Algérie - A la une


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Youcef Merahimerahi.youcef@gmail.comAinsi donc, le jeune Amar a rejoint l'éternité du ciel, après avoir lutté contre la terrible maladie. Une greffe aurait pu être tentée, si”? Oui, si ! à‡a ne suffit pas d'exprimer une condition, il aurait fallu agir. Une greffe ' En Algérie ' Je ne sais pas, je ne suis pas spécialiste. Son village, pourtant, a pris le problème à bras-le- corps. Un hôpital, en France, a été contacté. La greffe est possible, à condition de payer l'équivalent, en euros, de six milliards. Une quête désespérée a été lancée par son village. Des affiches ont été collées, partout. Des jeunes ont écumé les rues, les places publiques, les cours de mosquée, l'autoroute et les trottoirs. Spectacle homérique, d'un autre temps ! Des boîtes ont été confectionnées, sous forme de tirelire, chacun pouvait mettre son possible en dinar. Ces volontaires ont remué ciel et terre pour sauver l'enfant qui patientait à l'hôpital de Tizi, l'issue de secours. On parle de cinq milliards de quête. C'est beaucoup et peu, en même temps. Beaucoup parce que la générosité algérienne a dit son mot ; peu, parce que la mort ne laisse aucun répit, combien même s'il s'agit d'une âme innocente. Et là , j'ai ressenti une grande injustice que la vie sert impunément à un ange qui ne demandait qu'à rester, encore, quelques printemps de plus sur cette terre, si souvent ingrate. Oui, j'ai été touché par cette histoire. Puis, hier, dans la presse, j'ai relevé une déclaration du ministre de la Santé qui promet de mettre de l'ordre dans le désordre de certaines cliniques privées qui ne sont pas aux normes internationales. Fichtre, rien que ça ! J'aurais aimé, je le dis naïvement, que notre ministre prenne son téléphone et ordonne le transfert de cet enfant dans un hôpital français. Juste pour l'espoir. Juste par humanité. Puis, est-ce que nos hôpitaux sont aux normes internationales ' Quand je vois la foule qui vadrouille, à toute heure, dans nos hôpitaux, je me dis que nous sommes loin de toute norme. J'aurais aimé, je le dis naïvement, que notre ministre décide de donner une once de lumière à cet enfant qui n'a rien demandé, sinon de vivre encore un peu plus, loin de cet hôpital algérien qui ne répond à aucune norme. Il y a bien des prises en charge à l'étranger. On va me dire que c'est réglementé ! Je connais la chanson. On nous incite à consommer algérien, la belle affaire ! Juste pour la boustifaille ' Consommer algérien au premier ou au second degré ' De la Symbol, je n'en veux pas. Par esthétique. Consommer algérien, est-ce pour nous tous ' Et ces Algériens qui se soignent à l'étranger et répugnent à mettre le nez dans un hôpital dialna : eux z'aussi connaissent la chanson, ya kho ! Consomment-ils les hôpitaux algériens ' «Là-bas, tout n'est que luxe, calme et volupté», dit le poète de ma jeunesse. Ici, «même les issues de secours sont fermées», dit le poète dialna, Hamid Tibouchi pour le nommer. Un jour peut-être, nos cliniques et nos hôpitaux seront aux normes internationales ; ce jour-là , si lointain dans mon désespoir, aucun Algérien n'aura à faire de quête publique pour se soigner dignement. A bon entendeur”'rien qu'à entendre «autoroute Est-Ouest», je me marre comme pas possible. On rit même dans le malheur. Coût sur coût. Puis surcoût. Corruption. Un feuilleton à la 007, made in bladi ! Un espion, par-ci. Un businessman, par-là . Puis, sortant de derrière les fagots, un ministre. Et le fils d'un ponte politique. Et un haut fonctionnaire énarque, un peu plus loin. C'est du consommons algérien, pur jus ! Des pages entières dans la presse pour relater le scandale de cette autoroute qui n'a pas fini de faire parler d'elle. J'essaie de me remémorer le pitch de l'affaire, je n'y arrive pas, tellement c'est scabreux. «Lui, il m'a dit. Je l'ai rencontré dans un café miteux. Non, c'est un café lumineux. Oui, on s'est vu là -bas, chez eux, au club. Oui, avec le patron. Non, j'ai rencontré le général. J'ai fait mon devoir de patriote. Je n'ai reçu qu'un paquet de chocolat de 1 000 dinars. L'autre, il a pris 25% de la chkara». En attendant, la pauvre autoroute Est-Ouest, qui me fait marrer comme un dingue, se gondole, se strie, saute en l'air, éructe son goudron, s'assure des cloques, se rétrécit ici et là , se craquèle de partout et s'affaisse par endroit de trop de grossesses. Et le pauvre usager, algérien qui consomme algérien, ne comprend que dalle à ce bitume qui donne des cauchemars à nos bagnoles ; comme il ne pige que dalle, comme moi, au déballage du procès de l'autoroute. Doucement, coco ! Ce n'est pas le procès de l'autoroute Est-Ouest : il s'agit du procès de la corruption algérienne ! Rien que ça ! Je n'ai pas vu la chose sous cet angle, saperlipopette ! On a fait le procès de la corruption ; elle existe donc, bel et bien ! Eurêka, on vient de réinventer le fil à couper le beurre. Mais, on ne peut convoquer un ministre ! «Qui suis-je moi, lâbd edhaîf, pour convoquer son excellence '» Moi, dans ma naïveté, je pensais que tu jugeais la corruption. Si ce n'est pas le cas, alors la corruption a encore de beaux jours chez nous. Chez elle. Surtout que maintenant, nous consommons algérien. Entre Algériens. Les autres pourront aller s'empiffrer dans un restaurant élyséen. Et ils feront leur rot face à une Seine imperturbable de discrétion. Tahya ya didou !L'autoroute Est-Ouest me colle à la peau. Notre ministre des Travaux publics est allé inaugurer 3 kilomètres de bitume refait à neuf. Au fait, notre autoroute est-elle aux normes internationales ' Comme nos hôpitaux publics ' Et comme nos cliniques privées ' Des confrères ont raillé cette inauguration. Je ne suis pas d'accord avec eux. Personnellement, j'applaudis l'initiative ministérielle : être contre, tout contre, ses projets. C'est très bien ! Il devrait même se présenter chaque fin de journée un double décamètre à la main, calculant centimètre après centimètre, sans toutefois pommader les entreprises qui ne font que leur boulot grassement payé. Enfin, je suppose ! Bien mieux, plantez une tente sur place, Monsieur le Ministre, vous aurez l'exacte situation de la réparation, sans le filtre habituellement bureaucratique des rapports bidouillés. Et tous les euphémismes de rigueur !En attendant les hôpitaux normés et les autoroutes au standard made in là -bas, je me remémore ces vers de Hamid Tibouchi, le sortilège poétique titille mes neurones ces derniers jours, ce poète des grandes villes : «Il pleut des feuilles mortes sur le crâne des morts heureux.»





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