Algérie - Revue de Presse

SERRE-MOI FORT...J’AI FROID! DE M’HAMMED BOUZIANE LARBI


Tels des papillons blancs
Le PIANO, bien accordé, n’en finit pas de sonner les inquiétudes et les regrets. L’histoire, racontée dans Le piano d’Esther, le premier roman de M’hammed Bouziane Larbi, se répète, sous une clé musicale à peu près semblable à celle que nous propose le même auteur, dans la présente publication Serre-moi fort...J’ai froid! (*) Il s’agit d’une oeuvre d’un professeur de médecine passant davantage à l’analyse et aux soins des âmes, qu’à l’éveil des intelligences. Encore que!...Oui, le corps est le même, mais les maladies sont différentes, ainsi que les blessures. Le plaisir de la lecture est ici plus grand, car rien n’est plus intéressant, je pense, que de décortiquer un texte en se jouant une musique où la mélodie procure un plaisir supérieur, proche de l’humaine condition. Je ne parle pas vraiment du plaisir «de lire une oeuvre au piano», je parle du livre qui incite le lecteur à tirer sa jouissance de sa propre volonté de savoir et de son propre désir de comprendre.C’est pourquoi j’invite à se donner la peine de lire ce roman Serre-moi fort...J’ai froid! Il y a deux lectures: la grande et la petite. La «petite», à n’en pas douter, sera ennuyeuse, car la «science» qui y est n’est pas muette. La «grande» exige que l’on soit curieux pour aller jusqu’au bout de la leçon de la vie. En ce sens, le plaisir de lire récompense la curiosité, juste au carrefour bien délimité de la création de l’humanité. Indirectement, notre auteur, faisant parler son petit personnage inouï, nous confie: «Écrire, créer des personnages, raconter des histoires que les gens prendraient plaisir à lire, allongés sur le sable chaud d’une plage ou à l’ombre d’un arbre [...] regrettant déjà l’arrivée du moment où il faudra replier le livre pour embarquer, rêver au fil d’une histoire que moi, l’artiste, j’aurais inventée de toutes pièces.» Dans le roman que voilà, le lecteur est considéré comme un observateur exceptionnel par ce qu’exige l’écrivain. M’hammed B.Larbi semble rassurer, prend le pouls de son lecteur: «Vous êtes en bonne santé, mais voyez ce qui se passe autour de vous!», et l’histoire devient bien simple...Les personnages se présentent tour à tour, défilent: Boualem Malboro (sic) («Mes copains me surnomment Malboro parce que je vends des cigarettes à l’unité au coin de la rue.»), Salim («Je n’ai pas de papa. Mais j’ai une maman. Elle est splendide et je l’adore. Elle ne cesse de me dire que nous sommes seuls au monde. "Toi et moi unis contre le reste de l’humanité!"»), Maman (dont le nom Sihem n’apparaît qu’à la 25e page), Marco (le père, «grand musicien méconnu là-bas dans son pays»), Oum El Kheira (le corps «que la maternité avait nourri, était un véritable hymne à l’amour»), Si Flen («L’homme d’affaires honorable et avisé» qui «aimait la jeunesse et la beauté»), Khalti Fatma (qui «attendait toujours sa pension de veuve et de mère de chahid»), El Hadi, Belgacem,...On les découvrira, chacun dans sa vie d’«ange» ou de «démon», vies faites de «grands chagrins» et de «condoléances» jusqu’à «La descente aux enfers» et le poète-médecin, El Hadi, le manchot passionné, qui transcrit, en vers, toute sa douleur d’amour pour Mounira, son nouveau médecin. Mais les illusions passent en cortège, irrémédiablement. Le mystère de «l’homme sous le grand tilleul» met un terme à une souffrance humaine longtemps captive de l’ignorance, de la morale, des tabous, de l’injustice et des croyances insensées.Tout cela est l’histoire d’un foetus qui parle, le Salim en devenir, le produit d’un amour interdit, un enfant illégitime dans le ventre de sa mère Sihem. Il y a du vrai, et il y a beaucoup...du vrai. Le narrateur inattendu déclare: «Avant ce jour terrible, je nageais en plein bonheur, bien à l’abri dans mon univers aquatique, partageant mon temps entre le sommeil et les jeux que me proposait ma maman...» Idée originale? - incontestablement. Hallucinations? - sans doute. Œuvre humaine pour éduquer et instruire? - très certainement.Peut-être un regret: attention, si la médecine est un art qui commence par le diagnostic et finit par le traitement, le genre roman dépasse les hypothèses pour aller droit au coeur de l’imaginaire, de la science dans la fiction, développe la «vraie vérité» de l’angoisse humaine. Et qui donc ne serait d’accord avec cette pensée de François Mauriac: «Les grands romans viennent du coeur»? Et qui n’approuverait cette juste observation de Novalis (xviiie siècle): «Les romans sentimentaux correspondent, en médecine, à des histoires de malades»?(*) SERRE-MOI FORT...J’AI FROID!de M’hammed Bouziane LarbiÉditions Alpha, Alger, 2008, 175 pages.


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