses nécropoles : les sépultures ne pouvaient prendre place qu'en dehors de l'enceinte urbaine. La tombe du mime Vincentius rappelle précisément cette règle à Timgad : "Vincentius est là, honneur des pantomimes (...) il vit à tout jamais dans la bouche du peuple (...) Ici maintenant sous terre, il demeure devant les remparts. Vingt-trois ans, il a vécu sa fleur"[21]. Leur exploration ne fut cependant que tardive et incomplète : ce n'est qu'à partir de 1932 que les archéologues commencèrent vraiment à les dégager, après le dégagement du quadrilatère de la ville trajanienne. Aujourd'hui encore les nécropoles sont donc très incomplètement connues, et si certaines ont souffert de l'érosion, il est possible de penser que des découvertes intéressantes restent à faire. En l'état actuel des connaissances l'une des nécropoles les mieux connues reste celle de la porte de Lambèse qui fut fouillée à partir de 1932 et donna lieu à une publication succinte[22]. La nécropole en question se trouve à 150 mètres de la porte de Lambèse, et à environ 500 mètres de l'arc dit de Trajan. Son dégagement a révélé une grande diversité de tombes que les fouilleurs ont regroupé en cinq grands types.

type 1 : ce sont les tombes les plus modestes, mais aussi, et de très loin, les plus nombreuses, elles sont constituées de tuiles arc boutées les unes contre les autres et couvrant la sépulture, une grosse pierre en avant de la tombe la distinguant et scellant le coffrage de tuile. Ces tombes sont en général anonymes.
type 2 : c'est en fait un embellissement du type précédant, la pierre étant remplacée par un massif de blocage et parfois par une stèle inscrite qui peut-être encadrée dans une mensa, table funéraire destinée à recevoir les offrandes.
type 3 :ce sont des tombes à caisson (cupulae), un ou deux caissons de pierre semi-cylindriques sur un socle en pierre recouvrent la sépulture.
type 4 : il s'agit là aussi d'un embellissement du type précédant, le monument se trouvant sur deux gradins, le corps étant plus bas que les gradins, placé sous des tuiles.
type 5 : il s'agit d'une tombe qui appartenait à un monument funéraire de grande taille reposant sur un soubassement. La nécropole de la porte de Lambèse n'a livré qu'une seule tombe de ce type, c'est un type de sépulture qui correspond à la partie la plus riche de la population.
Les tombes sont en général des sépultures à incinération. Si la plupart du temps les tombes modestes ne livrent pas d'inscriptions, diverses observations ont été faites sur la répartition des épitaphes : les sépultures semblaient groupées par famille - au sens large - ainsi les Caecilii se voisinaient comme les Valerii ou les Terentii. toutefois au sein d'une même famille les tombes pouvaient être très disparates, très modestes ou plus luxueuses : cela pouvait correspondre à plusieurs branches de la famille, mais aussi aux tombes de la famille du maître et aux tombes de ses affranchis. Les nécropoles étaient le lieu de cérémonies et d'offrandes aux défunts, ces offrandes étaient souvent déposées sur des plats, parfois versées dans la tombe par l'intermédiaire d'un orifice. Ces offrandes étaient aussi l'occasion de banquets, coutume qui fut poursuivie à l'époque chrétienne, malgré le désaccord du clergé ainsi qu'en atteste Saint Augustin.

La forteresse byzantine

Située à environ 300 mètres au sud de la ville, au dessus du site de l' Aqua septimia dont de nombreux éléments furent réemployés, le fort byzantin de Timgad[23] est un des mieux conservé d'Afrique du Nord. De plan rectangulaire et protégé par de puissantes tours d'angle, son enceinte fut construite en 539 par le patrice Solomon. Conservée sur 14 mètres de hauteur, elle encadre un périmètre de 120 mètres par 80. La construction du fort utilisa de nombreuses inscriptions en réemploi. Le fort abritait des casernements dans sa partie orientale. La partie occidentale rassemblait les installations communes, un réserve d'eau - la piscine du sanctuaire réutilisée, une chapelle édifiée sur le podium des temples antérieurs, des thermes pour la garnison. Ces derniers d'une surface de 200 mètres carré ouvraient directement sur la place de la forteresse. La fouille de ces aménagements intérieurs s'est révélée très riche car une épaisse couche de terre les avait protégés des injures du temps.

Redécouverte du site

C'est en 1765 que le voyageur anglais James Bruce signala le premier l'existence de ruines romaines importantes à Timgad. De fait seuls les monuments les plus importants émergeaient : le sommet de l'arc de Trajan, le capitole - semble-t-il mieux conservé qu'au XIXe siècle puisqu'il avait encore cinq colonnes intactes -, le théâtre et la forteresse. Les dessins que Bruce fit du site ne furent toutefois diffusés qu'à partir de 1877[24]. Le site fut par la suite visité par Louis Renier en 1851 dans le cadre d'une mission épigraphique, il récolta soixante-dix inscriptions et repéra le forum. La mission de Renier fixa des orientations historiographiques durables, en particulier l'idée que les vétérans de Timgad devaient avoir un rôle militaire contre les autochtones : la redécouverte de Timgad se faisait désormais dans le contexte colonial français et en a été profondément marquée[25]. Ce n'est cependant que trente ans plus tard qu'une véritable exploration archéologique des ruines commença, en 1880.


Les fouilles françaises

C'est sur décision du ministère de l'instruction publique que des fouilles commençèrent, dans les années 1880-1883 à Timgad, ainsi qu'à Lambèse et Zana, sous la direction de Duthoit puis d'Albert Ballu. Les fouilles progressèrent très rapidement, il est vrai que les archéologues français était surtout soucieux d'arriver rapidement aux seuls vestiges qui leur semblaient dignes d'intérêts, c'est-à-dire le plus souvent ceux du haut-empire, et que l'on ne se souciait pas alors ni de stratigraphie ni d'une archéologie du quotidien : on recherchait les beaux objets et les monuments publics. Dès 1884, le forum était entièrement dégagé. Si des savants parisiens réclamèrent le déplacement des inscriptions vers la métropole française, le ministère de l'instruction publique imposa la conservation sur place au nom de la cohérence de l'histoire locale et régionale. En 1894, la basilique chrétienne interprétée comme la cathédrale était dégagée à son tour, et une messe y fut célébrée par l'évêque de Constantine : révélant l'usage colonial qui était alors fait du passé romain et chrétien du Maghreb, conçu comme une légitimation du projet colonial français. En 1897, Ballu publia le premier livre sur les ruines de Timgad révélant le forum et ses annexes, la basiliques, quelques maisons, le marché de Sertius et ses thermes. René Cagnat avait participé à l'ouvrage qui fut complété en 1903 et 1911 pour intégrer la progression des dégagements qui se poursuivaient.

Ce n'est qu'en 1932 que le quadrilatère de la colonie originale fut totalement dégagé[26]. Les fouilles, dirigées par Ch. Godet, purent alors se tourner vers la périphérie du site : nécropoles, sites chrétiens, fort byzantin. En prévision d'un congrès d'études byzantine qui devait se tenir à Alger, l'exploration du fort byzantin fut entreprise en 1939 par Ch. Godet. Cette opération révéla le sanctuaire de l' Aqua septimia felix, qui se trouvait sous le fort[27], ainsi que de nombreuses inscriptions qui avaient été utilisées en réemploi par les Byzantins. Par la suite R. Godet succéda à son père à la tête des fouilles du site avant de mourir dans un accident d'hélicoptère au début de la guerre d'indépendance algérienne.

Les fouilles depuis 1962

Classée au patrimoine mondiale de l'UNESCO, la ville de Timgad ne fait pas actuellement l'objet de fouilles. La conservation et la restauration du site ne sont pas sans poser problème. Timgad est exposée aux dégradations climatiques et humaines. Conservation et valorisation du site suscitent des inquiétudes et des débats[28]. L'issue de ces questions dépend en grande partie de l'évolution économique et politique de l'Algérie.

Références

Notes

↑ CIL VIII, 2355=17842 et 17843. Voir J. Gascou, La politique municipale de l'empire romain en Afrique proconsulaire de Trajan à Septime Sévère, Rome, 1972, pp. 97-100
↑ C. Hugoniot, Rome en Afrique, Paris, 2000, pp. 288-291
↑ Aulu-Gelle, XVI, 13
↑ P.-A. Février, Approches du Maghreb romain, II, Aix en Provence, 1990, p.77
↑ AE 1913, 25 ; voir AE 1995, 74
↑ Contra epistulam Parmeniani, II, 4
↑ S. Lancel, Saint Augustin, Paris, 1999, p.359
↑ Voir le Contra Gaudentium ; S. Lancel, op. cit., p. 507
↑ P. Morizot, "Aurès", Encyclopédie Berbère, p. 1106
↑ Christian Courtois, Timgad, 1952
↑ P. Morizot, op. cit., pp. 1106-1108
↑ On ne peut que regretter que les techniques de fouilles, et les choix historiques, des archéologues coloniaux aient négligé cette période lors du dégagement de la ville
↑ C'est-à-dire que la façade compte quatre colonnes
↑ Vitruve, I, 7
↑ Aen., I, 422
↑ Voir Pierre Gros, « les forums de Cuicul et de Thamugadi… » BAC, n.s. 23, 1990-1992 (1994), pp. 61-80
↑ P.A. Février, Approches du Maghreb romain II, Aix en provence, 1990, p. 13
↑ Y. Thébert, Thermes romains d'Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen, Rome, 2003, pp. 228-254, pl.XCIX-CXVII
↑ E. Albertini, « Un témoignage épigraphique sur l’évêque donatiste Optat de Thamugadi », CRAI, 1939, pp. 100-103
↑ P.-A. Février, Approches du Maghreb romain II, Aix en provence, 1990, p. 28
↑ Paul-Albert Février, Approches du Maghreb romain II,Aix en Provence, 1990, p. 53
↑ Louis Leschi, "Le cimetière de la porte de Lambèse à Timgad", BAC, 1934-1935, pp.36-51 désormais Louis Leschi, Etudes d'épigraphie, d'archéologie et d'histoire africaine, Paris, 1957, pp. 204-214
↑ Les fouilles ont été publiées dans Jean Lassus, 1981
↑ P.-A. Février, Approches du Maghreb romain, I, Aix en Provence, 1990, p. 30
↑ P.-A. Février, Approches du Maghreb romain, I, Aix en Provence, 1990, p. 37
↑ Louis Leschi, « Le cimetière de la porte de Lambèse à Timgad », BAC, 1934-1935, pp. 36-51 (= Études d'épigraphie, d'archéologie et d'histoire africaine, Paris, 1957, pp.204-214)
↑ Louis Leschi, « Découverte récente à Timgad : Aqua septimia felix », CRAI, 1947 (= Études d'épigraphie, d'archéologie et d'histoire africaine, Paris, 1957, pp. 240-245)
↑ « Timgad : Aucun projet de restauration n'est envisagé pour le moment ». La Tribune, Alger, Août 2006.

Bibliographie

Nacéra Benseddik, « Timgad », dans Dictionnaire du Monde antique, PUF, 2005.
Émile Boeswillwald, Albert Ballu, René Cagnat, Timgad, une cité africaine sous l'Empire romain, Paris, 1905 (consultable sur Gallica).
Jean Lassus, "Une opération immobilière à Timgad", Mélanges Piganiol, pp. 1120-1129.
Suzanne Germain, Mosaïques de Timgad : étude descriptive et analytique, Paris, 1969.
André Chastagnol, L'album municipal de Timgad, Bonn, 1978.
Pierre Morizot, "Vues nouvelles sur l'Aurès antique", CRAI, 1979, p. 309-337.
Jean Lassus, La forteresse byzantine de Thamugadi. Fouilles à Timgad 1938-1956, 1, Paris, 1981.
Paul-Albert Février, Approches du Maghreb romain, I et II, Aix en Provence, 1990.
Yvon Thébert, "Vie privée et architecture domestique en Afrique romaine", dans Paul Veyne dir., Histoire de la vie privé I, Paris (1985), 1999, pp.301-415.
Yvon Thébert, Thermes romains d'Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen, Rome, 2003.


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