Algérie - Revue de Presse


Il est peu de professions plus difficile à définir que celle de l?artisanat. Les légistes et les économistes n?ont pas encore pu se mettre d?accord sur une formule acceptable et ce n?est pas aujourd?hui que nous essaierons, pour notre part, d?en proposer une ; qu?il nous suffise de dire que les artisans auxquels nous nous intéressons se distinguent pas la qualité et l?originalité de leurs travaux dont la valeur artistique est indéniable. L?artisanat traditionnel est aujourd?hui dans un état comateux. Certaines corporations ont complètement disparu, les autres survivent si difficilement qu?il n?est pas téméraire de prédire leur fin prochaine. L?organisation corporative s?est effacée, les artisans dispersés, abandonnés à eux-mêmes, se débattent dans les pires difficultés. Les artisans, faute de moyens et de matière, ont été exploités par des intermédiaires peu scrupuleux ; c?est comme cela que certains métiers se sont perdus. Il faut dire que le développement de l?industrie et la mécanisation de certains métiers ont complètement ruiné l?artisan. L?ouverture du marché a permis l?importation de produits de manufacture qui ont envahi nos marchés (surtout en provenance d?Asie). Frappé de plein fouet, écrasé par les contraintes, l?artisanat s?est essoufflé et a disparu complètement de nos villes. Exemple dans le tissage, on produit vite et à meilleur marché, une copie d?un article qui sera fait en un mois manuellement. La mécanisation de certains métiers, comme la broderie, a révolutionné tous les marchés et les prévisions. La broderie artisanale est une valeur artistique sûre. La brodeuse, pour qui le temps ne comptait pas, composait jadis avec amour des travaux pour lesquels il fallait dépenser des trésors de patience, elle est maintenant obligée de s?arrêter pour laisser place aux brodeuses japonaises multitêtes qui produisent en une heure ce qu?elle réalisait en un mois. A quoi bon maintenir ce que l?évolution condamne et faire renaître ce que le progrès a rejeté en arrière ? Ce qui nous intéresse, ce que nous voulons sauver c?est justement ce qui appartient en propre à notre algérianité, cet art si particulier, si attachant qui ne peut laisser indifférent, et cela, nous le voulons pour des raisons d?ordres culturel, économique et social. Au point de vue culturel, l?art populaire, qui est devenu l?artisanat actuel, constitue les trois-quarts du patrimoine artistique de notre pays. C?est un devoir de le sauver, le particularisme rend si attrayant ce pays. Ne cherche-t-on pas, dans ce même esprit, à sauver et à faire revivre nos arts régionaux ? Il serait désespérant que rien ne soit tenté alors qu?il est encore temps, même si pour cela il faudrait un effort financier sans espoir de rentabilité, car il y va de notre culture et de notre identité. Il ne faut surtout pas voir en notre artisanat une spéculation intellectuelle, mais une démarche saine et nationale Du point de vue économique, la question mérite également une attentive étude. Nombreuses sont dans notre pays les régions où la nature est particulièrement avare de ses dons. L?élevage y est difficile, la culture presque impossible et cependant les hommes qui y vivent méritent qu?on s?intéresse à leur sort. Si l?artisanat peut être un complément de ressources, nous devons tout faire pour le développer. L?expérience nous a prouvé ailleurs que la chose était possible (voir nos voisins), à condition que le problème soit bien posé et les moyens d?action étudiés avec soin et compétence. Enfin, du point de vue social, l?artisanat, compris sous la forme du travail familial, tout en assurant un complément de ressources au ménage, maintient la femme... La nécessité d?une rénovation est obligatoire dans ce domaine. La prise en charge totale pour faire débuter cet art dans notre capitale et ailleurs, est souhaitée, la priorité doit être affichée pour l?attribution de locaux adéquats dans La Casbah et autres unités ainsi que dans des lieux classés et touristiques (ex-Bastion 23). Il peut lancer un concours national avec jury pour l?attribution des voûtes de la pêcherie, et ouvrir des écoles de formation avant que ceux qui maîtrisent encore l?art ne s?en aillent. L?artisanat ? Le mot prête à sourire au siècle de l?industrie... Quelle place, en effet, donner à ce survivant d?âges révolus ? Que vient-il faire encore dans un monde hanté de machinisme entraîné inexorablement, semble-t-il, dans un tourbillon de progrès où la conscience humaine flotte et recherche son équilibre ?... Peut-on s?arrêter dans cet élan en avant et consacrer un temps, toujours précieux, à un problème qui ne paraît plus d?actualité. Il est de notre devoir, nous Fondation Casbah, nous croyons plaider la cause de cet accusé, de montrer que le progrès ne peut l?exclure (le fait qu?il survit suffit sans doute à le prouver bien mieux et le fait que l?on en parle aussi). Nous essayerons de démontrer que dans une économie aussi variée que celle de notre pays en présence d?une population aux conditions de vie si différentes et multiples, l?artisanat a, doit, et peut avoir sa place. Il faut donc étudier sérieusement la possibilité d?organiser ce secteur et de le ressusciter. Il faut apporter l?aide nécessaire pour la relance de ce créneau, et reprendre en main tous nos artisans que les nouvelles conditions de vie ont éloigné momentanément des activités artistiques et économiques. Nous avons organisé plusieurs manifestations pour l?artisanat, nos artistes, qui y ont participé, ont prouvé par leurs efforts que la conscience professionnelle n?est plus un vain mot oublié au fond des âges. Leurs qualités ne demandent qu?à s?épanouir et à être transmises, c?est ce qui nous pousse à envisager sainement une renaissance totale des Arts populaires de notre Algérie ; ce qui nécessiterait un retour en arrière pour reprendre à partir de zéro cette corporation. Alors, il sera possible, nous le croyons, de sauver les techniques les plus originales qui ont fait la gloire de l?Algérie. La réorganisation des métiers doit se faire par région, car chaque coin de notre pays a ses propres connaissances spécifiques des techniques traditionnelles, un travail d?enquête systématique doit être fait. Il faut commencer pour relancer cette division régionale, par la tenue d?expositions artisanales dans chaque coin de l?Algérie, en tenant compte des spécificités propres aux régions avec une matière première locale, et surtout avec démocratisation sur place. La Fondation Casbah



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