Algérie - Revue de Presse


Affaire des cadres écartés Le ministre monte au créneau  Des poursuites seraient envisagées par les entreprises « arnaquées » à l?encontre de leurs fournisseurs. Décidément, chaque jour qui passe apporte son lot de révélations et de surprises dans ce qui est désormais appelé communément « l?affaire des cadres supérieurs écartés à Sonatrach ». En effet, l?hypothèse avancée dans notre édition du samedi 2 juillet (voir El Watan n°4444), sous le titre « Les relents d?un complot international ? », se précise de plus en plus. Le ministre de l?Energie et des Mines, Chakib Khelil, sans employer la même terminologie, a, dans une lettre (n°759/CAB/IG/05) adressée au président-directeur général de Sonatrach, fait, sans aucun doute sur la base du rapport d?audit, un constat sans équivoque sur les procédures de passation de marchés et sur les irrégularités constatées. A ce titre, écrit-il, la passation de marché a occupé et occupe toujours une place importante dans ce dispositif qui requiert la transparence et le libre exercice de la concurrence, sur une base commerciale et non discriminatoire. » Or, conclut-il, dans le cadre du marché des garnitures mécaniques en Algérie, mettant en relation les entreprises pétrolières et gazières nationales et la société John Crane (Deville Lès Rouen, France), filiale du groupe Smiths, « ces dispositions n?ont pas prévalu au plan de la facturation des produits. Et les règles universelles d?éthique régissant ce volet de l?économie de marché ont été contournées par les protagonistes en présence et dont les responsabilités sont partagées ». Il est reproché aux sociétés et entreprises algériennes un manque de professionnalisme « pour avoir considéré la garniture mécanique comme étant une pièce spécifique » alors qu?elle relève du domaine public, hormis la garniture mécanique gaz. En effet, dans un courrier, dont une copie est en notre possession, le Managing Director de PetroSealing Inc, adressé au directeur d?un complexe pétrochimique de la zone industrielle d?Arzew, il est écrit : « Nous voulons attirer votre attention sur la propagande que mène John Crane France auprès de vos techniciens et collaborateurs. Ses arguments ne sont que purs mensonges et n?ont qu?un seul but, rester le seul fournisseur de votre unité et créer un monopole dans le seul but de continuer à proposer du matériel à des prix prohibitifs, voire à vous arnaquer. » Un autre fabricant de garnitures mécaniques, en l?occurrence Aesseal France, dénoncera aussi ce procédé et écrira, le 18 décembre 2003, à l?un de ses clients : « Toutes les références manquent de précision. Ce système de protection n?est pas correct pour le client qui ne peut, en aucun cas, comparer les offres de plusieurs fabricants. » Complaisance Ensuite, il est reproché aux cadres écartés d?« avoir montré une certaine complaisance dans le déroulement de la procédure de marché en orientant la sélection et le choix vers John Crane » et enfin « pour avoir permis l?instauration puis le renforcement du monopole de John Crane sur ce marché ». En ce qui concerne la société française John Crane, outre « l?abus de confiance », et ce, pour avoir pratiqué des prix exorbitants, hors des limites admises, où les prix affichés sont en moyenne supérieurs de 7 fois le prix du marché européen. A titre indicatif, pour 11 commandes passées durant les années 2003-2004, dont le prix global sur le marché européen est de l?ordre de 1,2 million d?euros, John Crane a facturé 5,1 millions d?euros, soit un surplus de 3,9 millions d?euros. Cette surfacturation a concerné non seulement les garnitures mécaniques complètes, qui sont facturées entre 10 et 20 fois leur prix réel sur le marché européen, mais également le consommable (ressorts, faces de friction, joints...) qui sont revendus par John Crane aux sociétés algériennes et où parfois les prix proposés sont plus de 100 fois supérieurs aux prix du marché européen. Le manager de PetroSealing Inc expliquera, pour attirer l?attention de son vis-à-vis, chiffres à l?appui que « John Crane vend à perte en France pour cause de concurrence et il matraque sur le marché algérien ». Et d?ajouter : « Le chiffre d?affaires (CA) de John Crane Export est de 20% contre 80% en France, mais la marge de l?export est de 80% sur le total. » Le rapport d?audit a, par ailleurs, relevé que « des produits sont aléatoirement facturés par John Crane au sein d?une même commande et aussi au sein de commandes distinctes ». Cela dit, dans un document interne, adressé à ses agents installés dans les pays du Maghreb, J. P. Vaudry de John Crane France écrit, entre autres, dans son rapport mensuel de septembre 2000 : « Un petit mois en dessous des prévisions (-500 KF), beaucoup d?affaires prévues ne sont pas rentrées. Ce mois, la chimie a bien donné et ma visite sur le site d?Arzew m?a permis d?arracher deux belles affaires pour 280 KF. Le secteur de Sonatrach Production est en panne. Il est temps de le réveiller car nous n?avons enregistré aucune commande ce mois. » Après avoir dressé les perspectives par secteur, il affiche ses ambitions pour le mois d?octobre de la même année par entreprises et nous pouvons y lire : « Samir 80 KF, GL2/Z Arzew 221 KF, Sonatrach Hassi Messaoud 568 KF, Naftal 140 KF, etc. » John Crane l?initié... Il semblerait, selon les documents en notre possession, que John Crane est systématiquement au fait des moindres commandes et de leur valeur marchande avant même d?être exprimées par les différentes unités de production de Sonatrach à travers le territoire national. Pour preuve, citant un complexe GNL d?Arzew, il écrit à ses agents : « Trois belles affaires en cours de traitement pour un montant de 2 MF. A court terme, nous pouvons en sortir avec 1 MF. » Puis citant un autre complexe de la zone d?Arzew, il mentionnera : « Avant la fin de l?année, nous devons prendre une nouvelle belle commande de GM en remplacement des GM PILAR (garnitures mécaniques d?origine- ndlr). » Et de continuer : « Nos amis du bureau d?études de Deville Lès Rouen n?ont pas travaillé pour rien le plan SOO5593 pour les GM APIT-1238. Il a tout de suite été approuvé durant ma visite. 4 GM pour un montant de 35 KF sont concernées. » Abordant le groupe Asmidal, il écrira : « C?est reparti. Une belle affaire a été conclue lors de ma visite avec des GM (garnitures mécaniques) nouvelles en revemping (TSBOP-GTIB). A venir aussi une demande d?offre pour un réapprovisionnement possible avant la fin de l?année. » Et d?étayer encore plus son analyse de la situation générale de nos entreprises, il écrira : « Il semble, d?après les informations que j?ai pu obtenir, que le groupe (Asmidal - ndlr) se porterait mieux. Les deux unités, celle de Annaba et d?Arzew ont obtenu un rendement de production très convenable depuis plusieurs mois. C?est le moment de mettre la pression. » Sans commentaire. Abordant le volet des difficultés particulières, il informera ses collaborateurs que Flowserve, un groupe espagnol, « fait parler de plus en plus de lui au niveau de la zone industrielle d?Arzew. Il multiplie les actions et il a obtenu une demande de cotation sur une affaire sur laquelle nous avions fait une proposition restée en attente de décision. Notre implantation sur cette zone devient une priorité pour notre avenir ». Pour ce qui est de Sonatrach Hydra, il rencontre « beaucoup de difficultés avec ce service qui semble encore sous l?emprise des racontars de (...) qui aurait fait des révélations ». En ce qui concerne la RTO, il écrira que « c?est confus, car beaucoup de personnes commandent (...). Nous devons envisager des actions à d?autres niveaux ». Pour toutes ces raisons et certainement pour d?autres, le ministre de l?Energie et des Mines informera le Pdg de Sonatrach que les opérateurs algériens « seront sanctionnés pour avoir manqué de professionnalisme et de rigueur dans la conduite des opérations de gestion des affaires économiques et où l?absence de contrôle a facilité et encouragé cet acte délictueux d?abus de confiance ». Contrat gelés Pour John Crane, selon Chakib Khelil, il n?aura plus la possibilité de pouvoir se voir attribuer un marché au sein du secteur de l?énergie et des mines. Les marchés signés et non encore engagés seront annulés et le reste à réaliser des contrats signés sera gelé. Cette mesure s?applique également aux sociétés ERIC (France) et Burgman (Allemagne) pour leur participation avérée en qualité de faux concurrents dans les appels d?offres sur les garnitures mécaniques. Des poursuites judiciaires à l?encontre de ces fournisseurs seraient envisagées par les entreprises « arnaquées » pour le grave préjudice causé à l?économie nationale. Cela dit, « ce complot international » suscite légitimement des questions. Comment a-t-on permis à un simple fournisseur de jeter une « OPA » sur le marché national de la garniture mécanique au point de s?installer dans une situation de quasi-exclusivité et de monopole sans partage ?
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