Algérie - A la une


Suspense
J'ai fait la connaissance d'Ursula Destinoy-Pinchot en août 1927, à bord d'un paquebot. Elle se rendait en Amérique avec sa mère, Gladys, une vieille amie de collège de ma tante Hermione. Américaine d'ori-gine, Gladys Destinoy-Pinchot avait épousé un riche Anglais et était devenue totalement anglaise. Ma tante disait qu'elle montait même en amazone pour chasser à courre !Cette pauvre Ursula n'était qu'une gamine au visage chevalin, fagotée dans des vêtements qui ne convenaient absolument pas à son âge. Qu'ils aient été d'un style trop vieux ou trop jeune pour elle, c'est difficile à dire. A l'évidence, ils avaient été choisis pour la rendre peu attirante. La mère d'Ursula, voyez-vous, redoutait les coureurs de dot.A bord, c'était fatal, Ursula, fringuée comme l'as de pique et tout, tomba immédiatement dans les griffes d'un faux aristocrate français, ce qui, ? je dois le reconnaître ? fit merveille pour son teint.Je la revis avec surprise, exactement un an plus tard, dans le hall, du château Lake Louise, dans les Rocheuses du Canada. Ursula était transformée. Elle s'avançait avec assurance, dans un costume sportif un peu masculin ? des jodhpurs, un chandail de couleur vive, et un feutre posé crânement sur une coiffure à la Jeanne d'Arc.? Regardez, ai-je dit à ma tante, alors que nous nous trouvions devant le comptoir de la réception. Voilà Ursula.Tante Hermione s'est emparée de son pince-nez, qu'elle gardait au bout d'une chaîne attachée à une broche piquée sur son revers.? Où cela ' a-t-elle demandé.? Là-bas, ai-je répondu, en me souvenant de ne pas montrer du doigt.J'ai eu un mouvement d'épaule pour indiquer un groupe de canapés disposés devant une gigantesque baie vitrée qui ouvrait sur le panorama : le lac, d'un incroyable bleu turquoise, la blancheur éblouissante du glacier, et, plus indistincts, les pics rocheux.? Vous la voyez ' ai-je repris. Elle porte...Ce que j'ai vu alors m'a causé un tel choc que j'en suis restée sans voix.? Où ' a insisté tante Hermione, qui avait enfin disposé son lorgnon sur son nez.? Là-bas, ai-je répété, abasourdie. En train de gifler ce jeune homme.Ursula s'était penchée sur un garçon qui, assis le dos à la fenêtre, lisait un journal, et lui avait parlé. Il s'était levé, avec une expression courtoise mais étonnée, et elle l'avait giflé en plein visage. Pas par jeu. Une vraie giroflée à cinq feuilles.Naturellement, le garçon avait l'air secoué. II demeurait planté là, une main sur la joue, comme pour vérifier si elle l'avait bien frappé.? Bonté divine, a soufflé tante Hermione. Le gifler, en public. Non qu'il eût été beaucoup mieux, je suppose, de lui donner une claque en privé, a-t-elle ajouté en branlant un peu du chef.Ursula venait dans notre direction d'un pas rapide.Sans hésitation, je me suis avancée. Il était un peu inconvenant de ma part de me mêler de sa petite tragi-comédie, mais je n'ai pas pu m'en empêcher.? Ursula, me suis-je enquise, tout va bien 'A suivre
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