Algérie - A la une


Sous les sunlights
Entre les Journées cinématographiques de Carthage et le Forum Euromed de l'Audiovisuel...Baignant dans une sorte de printemps hivernal, l'avenue Habib Bourguiba est bien animée. Entre le flot des voitures, les allées et venues des passants, les terrasses de café bondées de jeunes gens des deux sexes, il règne là une ambiance sereine, joyeuse, sinon débonnaire. Il faut ouvrir les journaux ou se brancher sur une chaîne pour s'assurer que la Tunisie vit un moment pour le moins important de son histoire récente avec des débats parfois vifs : le deuxième tour de sa première élection présidentielle démocratique.Tout le monde pense-t-il ici comme Omar, chauffeur de taxi, pour lequel le vainqueur de ce scrutin importe moins que son déroulement normal ' Non sans ajouter avec humour que l'adjectif «normal» est bien algérien. En tout cas, Moncef, professeur d'arabe dans un lycée, partage le point de vue de son compatriote : «Nous avons fait un grand pas en avant, mais le pays a été déstabilisé. Nous avons besoin de reprendre le travail, de relancer le tourisme ; les prix ont augmenté, il y a des tas de problèmes à régler? On veut avancer.»Les seules traces de la prochaine échéance, prévue pour le 21 décembre, sont quelques lambeaux d'affiches du premier tour et une étrange campagne, non signée, sur d'immenses panneaux publicitaires appliquant la question «C'est provisoire '» successivement à la violence, la saleté urbaine, le terrorisme, la cherté de la vie, etc. avec des photos spectaculaires.Quand nous sommes arrivés à Tunis, personne ne savait qui en était l'auteur. Deux jours après, elles avaient été enlevées et le quotidien La Presse d'avant-hier informait que l'autorité électorale en avait décidé ainsi et que l'auteur en était le groupe Karoui & Karoui (Nesma TV, régie d'affichage urbain?). Celui-ci a d'ailleurs saisi son avocat, se défendant d'un dessein politicien et présentant cette campagne comme une initiative citoyenne «qui n'a rien à voir avec aucun parti». Mais même cette polémique semble être passée inaperçue.En fait, l'événement qui attire, fait parler et courir, ce sont bien les Journées cinématographiques de Carthage qui exercent une attraction solaire sur la capitale. C'est la 25e édition mais, étant biennales, les JCC, avec près de 50 ans d'âge, sont l'un des plus anciens festivals de cinéma au monde. La sémillante Dora Bouchoucha, directrice de la manifestation, a annoncé que les JCC deviendront annuelles à partir de 2015. Cette nouvelle périodicité devrait leur donner plus d'impact et de visibilité, d'autant que l'organisation n'a rien à envier aux meilleurs rencontres du genre.La programmation est somptueuse avec de nombreuses sections, dont Takmil qui permet à des films en finition de prétendre à des aides sur la base des rushes. Le cinéma algérien est bien représenté ici. En compétition Longs métrages, on compte parmi les 15 films sélectionnés L'Oranais de Lyès Salem et Loubia hamra de Narimane Mari. En compétition Courts métrages, ce sont Les jours d'avant de Karim Moussaoui et Passage à niveau d'Anis Djaâd qui concourent sous le pavillon national parmi 16 autres ?uvres.Dans la sélection Documentaires, on retrouve La Rivière de Abdenour Zahzah et Chantier A de Karim Loualich, T. Sami et L. Deche. Hors compétition, on note Les Terrasses de Merzak Allouache, La voie de l'ennemi de Rachid Bouchareb (cinéma du monde) ainsi que les ?uvres de jeunes réalisateurs : Tarzan, Don Quichotte et nous (Hassen Ferhani) et Chroniques équivoques (Lamine Ammar-Khodja) dans la section Tarchikat.Les Algériens sont aussi présents dans les jurys : Nadir Mokneche pour les fictions (sous la présidence de l'Américain Dany Glover) et Abdelkrim Bahloul pour la compétition nationale réservée aux Tunisiens. Sans compter plusieurs autres invités algériens, dont Biyouna qui fait sensation ici. Notons que les JCC ont également un jury de la confédération syndicale de l'UGTT, relation qui n'est pas sans rappeler celle entre la CGT française et le Festival de Cannes. Ce soir aura lieu la cérémonie de clôture et demain seront remis les Tanit d'or, d'argent et de bronze. Les films algériens ont connu un bel accueil des publics mais la concurrence est rude et les jurys souverains.Et, pendant qu'une joyeuse effervescence agite la ville de Tunis et sa périphérie autour des 13 salles de projection et de l'hôtel Africa, pôle central des JCC, à 30 km de là, dans la station balnéaire de Gammarth, se tenait, les 2 et 3 décembre, le studieux Forum Euromed de l'Audiovisuel. Il s'agissait de présenter un bilan de la 3e phase de ce programme financé par l'Union européenne et de le clore.Sur la centaine d'invités, une soixantaine a participé à la rencontre. Issus de douze pays (Algérie, Allemagne, Belgique, Egypte, Espagne, France, Italie, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine et Tunisie), ce sont des professionnels du cinéma ou de la télévision, des chercheurs et experts et des représentants d'institutions et d'organismes culturels ou de l'audiovisuel.La présente phase (2011-2014), dotée d'un budget de 11 millions d'euros, a connu deux phases précédentes (2000-2005 et 2006-2009). Elle a permis de financer six grands projets visant à développer le secteur cinématographique et audiovisuel dans les pays du sud de la Méditerranée. Des participants aux premières phases, présents aux JCC (partenaires du programme), se sont retirés depuis du programme, pour l'essentiel des professionnels qui escomptaient un financement de leurs projets et qui considèrent le Programme Euromed Audiovisuel (PEA) comme «trop budgétivore et administratif».Si plusieurs participants se plaignaient en coulisses d'une gestion trop rigide, notamment de la 3e phase, il est certain que le programme n'avait pas vocation à s'établir en tant que producteur. Il s'agissait plutôt de créer un réseau, d'établir des canaux d'informations et d'échanges et d'engager des mesures de soutien au développement de l'industrie du film. Lors de la séance finale, Christelle Lucas, de la Commission européenne, a d'ailleurs rappelé que «le programme n'était pas un fonds de financement et que son action consistait dans le travail d'accompagnement et de facilitation».Les plénières, comme les trois ateliers tenus lors de ce Forum, ont fait l'objet de communications et d'échanges riches et soutenus. Nous y avons noté de remarquables interventions. Shérif Mandour a présenté la «chronique d'une mort annoncée», celle du cinéma égyptien miné par le piratage, y compris désormais celui de chaînes de TV satellitaires ! Sa compatriote, l'experte Sahar Ali, auteure de plusieurs monographies nationales (dont celle sur l'audiovisuel algérien) a mis en valeur et souligné les difficultés du travail de collecte de données pourtant indispensable à une action rationnelle. Hakim Taouassar, spécialiste algérien des droits d'auteur, a brillamment fait état des avancées et retards en la matière.D'une manière globale, le PEA a surtout créé des liens et suscité des courants d'échange entre professionnels de la région, privés ou publics. Une des grandes réussites du programme est son site (www.euromedaudiovisuel.net) qui compte 40 000 visites par mois. De nombreuses formations ont pu avoir lieu. L'édition d'un catalogue des ?uvres de la Méditerranée a contribué aussi à leur donner plus de visibilité internationale. Bref, le bilan n'est pas négatif, au contraire, mais de l'avis des participants, il laisse un goût d'inachevé.Même le sort du site demeure suspendu. Y aura-t-il une quatrième phase quand les restrictions budgétaires en Europe se durciront ' De nombreux présents, issus de la rive sud, tiennent à ce que les liens qu'ils ont tissés ne se délitent pas et que l'action se poursuive, PEA 4 ou pas. C'est pourquoi ils ont, dans l'ensemble, adhéré au projet de Plaidoyer des Professionnels proposé par Mustapha Mellouk, opérateur marocain de l'audiovisuel. Ce texte sera enrichi via internet dans les jours qui suivent.L'audiovisuel recouvre des enjeux énormes pour la région. Ainsi que les passions formidables de ses jeunesses, telle celle de cet étudiant tunisien, Ramzy, qui étudie dans l'une des quatre écoles de cinéma de Tunisie (dont 2 privées) et qui rêve de se spécialiser à l'étranger dans le documentaire animalier. Il nous a notamment parlé du fennec qui le fascine, autant que les footballeurs qui en portent le symbole.


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