Algérie

SE RéFUGIER EN DIEU : UNE APPROCHE SOUFIE


SE RéFUGIER EN DIEU : UNE APPROCHE SOUFIE Les Musulmans sont appelés à chercher refuge dans la protection de Dieu contre les maux de Satan. D’où la formule consacrée (istiâze) : Je cherche refuge auprès de Dieu contre Satan le lapidé (A’ûzu billâhi min-ashshaitân ar-rajîm) laquelle accompagne toujours l’autre formule consacrée : Au nom de Dieu le Miséricordieux, Celui qui fait miséricorde (Bismillâhi-rahmâni-rahim). Cette formule doit être prononcée toutes les fois que nous voulons la protection divine contre le Diable. Dans cet article, nous essaierons d’examiner ce que les commentaires soufis ont dit au sujet de l’istiâze : mot qui signifie littéralement le fait de chercher refuge auprès de Dieu. Le verset 98 de la sourate 16 ordonne aux croyants de réciter l’istiâze avant de réciter ou de lire le Coran, de peur que les forces démoniaques puissent gêner la récitation de la Parole de Dieu. Le verset en question dit : « Chaque fois que tu lis le Coran, demande pardon à Dieu contre Satan le maudit ! Satan n’a nulle emprise sur ceux qui ont la foi et se confient à leur Seigneur. Seuls subissent sa loi ceux qui en font leur maître, l’associant au culte de Dieu. » (Le Coran, Sourate 16 L’abeille verset 98-100) Il y a une indication au verset 98 exprimant le fait que réciter l’istiâze avant de lire le Coran prépare le cœur à recevoir les lumières divines tout en le protégeant des tentations de Satan. En accomplissant cela, le cœur se purifie puis l’action de réciter devient une démarche intentionnelle et n’est pas le fait d’imiter les autres. Selon Ismaîl Hakki, le célèbre auteur de « l’âme apparente » (Rûh al-Bayan), réciter l’istiâze signifie demander à Dieu Sa permission avant de commencer toute activité ; à l’instar du serviteur qui ne peut entrer dans la présence du roi, de ce fait, le croyant ne peut prétendre commencer une lecture coranique sans avoir, au préalable, obtenu la permission divine. Hakki dit aussi que c’est au moment où l’homme cherche refuge auprès de Dieu qu’Il répond ainsi à ses prières. (1) Cependant, prononcer l’istiâze ne fait pas d’un croyant un être sans péché. Sayyid Qutub, interprétant ce verset différemment, dit que les croyants commettent des petites erreurs mais, en revanche, ils ne soumettent jamais leur volonté à celle de Satan. Il accepte ainsi que les croyants sont sujets à commettre des péchés mais ils ont la capacité de se réfugier immédiatement en Dieu. (2) Le commentaire de Qutub est confirmé par le verset coranique stipulant que Satan n’a de pouvoir qu’envers ceux qui le tiennent pour ami. Bien que ce verset recommande de prononcer la formule de l’istiâze avant de débuter toute lecture du Coran, la plupart des exégètes sont unanimes pour affirmer que les croyants doivent obligatoirement la prononcer avant d’entreprendre toute action. Notre Créateur exprime clairement le fait que Satan n’a de pouvoir que sur ses amis et n’en possède aucun sur les Amis de Dieu (Awliya). Cette réalité n’est pas valable uniquement pour une lecture coranique mais également pour l’ensemble des activités que les croyants entreprendront. La simple formulation de l’istiâze, énoncée avec le bout de la langue, ne suffit pas pour obtenir l’aide et la protection divine. En effet, il existe quelques conditions préalables pour que l’istiâze prononcée par le musulman soit licite. Parmi celles-ci, croire en Dieu et posséder une foi forte sont des points où il faut particulièrement insister ; dire de simples paroles sans vraiment croire à la puissance divine ne pourront pas protéger efficacement le croyant. (3) Lorsque celui-ci énonce l’istiâze, toutes les cellules de son corps doivent se joindre à sa supplication. Hudâi, le fameux maître soufi de l’ordre Jalwatiyya, offrit de nouvelles perspectives aussi loin que les diverses interprétations ésotériques du verset sont concernées. Il disait que lorsqu’on cherchait refuge auprès de Dieu, le cœur doit être présent avec la langue et l’état (hâl) doit être en cohésion avec les propos. En d’autres termes, lorsqu’un croyant désire une chose interdite par Dieu (haram), l’istiâze d’une telle personne n’est pas réellement sincère. Hudâi pense que l’ego (nafs) de la plupart des gens coopère avec Satan. D’où le fait que le croyant aurait tout intérêt à détruire cette coopération entre Satan et son ego. Toujours selon Hudâi, cette entreprise n’est seulement possible qu’en augmentant sa connaissance de Dieu (ma’rifa). Abû Saîd bin Al-Kharrâz a vu une fois Satan en rêve et a voulu le frapper avec son bâton. Satan lui dit : « Je n’ai pas peur de ton bâton mais seulement des lumières de la connaissance divine qui brillent dans le cœur des gnostiques. » (ârif) (4) Par cette explication, Hudâi insinue que lorsque la langue n’accompagne pas le cœur vers une recherche sincère de la protection de Dieu, formuler l’istiâze n’est pas acceptable. Avant même d’exprimer le désir de se réfugier en Dieu, la première chose à savoir est de connaître la nature de l’ennemi duquel il faut s’échapper. En insistant notamment sur ce point, Al-Fakr Al-Razi montre que cette petite phrase recouvre des milliers de significations différentes. (5) Ces dangers, en particulier les maux cachés qui conduisent vers des chemins d’égarement et éloignent de la pure voie de la législation islamique (sharia), restent toujours un sujet d’étude pour les soufis. Ces dangers sont de deux sortes : les premiers sont d’ordre physique et les seconds d’ordre spirituel. Malheureusement, la majorité des gens ne connaissent que les dangers d’ordre physique et s’efforcent uniquement de se protéger contre leurs mauvaises influences. Ils semblent oublier qu’un être humain possède aussi une dimension spirituelle et que celle-ci affronte également n’importe quel danger. Ces derniers sont infiniment plus dangereux que les premiers. Le plus grand dommage que peut engendrer un danger physique est de causer la mort. Puisque chacun devra mourir un jour, quelle importance de vivre dix ou vingt années de plus que les autres. Qu’est-ce que dix ou vingt années d’existence supplémentaire à côté de l’éternité des ans qui s’écouleront dans la Vie Future. A ce propos, Dieu dit dans le Coran : « Du ciel, Il décide par ses décrets de toute chose sur terre. Puis tout remonte vers Lui en l’espace d’un jour dont la durée est de mille ans selon votre calcul humain. » (Le Coran, Sourate 32 L’adoration, verset 5) Par le Dr Suleyman DERIN Faculté de Théologie Marmara, Istanbul (Turquie)
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