Algérie - A la une

Rime pauvre, très pauvre Fronton



Vaille que vaille, le printemps a commencé. Les mimosas ponctuent leurs feuillages de jaune. Mais il est des secteurs où l'automne semble permanent. Celui des librairies en est un assurément.
Dernière tombée au champ d'honneur de la culture, la librairie «Ta Page», que Ramdane Iftini avait ouvert au Telemly, à Alger. Ce jeune homme quinquagénaire, connu pour ses passions artistiques, dont la réalisation de documentaires, y avait mis tout son c'ur, et sans doute aussi toutes ses économies. Après deux ans seulement d'activité, ce lieu situé pourtant dans un quartier réputé «cadres et intellos», va liquider ses stocks avant fermeture définitive le 14 avril prochain. La date aurait dû être reportée de deux jours. Elle aurait ainsi coïncidé avec le 16 avril, Journée nationale du Savoir, pour mieux souligner l'horreur du fait.
Le mois dernier, c'était la librairie Dalimen de Staouéli qui fermait en catimini après avoir bravement incarné, pendant plusieurs années, la culture au milieu des rôtisseries et salons de glaces. On nous annonce aussi la fermeture d'une autre librairie du Telemly que nous n'avons même pas eu le temps de connaître.
Ces chutes viennent prolonger la spirale mortifère engagée depuis plusieurs années : «El Ghazali», vendue et transformée en boutique de vêtements, «L'Espace Noun» emporté corps et âme, «La Librairie des Beaux-Arts» toujours fermée sans annonce de réouverture, «Mille-feuilles», passée à perte et oubli' Entre-temps, il y a eu aussi des créations, comme «Kalimat» ou la librairie «Arts et Lettres», des résurgences, comme la librairie «Ibn Khaldoun», de belles résistances, comme la «Librairie Générale» d'El Biar ou «Ijtihad»'
Mais, l'un dans l'autre, plus d'allongées que de levées ! En outre, avait vous remarqué, nous ne parlons que d'Alger. Dans le reste du pays, c'est pire encore. Oran a deux librairies, Constantine une, etc. Le registre de commerce accorde le titre de «librairie » à des papeteries ou des commerces «où l'on vend des couches-bébés et des parfums», pour reprendre la formule de Sid Ali Sakhri de la défunte «Mille-feuilles». Mais si l'on doit retenir les véritables critères d'une librairie, combien y en a-t-il en Algérie ' Une trentaine sans doute, en se montrant généreux. Ce qui donnerait une librairie pour plus d'un million deux cent mille habitants ! Cela, sans tenir compte des déséquilibres territoriaux en la matière. Entre-temps, l'ASILA (association des libraires algériens) a gelé ses activités. Le Prix littéraire annuel qu'elle décernait a disparu.
N'y a-t-il plus rien à faire que de contempler ce naufrage ' L'imagination, la réflexion, le bon sens ne peuvent-ils enfanter d'un plan de sauvetage avec des mesures de soutien, des aménagements fiscaux, des crédits spéciaux ' En attendant, s'il est une rime pauvre, c'est bien celle entre «Algérie» et «librairie» !
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