S'il est encore, dans ce monde...

Les systèmes, et c'est légitime, tentent de vivre le plus longtemps possible. Mais ne pouvant atteindre cet objectif qu'en changeant leur fonctionnement, ils doivent, comme disent les spécialistes du management, s'adapter. L'adaptation requiert toujours compétence et volonté d'amélioration. Aussi, et à partir du moment où viennent à manquer les compétences, la volonté d'amélioration déserte les lieux et c'est l'instinct de survie qui émerge, écrasant sur son chemin tout danger réel ou potentiel, avec cette violence et dans cette agressivité que seul ce type d'instinct peut avoir. S'il est encore, dans ce monde, des pays où il n'y a point d'opposition politique et s'il en est d'autres où elle ne figure que sur le papier, c'est à cause de cette manifestation de l'instinct de survie de systèmes qui, incapables de changer, font tout pour réduire les appels au changement. Mais il est des systèmes qui, lorsqu'ils sont intelligents, peuvent ne pas se suffire de cet amuïssement des hommes et des voix. Ils vont jusqu'à faire de leur faiblesse, c'est-à-dire leur incapacité à s'améliorer, une force redoutable qui peut les aider à vivre longtemps encore. Ces systèmes « internalisent », ou si l'on veut rachètent, les éléments externes qui tentent de forcer le changement et dont la raison d'être même est de pousser au changement continu. S'il est encore, dans certains pays de ce monde, des partis d'opposition qui adhèrent aux programmes des pouvoirs en place, c'est bien à cause de cette aptitude de certains systèmes, non pas à se transformer eux-mêmes, mais à transformer plutôt leur environnement. Ce n'est pas fini ! Il y a des systèmes, plus intelligents encore, qui savent que, pour asseoir définitivement les bases de leur pérennité et, donc, pour annihiler, jusqu'au jour du Jugement dernier, toute demande d'amélioration, assènent le coup final en pervertissant tout élément demandeur de changement, voire en en « préprogrammant » toute manifestation. S'il est encore, dans certains pays de ce monde, des partis d'opposition qui soutiennent et défendent, bec et ongles, les pouvoirs en place, c'est certainement dû à cette haute capacité de certains systèmes à transformer tout ce qu'ils touchent en mains « applaudisseuses ». Et ce n'est pas fini encore ! Les systèmes intelligents aiment admirer leur oeuvre. A l'aune des grands pâtissiers, ils aiment reculer d'un pas et contempler leur beau gâteau, une fois achevé. Mais, par-dessus tout et plus que tout, ils aiment voir la cerise sur le gâteau. S'il est encore, dans certains pays de ce monde, des partis d'opposition qui se plaisent à servir de porte-parole aux pouvoirs en place, c'est, sans doute, à cause de ce plaisir aussi vieux que le monde de se régaler à la vue d'une cerise sur un gâteau. La violence n'est pas toujours comme on la croit. Elle peut être autrement menée. Une opération de déracinement des bourgeons d'espoir ne peut être que violente, quand bien même le ferait-on en chantant la plus belle des berceuses. Les mensonges sont brutaux, quand bien même prendrait-on la précaution de les faire dire à la meilleure conteuse ! Et le piétinement de l'avenir est horrible, quand bien même doit-on le faire faire à une grande danseuse !