Algérie - Revue de Presse

Soirées artistiques du ramadhan Le mois sacré du privé ?



Publié le 13.04.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie

SARAH HAIDAR

La tendance se confirme depuis quelques années : l’offre artistique proposée aux Algérois durant le mois de jeûne provient en grande partie des boîtes événementielles privées. Le vide laissé par les structures publiques a ainsi favorisé la prolifération d’un «marché» de la culture plus que juteux.

Décors cosy, ambiances feutrées, menu alléchant et, surtout, un programme artistique, si ce n’est de qualité, du moins dans l’air du temps : c’est la recette gagnante de plusieurs boîtes privées qui se sont taillé la part du lion dans le marché ramadanesque de la culture.

Depuis quelques années, le mois de jeûne est devenu l’un des créneaux les plus avantageux pour attirer les consommateurs algérois, de plus en plus demandeurs d’une offre culturelle consistante. Alors que les espaces publics se complaisent dans des programmations conventionnelles, voire anachroniques, quelques sociétés privées ont flairé le bon filon et pris conscience du vide à combler.

D’un côté, nous retrouvons les sempiternels récitals de chaâbi ou de musique andalouse, animés par des chanteurs de seconde zone dans des salles fades et mal équipées ; de l’autre, des espaces agréables, accueillant dans les meilleures conditions des artistes prisés par la jeunesse. Entre les deux, la différence n’est pas uniquement d’ordre qualitatif mais aussi économique.

En effet, si les structures publiques pouvaient jadis s’enorgueillir d’une programmation de qualité rehaussée par la gratuité ou, du moins, des prix accessibles, elles semblent n’attirer aujourd’hui qu’un public «par défaut» dont le besoin de distraction après une dure journée de jeûne se contente d’une offre artistique bas de gamme, faute de mieux. Le mieux se trouve justement dans d’autres structures, créées ou gérées par des boîtes d’événementiel privées qui ciblent une certaines classe sociale dont on sait qu’elle ne lésinera pas sur la dépense en contrepartie d’une prestation artistique convenable.

Ces dernières années, on assiste donc à une remise en cause fondamentale du droit d’accès à la culture dans la mesure où ce dernier devient de plus en plus tributaire des moyens financiers du public, à l’instar des modèles économiques qui sévissent dans les pays néo-libéraux.

Le ramadhan est la période la plus parlante à ce sujet puisque la demande y est supérieurement importante au vu des privations et des restrictions liées au jeûne, ce qui implique une visibilisation exacerbée de cette «précarisation» culturelle des couches populaires induite par une offre publique de moins en moins convaincante, contrastant avec une marchandisation de la culture par le secteur privé, réservée aux plus favorisés.

Sarah H.

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