«La peine de se sentir abandonné ne suffit-elle pas pour que ces enfants
soient condamnés à vivre dans l'isolement identitaire, désignés du doigt avec
mépris et humiliation ? Quel est le tort des enfants nés hors mariage d'une
liaison illégitime et ‘clandestine' ? Les enfants nés hors mariage sont souvent
vulnérables aux regards stigmatisant des autres et l'injustice de la société,
ils sont installés sur les braises de la souffrance», c'est par ces mots que M.
Mohamed Chérif Zerguine a animé, jeudi dernier à la cinémathèque d'Oran, une
rencontre sur les enfants abandonnés.
Issu de cette catégorie d'enfants, M. Zerguine, auteur d'un livre
intitulé «Pupille de l'Etat, peur de l'inconnu», a tenté de relater, par
l'image et le son dans un court métrage, les souffrances quotidiennes que vit
l'enfant assisté, afin de transmettre, a-t-il dit, un message revendiquant «la
nécessaire prise en charge de cet enfant sur le plan affectif notamment, et de
changer le regard porté sur lui dans la société». Réalisé par M. Khaldi, ce
court métrage intitulé «Mon nom hantait mes nuits» est une réadaptation de
l'ouvrage de M. Zerguine relatant la biographie d'un enfant qui recherche
désespérément ses origines. En noir et blanc, le film relate dans une dizaine
de minutes l'histoire d'un enfant abandonné, hanté à l'âge de six ans par une
peur atroce de l'inconnu, lorsqu'il apprit à l'école qu'il portait un nom autre
que celui de sa famille d'accueil et qu'il était un pupille de l'Etat. Son
calvaire lié au fait qu'il porte un nom qui n'est pas le sien n'en finit pas
«dans une société qui n'épargne personne». Le film s'est aussi penché sur la
tourmente des mères célibataires. La rencontre a vu la participation des
responsables du secteur de l'action sociale, des chercheurs universitaires et
des représentants des associations versées dans la prise en charge de cette
frange, tous unanimes sur la sensibilisation de la société sur la protection de
l'enfance abandonnée. «Il faut faire tomber les murs du silence et casser les
tabous pour pouvoir avancer en dehors de tout jugement subjectif et condamnatoire
pour l'enfant né sous X», ont-ils souligné. Jusqu'à 300 enfants sont abandonnés
chaque année à Oran. La kafala a ainsi permis à des milliers d'enfants
algériens privés d'affection familiale d'intégrer une famille. En 2008, pas
moins de 230 enfants abandonnés ont bénéficié de kafala.
Selon les spécialistes, là encore de nombreuses déceptions font vaciller
la vocation parentale et remettre en cause l'illustration initiale du désir
d'enfant. De nombreux parents refusent ou sont incapables d'expliciter aux enfants
leurs origines pour éviter la confrontation à leur histoire et à la mémoire
douloureuse du manque biologique. La révélation fragmente souvent la vie
psychique, somatique et corporelle, les repères identitaires et
identificatoires et précipite des organisations névrotiques dépressives,
déficitaires ou morbides chez l'enfant et l'adolescent. Ces réactions,
illustrées par la fugue ou le passage à l'acte destructeur, les parents ne
savent pas les contourner et les gérer. Quand les enfants abandonnés réussissent
à traverser les entraves de la solitude, il leur faut envisager le renoncement,
l'humiliation et l'infamie du patronyme absent. Les enfants placés et adoptés
grandissent dans une chape de secrets où résident des histoires inavouables et
la trame de drames désastreux. Il s'agit de moments d'effondrement où l'enfant
et l'adolescent sont confrontés terriblement à eux-mêmes.
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Posté Le : 09/05/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : J Boukraâ
Source : www.lequotidien-oran.com