Algérie - Tissage


Remettre sur le tapis...
Le frâch du Djebel-Amour, par son aspect strictement géométrique semble être le tapis le plus représentatif de l'art du tissage du Maghreb. Son décor sobre et pur pourrait bien être une survivance des vieux thèmes de composition que les apports de l'Orient dans les autres régions de l'Algérie, ont modifié, parfois embelli, mais souvent alourdi. Pourtant le reggâm, dans le temps, et, actuellement la tisseuse, fait appel pour sa réalisation aux points noués et coupés une technique importée, semble t-il de Ghiordès en Asie Mineure.

Les q'tif sont le support sur lequel les Maître Tisseurs ont laissé exprimer toutes leurs âmes d'artistes, puisant et stylisant dans tous les répertoires des arts les plus divers. Cependant, ces tapis se caractérisent par une technique qui est d'une originalité toute particulière : La laine est nouée sur les chaînes en longues boucles qui ne sont généralement ni coupées ni arasées par la suite, un procédé de réalisation qui semble inconnu en Orient,

Je m'excuse de remettre l'art du tapis sur le tapis… mais j'avoue que vos échanges sur « le problème de l'identité » me donne envie d'évoquer cet art populaire . Quand le frâch affiche une « authenticité » de signes alors qu'il se réalise avec une technique importée et que le q'tif semble accepter toutes les « modes » alors qu'il demeure fidèle à une technique dont les origines sont des plus obscures et que seul le texte de Yakut El Hamaoui dans « Mudjam' al Buldân », au XIII eme, fait référence à son originalité, je suis émerveillé devant le génie de cette expression populaire dont de magnifiques spécimens sont exposés au Musée National des antiquités et au Musée National des arts et traditions populaires. Le geste de ces reggâm, qui sillonnaient les contrés et chargés de nouvelles approches ils rejoignaient leurs régions et parvenaient avec naturel et conviction non seulement à les intégrer dans les tapis mais également à se les approprier ; car les archives que j'ai pu consulté ne rapportent aucunement l'existence d'une frontière entre l'originel et le nouveau, à aucun moment le reggâm n'a séparé avec une bande ce qu'il avait dans ses bagages avant ses voyages de ce qu'il a rapporté avec lui. Le tout devient sa création, son œuvre, son tapis et le tout fait partie d'un ensemble. Ces parcelles de mémoires constituent notre patrimoine et je suis convaincu que le geste des reggâm a également contribué à enrichir d'autres répertoires et d'autres identités.


J'ai eu le plaisir et je garde profondément en souvenir des moments précieux quand j'ai enregistré avec Mr Fares « Légendes urbaines », consacrée à mon livre sur l'art du tapis en Algérie… Il est vrai que dans l'art populaire les signes qui nous viennent d'un temps où nous étions encre à l'écoute et en contact avec des mondes parallèles… nous proposent un voyage dans le temps. Nous les avions probablement rendu mystérieux et nous avions confié à ces symboles d'être les intermédiaires.

Ma grand-mère (tisseuse de Hambel) a toujours répondu à mes questions par des poèmes. Quand je lui demandais ce que voulait dire cette assemblage de petits carrées, ou cette succession de petits triangles, elle me racontait l'histoire d'un hiver rude, promesse d'un printemps doux de jardins fleuris ; et parfois elle se taisait. Elle n'est plus de ce monde mais elle a bien connu ce langage. A son époque les signes étaient importants, il y avait ceux qu'on ne mettait jamais sur un tapis de mariée et d'autres qu'on devait absolument intégrer dans sa composition. Ma grand-mère aimait bien parler de tapis mais appréciait moins les questions sur la signification des signes qu'elle tisse.

Peut-être avait elle peur que d'autres, d'un monde parallèle déchiffre ce code ? Où alors au fond de son coeur, une voix lui disait que je ne comprenais pas son langage… ?


Les questions que pose mon ami Aziz Fares nous mènent à en poser d'autres…. C'est l'effet printemps ! alors je me lance ! D'autres diront qu'il faut un décodeur…



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