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Sacré mois de Ramadhan


Sacré mois de Ramadhan
Le mois sacré est connu pour être celui de tous les dépassements dans les comportements vestimentaires, culinaires et distractifs. Le comportement de l'individu se métamorphose en un laps de temps, prenant de nouvelles habitudes et exprimant des désirs que l'on ne peut pas éprouver en dehors de ce mois sacré. Un mois vraiment sacré. La chorba à peine terminée pour certains, que d'autres ont déjà franchi le seuil de leur porte avec comme première destination, les salles de fêtes ou le café du village. La ville de Béjaïa s'anime. Comme partout ailleurs, cela fait déjà un peu plus d'une dizaine de minutes que les cafés et les magasins sont ouverts...Alors que la RN12, axe qui dessert la vallée de la Soummam et la RN 09 renouent avec la circulation. Depuis près de dix jours, le flux est plus que d'habitude. Entre ceux qui viennent passer la soirée à se prélasser à la brise de mer et ceux qui viennent s'approvisionner, l'Aïd oblige, ces deux axes routiers déversent une déferlante humaine qui ne tardera pas à faire suffoquer la capitale des Hammadites. Des goulots d'étranglement apparaissent au carrefour de la ville. Bref, il n'est pas facile de vivre. Nous décidons de quitter Béjaïa pour une virée chez les ruraux, histoire de vivre une soirée avec eux.Après un f'tour copieux chez un ami. Nous nous rendons à Hammam Sillal, chef-lieu de la commune de Tifra. Amar, propriétaire du plus ancien café populaire de la région, est déjà derrière son comptoir.Tout en surveillant sa presse à café, il se prépare à accueillir ses clients dont les premiers, les plus inconditionnels, ne tarderont pas d'ailleurs à arriver. Il aura suffi de quelques minutes pour que le vieux petit comptoir soit assiégé. Il devient, au fil des minutes, de plus en plus difficile de se frayer un chemin pour commander sa boisson préférée.Derrière, les tables sont déjà toutes occupées. Là, le café, le thé et la boisson gazeuse se conjuguent forcément avec une interminable partie de dominos ou de rami. Des parties de jeux qui réunissent durant chaque soirée de ce Ramadhan, et pour de longues heures, des têtes grisonnantes et d'autres prônant des coupes à la «mode».Une ambiance qui attire à la fois les costumes et les combinaisons, qui pour participer au jeu et qui pour assister, histoire de passer le temps. Notre café dégusté, nous quittons «l'ambiance» de ce café situé au centre de l'agglomération, alors que d'autres gens affluaient individuellement ou en groupes vers ce coin qui, comme le reste des lieux semblables, ferme ses portes à 19h durant tout le reste de l'année. Dehors, l'ambiance tranche avec celle d'il y a à peine une demi-heure et surtout avec celle des soirées ramadhanesques des années précédentes durant lesquelles, se souvient-on, la vue du thermomètre n'incitait guère à sortir. Il est 21 h 30 et la RN 735 qui traverse le chef-lieu communal grouille de monde. Un mouvement à double sens. Certains descendent pendant que d'autres montent. Cela dépend d'où on vient et où veut-on aller. On se croise, on se salue, on s'arrête parfois pour discuter un moment avec quelqu'un et on continue.C'est cette route qu'on emprunte pour aller à Sid Aïch. Dans le bus qui dessert la ville, d'aucuns parlent d'un lieu où se déroule le jeu de loto. C'est à Timezrith où nous arrivons vers 22 h. Ici, dans cette bourgade de 20 000 habitants, la préoccupation n'est ni des tarawih ni celle des soirées à veiller, encore moins la fièvre des achats. Ici c'est le Loto qui réunit des milliers de personnes.Pour une mise de 50 DA, vous pouvez gagner un scooter, nous explique le gardien du parking qui s'est démultiplié pour nous trouver une place. Plus haut, un champ vierge de culture fait office de salle où des tables sont soigneusement rangées accueillant chaque soir les joueurs occasionnels. Cinq tirages en tout pour chaque soirée et ce, depuis le début du Ramadhan. Le propriétaire est autorisé.Autrement il aurait été mis fin à son activité depuis longtemps. La brigade de la gendarmerie locale se situe à deux pas de là. Moyennant une sonorisation digne de celle d'un gala de haute facture, on cite à haute voix des chiffres allant de 0 à 99.Le premier qui remplit son carton est désigné gagnant du tirage. Un gain variant entre 20.000 et 40.000 dinars est offert au gagnant. Mais le moment le plus attendu reste le dernier tirage avec au bout un gain pouvant aller jusqu'à la valeur d'un scooter. Ce jour-là c'est un sexagénaire qui a eu cette chance. «Il va le vendre ou l'offrir à son fils», commente un jeune malheureux joueur. C'est comme ça depuis le premier jour du mois sacré. Comme s'il s'agissait d'un rendez-vous nocturne soigneusement préparé, tous les habitants de la région s'y retrouvent après la rupture du jeûne. Il est l'heure de rentrer. Deux jeunes attendent un taxi sur Sidi Aïch, le chef-lieu de daïra situé à 8 km de là.En effet, à partir de 20h Sidi Aïch cette ville commerçante, grouille de monde. «J'aime aller à Sidi Aïch parce qu'il y a au moins des cybercafés et surtout plus d'ambiance», explique un des deux jeunes. Juste à côté, un autre groupe de jeunes attend quelqu'un, un ami disent-ils, pour aller à Béjaïa. «Nous allons descendre en ville pour nous rendre à la surface du Lac. Nous avons l'habitude de nous y rendre», disent-ilsDe retour à Tifra, on observe une halte sur notre chemin. Au loin, des locaux apparaissent éclairés. À l'intérieur, l'air devient irrespirable au fur et à mesure que l'heure avance. À raison de 50 DA la partie, Boussad, un jeune pâtissier qui doit pourtant se lever tôt le matin, mais qui est devenu un inconditionnel de ce jeu, dépense jusqu'à 500 DA chaque soir lorsqu'il n'arrive pas à remplir une seule fois dans la soirée le premier toutes les cases de sa carte comme le stipulent les règles du jeu.«C'est juste une histoire de passer le temps», dira encore Boussad, expliquant que même lorsque l'on touche, le «pactole», il ne dépasse pas les 1000 à 1200 DA. Mais «une partie appelle une autre, et souvent on ne se rend pas compte du temps qui passe».Ce n'est qu'à partir de 1h ou 2h du matin que l'on commence à quitter, l'un après l'autre, les tables de fortune pour rentrer chez soi, empruntant des chemins désertiques. À cette heure-ci, l'on commence déjà à se réveiller. C'est l'heure du s'hour.




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