Algérie

Salah Baouya, Le poète qui a payé cher son amour pour la modernité




En Salah Baouya(1) apparaît le poète arabophone de l’Algérie moderne. En effet, dès les années 1950, il a inauguré des thèmes et des formes qui, dans une large mesure, dépassaient ceux de ses contemporains. Chantre des maquisards et des foules au travail, il a délibérément rejeté les harmonies rythmées et les atténuations chères à la poésie classique d’expression arabe. Ses idées comme ses sujets reflètent, en les magnifiant, les étapes héroïques de l’Algérie des années 1950 et de l’ère post-indépendance. Ses meilleurs poèmes retrouvent un rythme instinctif, des images surgies d’un inconscient atavique qui confèrent force et saveur à un langage nouveau dans la poésie algérienne de langue arabe ; parlant du peuple algérien en 1950, il s’interrogeait : « Peut-être pour un instant l’ancienne ardeur le ressaisit-elle ? » Puis, il ajoutait en 1956 : « Les champs solitaires, Le murmure du ruisseau paisible Cessèrent de l’intéresser. » Ces vers nous donnent la clé pour entrer dans le monde de Salah Baouya. Ce dernier se retrempe aux sources vives d’une vie quotidienne, à la fois vécue et rêvée, d’avoir embrassé en ses incarnations parfois les plus bizarres la révolution algérienne de 1954. Nourri des fabuleux espoirs de l’ère libératrice, Salah Baouya vécut les vicissitudes de la guerre de Libération, vibra au contact de l’indépendance et assista avec une lucidité presque inquiétante de voyant au déchaînement chaotique des appétits qui marqua l’après-guerre, « Que trop souvent nous sommes heureux De prendre des paroles pour des actes ? Que la sottise est frivole et méchante ? » « Que nos désirs les meilleurs, Que nos plus fraîches rêveries s’en sont allés rapidement. » Son œuvre, un recueil de poèmes unique enrichi à partir de la première édition (1960) jusqu’à la deuxième (1969) sous le titre définitif de Chants de combat(2) s’identifie au développement organique d’une vision lyrique et pareillement au progrès d’un pays : « Entre eux tout engendrait la discussion : Les traités entre les peuples, Les fruits de la science, le bien et le mal, Et les préjugés séculaires... Ils examinaient tout. » Or le rayonnement immédiat de cette prédication fraternelle, ambitieuse et scientifique auquel le poète attachait tant de prix ne s’est pas imposé(3). Jusqu’à nos jours, Salah Baouya est considéré, dans les milieux de la critique arabophone, comme un poète hermétique, prétexte aux plus ingénieuses et aux plus érudites exégèses. Cela tiendrait d’abord, sur le plan formel, de l’abandon des rhétoriques éprouvées et de l’utilisation d’un procédé de juxtaposition qui fixe les saccades et les intermittences de la conscience et surtout de la subconscience.

(1) Mohamed Salah Baouya est né en 1920 à El Oued ll a fait ses études à Constantine, Baghdad et Belgrade. Il était médecin orthopédiste. En 1995, il a été kidnappé par des terroristes. On n’a pas encore retrouvé son corps. (2) Edition SNED - Alger, 1969 (3) Salah Baouya, était trop moderniste pour les adeptes de l’intolérance et de l’obscurantisme.


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