Algérie - Revue de Presse


A force d'être ressassés, certains mots se chargent d'unsens inattendu et prennent le chemin du dépressif «normal» très usité par lesjeunes Algériens. Les émeutes à répétition qui se passent le relais d'unelocalité à une autre sont devenues un élément désolant mais habituel duquotidien, comme la publication régulière des effroyables statistiques des accidentsde la route. Dans les deux cas, l'Algérie officielle, celle qui fait de lapolitique, ne semble avoir rien à dire. Elle semble dangereusement ailleurs ets'en remet aux forces de sécurité. Si cela peut, à l'extrême limite, sedéfendre pour les accidents de la circulation, il ne l'est pas pour les émeutes.La police a pour mission de préserver l'ordre public - elle est de plus en plussollicitée par cette tâche -, elle n'a pas vocation à résoudre les problèmessociaux et politiques. Or, face à ce qui s'apparente de plus en plus à uneguérilla sociale qui choisit l'émeute comme expression par défaut decrédibilité des médiations agréées, les politiques paraissent ne s'en remettrequ'aux seules forces de sécurité.Il faut être aveugle pour ne pas voir dans ces émeutes quipassent de ville en ville et qui n'épargnent même plus les campagnes qu'ungrave problème existe. Ce serait un aveuglement plus grand que de conclure, commeil est d'usage, à l'existence d'une manipulation ou d'un hypothétique complot. Quandces émeutes s'installent depuis des années et prennent toujours les mêmescontours d'une irruption violente et autodestructrice des jeunes, déclenchéepar un incident, parfois mineur, il vaut mieux cesser de chercher le comploteurpour s'interroger, sérieusement, sur la nature de ce qui est devenu un fait desociété et s'érige en un fait politique. Si, a contrario du langage codé desjeunes, l'émeute n'est pas une forme «normale» d'expression, cela doit inciterles gouvernants à sortir du prisme sécuritaire ou de l'agacement hautain àl'égard des perturbateurs.Il y a un problème réel avec la jeunesse, c'est-à-direl'écrasante majorité de l'Algérie. Il se pose depuis au moins octobre 1988 etil n'est pas soluble par le seul recours à la police, ce serait charger cecorps d'une mission pour laquelle il n'est pas outillé. Il se pose aujourd'hui.C'est une jeunesse impatiente, désorientée, qui ne supporte pas les impasses sociales et de ce qu'elle perçoit comme une hogra sociale. C'est une jeunesse qui n'est pas politiséemais qui pose un problème politique urgent: celui de la représentation socialedes citoyens, de la viabilité des médiations en place. Qui peut nier qu'enl'état actuel des choses, les structures partisanes ou associatives agissentpour leur propre compte et exclusivement en tant que représentants ou endéfenseurs de l'autorité ? Comme elles ne prennent pas en charge lesrevendications sociales, elles sont totalement inutiles dans la gestion descrises.Il est difficile d'attendre du pouvoir qu'il adopte leregard positif du sociologue Nacer Djabi qui considère que «l'émeute est une violence positivequi manifeste de l'espoir». Mais si, par pur souci sécuritaire, on admet quel'état de déstabilisation de la jeunesse déstabilise le pays, alors la réponsene peut être que politique. Elle pose gravement la question de l'inadéquationd'un ordre politique face aux exigences de la société.



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