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Rendre compte de la capacité à résister durant les années 1990


Rendre compte de la capacité à résister durant les années 1990
Mourad, Akli, Areski et Louisa se remémorent les années de feu et de sang, la décennie noire des années 1990. Des photos de leur jeunesse en Kabylie réveillent les souvenirs, les cauchemars mais aussi une certaine joie de vivre malgré la catastrophe. C'est la trame choisie par la dessinatrice Une blonde au bled pour son premier album sorti en France chez L'Harmattan.- Quel a été le premier dessin, la première esquisse qui vous est venue en tête ' Bref, qu'est-ce qui a déclenché le processus 'A la base, je voulais faire des dessins d'anecdotes de la vie quotidienne des Algériens pendants la guerre civile. J'ai commencé par une histoire... qui n'est pas dans le livre d'ailleurs !- Laquelle 'C'est l'histoire d'un trajet Blida-Alger. Un homme est seul en voiture, il arrive sur cette route, qui d'ordinaire est très fréquentée, mais il n'y a personne. Alors, il s'arrête et attend de voir une voiture venir en sens inverse pour y aller. Et comme la nuit va tomber, il finit par se lancer et là il croise une autre voiture en sens inverse. Le conducteur qui venait en sens inverse avait fait le même calcul... et attendu. Vous voyez la situation absurde.- Pourquoi cet intérêt pour les années 1990 ' Ce n'est pas évident comme sujet, même pour un auteur «d'ici»'j'ai été imprégnée à distance de la guerre civile, par des conversations dans ma famille... Il faut dire qu'on avait un Algérien à la maison ! J'étais ado et je ne comprenais rien à ces histoires de massacre, d'armée et de faux barrages...Mais je savais que j'aurai envie de comprendre un jour. Je voulais faire un bouquin sur le quotidien des Algériens dans les années 1990 qui rende compte de leur capacité à résister dans un contexte de terreur. Je voulais dessiner des anecdotes du quotidien, surtout sur les trajets en voiture, les accrochages, ce qui rendait la vie des Algériens si difficile et parfois absurde.Mais ça allait être un livre vraiment noir et déprimant ! Et puis j'ai fait la connaissance de copains kabyles. Et ça a ajouté de la complexité à l'histoire, mais aussi de l'humour et des anecdotes plus agréables à lire que ce que j'avais imaginé faire au départ. Je me suis dite que le livre à faire était là.- Qu'est-ce qui vous a le plus bouleversée 'Beaucoup de choses. La grande manifestation des femmes, entre autres. Mais j'ai le souvenir d'une réunion publique organisée à Orléans, à laquelle j'étais allée avec mes parents, ça devait être en 1997 ou en 1998. Il y avait eu un exposé de la situation, et une femme avait pris la parole pour demander «qui tue en Algérie ' On veut savoir la vérité. On veut savoir qui tue en Algérie !» C'est un souvenir très fort. Je trouvais ça terrible d'être dans un état de guerre sans pouvoir identifier clairement l'ennemi.Et puis il y avait notre ami Algérien, intime de notre famille, qui revenait chaque fois avec des scènes d'horreur en tête. On pouvait lire sur son visage, à chaque retour, ce qu'il avait vécu et la sensation de décalage qu'il avait en passant comme ça d'un monde à l'autre : l'Algérie où chaque trajet en voiture (il vivait près de Blida) était une prise de risque, et notre univers à nous, en France, paisible et relativement indifférent à ce qui arrivait, jusqu'aux attentats de 1995 à Paris.J'ai eu aussi beaucoup de récits, par la suite, de scènes plus ou moins terrifiantes par d'autres copains algériens ou par des gens qui se sont confiés à moi. Je souhaitais dessiner ces histoires-là. Mais je me suis rendu compte que cette violence est très difficile à dessiner, très éprouvante : ça n'a rien à voir avec le fait de dessiner de la fiction, des meurtres de roman policier, par exemple. Les quelques scènes de violence présentes dans mon bouquin, c'était déjà une épreuve à dessiner, car je me sentais proche des personnages ! Et je ne voulais surtout pas que ça paraisse condescendant.- Pourquoi un tel livre aujourd'hui 'Ce livre est un hommage à la génération qui a vécu les années noires, et en particulier aux militants, journalistes, personnes du milieu culturel qui ont disparu, ainsi qu'aux anonymes qui ont résisté au quotidien.





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