Algérie

Témoignage d’un condamné à mort, Mostefa Boudina




Un rescapé de la guillotine française raconte Invité d’El-Moudjahid, le président de l’association nationale des anciens condamnés à mort, Mostefa Boudina, lui-même un rescapé avec l’un de ses frères de la guillotine de Fort Mont-Luc, raconte dans un témoignage poignant, les derniers jours de ses trois compagnons de la cellule n°42 de la célèbre prison militaire de Fort Mont-Luc (Lyon). Ce haut lieu macabre érigé entre 1831 et 1835 pour servir de prison militaire, avait été réquisitionné par les nazis en novembre 1942 où des milliers d’hommes et de femmes pour la plupart des otages, des persécutés et des résistants (Jean Moulin et ses compagnons) ont été entassés dans des conditions inhumaines dans l’attente de leur déportation ou exécution. Dans les couloirs de la mort de Fort Mont-Luc, 14 prisonniers algériens ont été guillotinés au cours de la guerre d’indépendance. Une véritable horreur. En tout et pour tout, ce sont 199 Moudjahidine, condamnés à mort entre 1956 et 1962, qui ont été exécutés dans les prisons françaises, en France et en Algérie: 68 à Alger, 58 à Constantine, 51 à Oran et 22 en France. Aujourd’hui, il ne reste qu’environ 700 condamnés à mort rescapés, contre 1800 à l’indépendance. Ainsi donc, Mostefa Boudina retrace dans son ouvrage «Rescapé de la guillotine», ses mémoires encore entrouvertes des ex-condamnés à mort du FLN dans les geôles du colonialisme, dont Lekhlifi Abderrahmane, Miloud Bouguendoura et Makhlouf Abdelkader conduits en héros vers la guillotine, en entonnant Kassamen et Min jibalina et en criant haut et fort «Vive l’Algérie!» Son livre-témoignage se veut un récit fidèle des conditions inhumaines de captivité des condamnés à mort algériens dans la prison Fort Mont-Luc. Durant sa première nuit dans la cellule à petite fenêtre très haute et barreaudée, attendant leurs tours, Boudina et ses compagnons, tous condamnés à mort, étaient en proie à une solitude terrible. Seules l’instruction et la lecture leur faisaient oublier le spectre de la mort qui rôdait à chaque instant. Ce n’est qu’au quinzième jour d’une grève entamée par eux que l’administration pénitentiaire leur a accordé enfin le droit d’instaurer une salle de cours dans une cellule pour meubler leur temps qui était compté. Les meilleurs lettrés instruisaient les autres. La dernière nuit, avant l’appel à la guillotine, le rescapé Boudina, faisant les 100 pas, décrit l’atmosphère oppressante régnant dans la cellule où la fumée des sept paquets de cigarettes consommés avait failli l’asphyxier. Le rendez-vous avec la mort approchait avec les pas des bourreaux qui s’arrêtaient devant la porte de la cellule, pour ensuite s’emparer d’un des condamnés à mort avant de l’accompagner vers la salle d’exécution, raconte dans une douleur insoutenable le rescapé Boudina. Et d’ajouter, « les condamnés à mort se débattant comme des lions narguaient leurs bourreaux : «Vous avez rendez-vous avec l’Enfer où vous expierez vos pêchés. Nous, nous irons droit au Paradis». Ni les télégrammes d’Eisenhower, de Khroutchev, de la reine Elisabeth et du Pape au général de Gaulle n’ont fait cesser, selon lui, les exécutions sommaires. De Gaulle leur répondra, précisera-t-il, « que la justice française suive son cours!». Parlant de la génération d’aujourd’hui, Mostefa Boudina fera part de son inquiétude face à l’attitude de ces jeunes qui confient leur sort à la mer, fuyant leur pays, alors que lui, à leur âge avait été condamné à mort. Le porte-parole de l’association des condamnés à mort ne veut pas grand-chose, sinon de restituer la mémoire des 200 guillotinés, à l’instar de Zabana, Ferradj et Tiferouine, les premiers à être exécutés et d’instaurer la date du 19 juin comme journée nationale des condamnés à mort. Abed Tilioua

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