Algérie

Témoignage



Ce matin-là, je rentrais du marché vers 10h. A cette époque, n?habitaient dans l?école que deux familles. Il y avait le couple Séguy, l?époux était jardinier à l?Ecole normale de filles ainsi que moi et mon mari, gardien de l?Institut. En me voyant entrer dans la cour, Mme Séguy accourut vers moi pour me dire que quatre militaires armés venaient d?arriver en jeep et qu?ils étaient à l?intérieur de l?établissement. L?information ne me fit pas peur. Je montai chez moi au premier étage. Au moment même où je vidai mes provisions, des éclats violents de mitraillettes me firent sursauter. Je courus à la fenêtre qui donnait directement sur la cour. Horreur ! La première « exécution » était déjà achevée : Hammoutène et Basset gisaient devant la porte de la façade, tandis que Marchand était étendu au milieu de la chaussée. Ils baignaient dans des rigoles de sang. Immédiatement après, une seconde salve ébranla les vitres, là où se trouve maintenant la plaque commémorative. C?étaient Feraoun, Ould Aoudia et Aymart qui tombaient sous les balles des terroristes. Deux moururent sur le coup ; seul Feraoun gémissait sur le sol, exsangue. Les premières personnes à arriver furent Mme Boutet, directrice de l?Ecole normale de filles, accompagnée de ses élèves qui envahirent la cour. Elles pleuraient et criaient leur révolte devant cet abominable crime collectif. Le spectacle était atroce : du sang partout. C?était moi qui devais nettoyer. Je faillis m?évanouir et je crus devenir aveugle tant j?avais mal aux yeux, pour n?avoir pas cessé de pleurer. Mme Boutet restait au chevet de Feraoun qui vivait encore mais souffrait en silence. Elle tentait de l?exhorter à l?espoir et au courage. ? « Quel espoir ? Quel courage? ? », pouvait-il encore gémir. Il aurait pu être sauvé si les secours étaient arrivés à temps. Mais pensez donc ! Ce n?est qu?à 14h que les ambulances se sont présentées pour emporter les victimes à l?hôpital. C?est là que mourut Mouloud Feraoun. Les quatre assassins étaient jeunes et deux d?entre eux portaient des colliers de barbe. Leur forfait accompli, ils bondirent dans la jeep stationnée à l?entrée et foncèrent en direction de la Cité des Asphodèles. En cours de route, leur haine meurtrière eut encore à s?exercer. Une septième victime tomba sous leurs balles : un Algérien encore un rencontré au hasard. Des bêtes sauvages, ces gens là ; des bêtes sauvages.  Extraits du livre de M. Farhi, Rêve et Testament Enal 1982



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